Comparutions immédiates du lundi 7 mai
Le nouveau palais de justice de Lyon avait, dès midi, des abords bien inhabituels ce lundi 7 mai car un très important rassemblement s’y tenait, avec des personnes pleines de banderoles venant de toute la grande région, pour soutenir François Auguste, conseiller régional qui s’était opposé à l’expulsion de sans papiers. Son procès pour délit de solidarité a finalement été reporté au 26 novembre.
Des audiences ont lieu dès 14h (et ce jusqu’à 21h) dans la salle G habituellement réservée aux comparutions immédiates. Mais c’est un dispositif exceptionnel qui est mis en place pour les interpellés de l’intifada du 6 mai : on ouvre une autres salle, la salle H. Dès 15h on remplace les ampoules électriques, mais c’est seulement vers 17h que l’audience commence pour les comparutions immédiates de 5 jeunes, qui ont tous accepté d’être jugés tout de suite.
Pour commencer, le jugement dure à peine dix minutes, c’est celui de Mohamed, un jeune malentendant, tout juste sorti de l’adolescence. Il reconnaît avoir lancé trois ou quatre pierres. En fait, il est venu en ville juste pour aller manger un kébab, puis il a fait comme les autres manifestants et en plus il avait bu.
Le procureur demande six mois ferme. L’avocate insiste que ce n’est vraiment souhaitable pour lui de l’incarcérer avec son handicap. Il écope de trois mois de prison ferme avec mandat de dépôt immédiat et trois mois de sursis avec 18 mois de mise à l’épreuve avec obligation de soins ou de travail.
Adrien est tantôt à Grenoble et tantôt à Lyon. Il a reconnu avoir lancé des projectiles sur la place Bellecour vers 22h. Il y est interpellé vers 1h50 , et on retrouve sur lui une bouteille vide et deux cailloux. Il était en colère et il avait un peu bu. C’est pour Ségolène Royal qu’il a fait ça. En fait, il a suivi le mouvement. Il demande que l’on visionne les bandes de vidéosurveillance car il est sûr qu’il n’a touché personne et ne reconnaît pas la qualification de violences qu’on lui prête.
La réquisition du procureur est 9 mois de prison ferme, étant donné les antécédents et la récidive. En fait, il est condamné à 6 mois ferme avec mandat de dépôt et 3 mois de sursis, accompagnés de 18 mois de mise à l’épreuve.
(Inculpé de la manifestation du dimanche 6 mai : il ramasse 6 mois ferme)
Puis ce sont deux jeunes de 23 ans qui passent à la fois : Benjamin et un autre Mohamed, originaire de Djibouti. Tous les deux habitent Lyon et travaillent depuis plusieurs années. Ils ne se connaissent pas. Ils sont accusés d’avoir lancé des bouteilles contre le commissariat de la place Sathonay. Ils sont interpellés tous deux sur le quai St Vincent. Tous les deux nient complètement les faits.
Mohamed n’est même pas passé par la place Sathonay. Mohamed, qui a la peau noire, rentrait tranquillement chez lui quand une voiture de police s’est arrêtée à son niveau et que subitement on lui a passé les menottes. Une fois dans la voiture, un policier n’a pas cessé de lui mettre des coups et de l’insulter, mais il n’a pas réagi. « Je me trouvais au mauvais endroit au mauvais moment » dit-il.
Quant à Benjamin, il a reçu une balle de flashball en pleine poitrine sur la place Bellecour. Ce coup l’a mis par terre, plié en deux. Il a quitté son polo et un ami a été le mouiller pour le mettre sur la blessure. Dans la foule, il a perdu le polo et se retrouve au tribunal torse nu sous un blouson ouvert. La blessure est encore très visible. Il soupçonne qu’on l’a arrêté à cause du coup de flahball. Il est encore très affecté et il vient d’ailleurs de faire un malaise.
Il courait, comme tout le monde, après la charge de CRS, quand un véhicule de police s’est arrêtée à son niveau sur le quai St Vincent pour l’interpeller. D’ailleurs, il s’est alors arrêté de courir. Il n’a pas lancé de projectile, il dit que c’est la vérité.
(Gardés à vue suite à la manifestation du dimanche 6 mai : 120h de TIG pour certains)
Les avocates insistent sur le fait que la seule preuve indiquée trop facilement par les policiers était leur tenue vestimentaire, qui a été inscrite a posteriori sur les PV. Elles demandent la relaxe pour tous les deux, ce qui apparaît d’une grande évidence.
Le procureur cependant requiert pour chacun six mois ferme. A l’annonce du délibéré, ils sont quand-même déclarés coupables, condamnés tous les deux à 120 heures de TIG et 200 euros d’amende.
Pour Mickaël, le juge lui demande au préalable s’il accepte de ne pas tenir compte de la mauvaise rédaction d’un PV : en effet un policier affirme tout de go qu’il a reçu sur lui-même la bouteille qu’il dit avoir été lancée par Mickaël, alors que les autres policiers sont plus évasifs sur la destination des bouteilles lancées, dans leurs PV où les policiers ne sont pas nommément désignés. Magnanime, il accepte.
Mais pour Mickaël, cela devient encore plus abracadabrantesque. Il est de Nancy, et il y travaille depuis plusieurs années dans une même entreprise. Il est aussi bénévole dans une association. Il est venu à Lyon uniquement pour le pont chez une copine. Et s’il est allé sur la place Bellecour, c’est pour accompagner cette copine qu’il ne veut pas trop voir manifester. C’est pourquoi cette jeune fille est absolument stupéfaite d’entendre Mickaël dire qu’il a, lui-même, jeté une bouteille de bière pleine contre le mur du veilleur de pierre. Elle n’en croit pas ses oreilles, car elle est restée avec lui tout le temps et elle sait bien qu’il n’a pas jeté de bouteille du tout. Le procureur demande également pour lui 6 mois ferme. Cependant, après avoir délibéré avec ses assesseurs, le juge, ayant sans doute réalisé la supercherie, le condamne à 120 heures de TIG et 200 euros d’amende.
Mickaël a été contraint de reconnaître sa culpabilité au cours de la garde à vue, alors qu’à aucun moment il n’a jeté quoi que soit sur la place Bellecour. On lui a mis dans la tête que ce n’était pas possible d’affirmer à la barre que des policiers pouvaient mentir. Il a dû s’inventer un scénario. On peut se demander alors si on n’a pas fait le même harcèlement à la culpabilité sur les deux autres jeunes qui ont pris du ferme. Autre chose : dans son sac qui contenait seulement une bouteille de bière, on a rajouté deux balles de flashball...
Abasourdis par le fait d’être en garde à vue, cela n’arrange rien si on empêche pendant plusieurs heures d’aller uriner, si pendant dix-huit heures on donne seulement deux biscuits à manger, si on dit que cela n’avance à rien de rencontrer un avocat, si on fait du chantage, si on menace...
Sur la place Bellecour, le 6 mai au soir, des personnes ont entendu un policier dire « Faut qu’on en chope », « Faut le quota »... Pas étonnant qu’on arrête ainsi coûte que coûte des personnes qui n’y sont pour rien ! Cela s’est d’ailleurs passé souvent de la sorte lors des révoltes de novembre 2005...
Comparutions immédiates du mardi 8 mai
Anthony, un jeune qui se trouvait Place Bellecour le soir du 6 mai, a reçu un tir de flasball. Et quand son copain a été blessé par un autre balle tirée d’un flashball, il reconnaît avoir lancé une bouteille vide en direction des CRS. Personne n’a été touché.
Il a été condamné à deux mois de prison ferme avec mandat de dépôt immédiat. Le juge, après le délibéré, a motivé cette sévère décision en disant que ce jeune avait déjà eu du sursis et était en période de mise à l’épreuve.
(Compte rendu détaillé de l’audience)
Un jeune, Willy, qui a reconnu avoir lancé un bout de plastique en direction des CRS sans blesser qui que soit, a écopé de 120 heures de TIG.
(son procès)
Trois jeunes étudiants en sciences politiques ont été condamnés de façon sévère à trois mois de prison ferme sans mandat de dépôt et 850 euros de dédommagement et de frais de justice chacun.
(compte rendu détaillé de leur défense)
Trois jeunes qui s’en étaient pris à des vitrines du 3 ème arrondissement le soir du 6 mai ont été aussi condamnés eux aussi à trois mois de prison ferme sans mandat de dépôt et 3 mois avec sursis.
Bris de vitrines : 3 mois ferme et 3 mois de sursis, pour 3 jeunes
Deux jeunes de Bourg-en-Bresse ont été libérés sous contrôle judiciaire strict sans pouvoir sortir du département de l’Ain et repasseront au tribunal le 1er juin 2007.
Les comparutions immédiates du mercredi 9 mai
Le juge Péju, qui officiait ce mercredi 9 mai, et ses assesseurs n’ont pas prononcé de mandat de dépôt sur les onze personnes jugées, après la répression des manifestations antisarko. Cependant de l’emprisonnement ferme est tombé pour certains. Bref résumé des condamnations du jour.
Denis, un gamin d’à peine 18 ans, apprenti, qui avait jeté une petite bouteille sans toucher personne a eu le procès le plus rapide : 4 minutes. Le procureur avait requis 3 mois ferme.
Le tribunal est revenu a une proportion moins dramatique pour lui : un mois avec sursis.
Mohamed, un agent de maîtrise de 31 ans, qui a participé au sit-in pacifique au centre de la place des Terreaux le soir du 7 mai, a reçu sur lui une balle de flashball dès qu’il s’est levé, des gaz lacrymogènes ayant envahi la place. Aussitôt, il a été plaqué au sol par des policiers qui n’y ont pas été de main morte. Sans qu’aucun policier n’ait été blessé, il était accusé d’avoir lancé des pierres, puis d’avoir eu la volonté de balancer un pavé. Ce qu’il nie tranquillement. Le procureur a demandé cependant une peine de six mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Un policier a eu l’outrecuidance de demander un dédommagement de 800 euros « pour les conséquences qu’aurait pu entraîner ce geste ». L’avocat a précisé que des dédommagements ne peuvent s’effectuer que pour des faits réels.
Il a quand-même été condamné à 2 mois avec sursis et 250 euros de frais de justice. Le préjudice invoqué par le policier a été rejeté.
(Compte-rendu plus détaillé de l’audience)
Etienne, étudiant, a reçu une balle de flashball en plein dans les testicules. Il s’affesse à terre. Puis il est aussitôt interpellé, mais on doit l’hospitaliser avant de le mettre en garde à vue. Du coup, il a perdu un testicule et a encore de très vives douleurs. Il est accusé d’avoir lancé une pierre sur le pied d’un policier qui lui a fait une entaille de 10 cm. Il reconnaît seulement avoir ramassé des petits morceaux de plastique provenant des grenades lacrymogènes. Le procureur demande 3 mois de prison.
Après le délibéré, Etienne est condamné en plus de ces violents problèmes de santé, à deux mois avec sursis et à dédommager le policier, qui a peut-être pris un coup sur le pied, à hauteur de 850 euros.
(Compte-rendu détaillé de l’audience)
Benjamin, 22 ans, agent immobilier, a reconnu avoir mis le feu à une poubelle rue de la Ré le soir du 7 mai. Le procureur demande deux mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Il a été interpellé de façon musclée avec l’aide d’un chien, des manifestants s’opposant à son arrestation.
Il est condamné à payer 1000 euros (100 jours-amende à 10 €), 54 € pour une poubelle, et 500 € à chacun des deux policiers, pour la rébellion.
(Compte-rendu détaillé de l’audience)
Pour Florian et Thomas, 23 ans, qui étaient ensembles à la manif du 7 mai, l’avocat d’office demande la nullité car rien dans les PV d’interpellation ne permet d’identifier clairement ces deux jeunes qui se sont fait arrêter à l’angle de la place des Terreaux parmi un groupe de sept personnes. La nullité a été rejetée. Florian, qui est pacifique, est formel, à aucun moment il n’a lancé de bouteille, et Thomas le spécifie d’ailleurs dans sa déposition. Thomas reconnaît avoir jeté une petite bouteille de bière une fois qu’elle était finie, mais elle n’a touché personne. Il n’y a pas de blessé, pas de partie civile. Le procureur requiert 2 mois ferme « puisqu’ils étaient ensemble ».
Florian est relaxé. Thomas prend deux mois avec sursis.
Olivier, le 7 mai place des Terreaux, était un peu à l’écart du groupe, c’est comme ça qu’il s’est fait arrêté. Il a reconnu avoir jeté une cannette vide en aluminium. Cela aurait blessé à la main un policier. Olivier a été brutalisé pour son arrestation, alors qu’ayant mal au genou, il aurait eu du mal à s’enfuir. Le procureur demande 3 mois ferme et 3 avec sursis.
Il est condamné à trois mois de sursis, avec mise à l’épeuve pendant 18 mois, ainsi qu’à indemniser le policier à hauteur de 1050 euros.
(Compte rendu détaillé de l’audience)
En ce qui concerne l’arrestation de Mehdi, le juge ne comprend pas comment est rédigé le PV d’interpellation, où rien n’est précisé. On ne sait pas ce que font les deux policiers, où ils se trouvent, ce que devient le scooter ? En effet, c’est parce que Mehdi se trouve sur un scooter en sens interdit dans la rue Puits-Gaillot, qu’il est frappé durement par les policiers, traîné par terre et insulté. Il présente des plaies au coude et aux genoux et des échymoses un peu partout. Dans ces conditions d’interpellation, il reconnaît avoir répondu aux policiers en les outrageant. C’est tout ce qu’il reconnaît, car on l’accuse aussi d’avoir lancé des pierres sur les policiers et de s’être rebellé. Mehdi était aux Terreaux parce qu’il a l’habitude d’y venir, mais il n’était pas du tout là pour manifester ce jour-là. Le procureur demande neuf mois ferme avec mandat de dépôt compte tenu des antécédants. L’avocate insiste sur l’incohérence au sein de la rédaction des PV : « Un policier explique qu’il lui aurait donné des coups de pied aux jambes et que cela l’a blessé à la main. » On lui donne un autre nom sur le PV de garde à vue, et rien n’est dit sur le lieu ni la matière des projectiles.
Il est condamné cependant à trois mois de prison ferme, sans mandat de dépôt et à indemniser le policier de 850 euros.
Deux frères, Hassan et Farid, 21 et 22 ans et une autre personne, Yacine, 20 ans, sont jugées ensemble, mais ils ne se connaissent pas. Lors d’une charge policière le soir du 7 mai dans la rue Terme, tout le monde se met à courir et les trois personnes les plus proches des CRS sont interpellées. Hassan reconnaît avoir jeté une bouteille, Farid dit avoir entendu du verre cassé mais au contraire aurait tenté de calmer son frère et n’a rien lancé du tout. Yacine, lui, est venu du Beaujolais aux Terreaux pour manger un kébab et non pour manifester. Il s’est mis à courir pour reprendre son véhicule, il avait peur qu’il soit abîmé et réfute absolument avoir lancé des projectiles. Le procureur requiert 8 mois de prison avec mandat de dépôt pour Hassan, bien qu’il ait un casier vierge, 3 mois de prison avec mandat de dépôt pour Farid et 2 mois ferme pour Yacine.
Après le délibéré, Yacine est relaxé au bénéfice du doute. Farid écope de 2 mois de prison ferme sans mandat de dépôt, et Hassan de 4 mois ferme sans mandat de dépôt. Même si ces deux jeunes sortent libres ce jour, la condamnation est sévère.
Les comparutions immédiates du jeudi 10 mai
Trois personnes ont comparues à Lyon le 10 mai parmi celles arrêtées dans le cadre de manifestations antisarkozy.
Tout d’abord, Sébastien, 28 ans, a de gros problèmes psychiatriques reconnus par la COTOREP. Il a des antécédents judiciaires. Sébastien a fait du jonglage et a craché le feu lors de la manifestation du 8 mai. Pris dans l’ambiance, il a mis, avec sa torche, le feu à deux poubelles. La Courly lui réclame 109 euros pour ces poubelles. Le procureur s’interroge sur la plénitude du cerveau de Sébastien et le besoin d’une expertise psychiatrique, cela ne l’empêche pas de réquérir 10 mois de prison avec mandat de dépôt immédiat.
Il est d’ailleurs condamné très durement à six mois de prison ferme avec mandat de dépôt immédiat et six mois de sursis avec mise à l’épreuve.
Deux lycéens de 18 et 19 ans, qui ont de très bonnes notes et doivent passer le bac dans un mois, sont accusés, lors de la manifestation du 8 mai à Lyon, pour l’un, d’avoir dégradé un rétroviseur et pour l’autre, d’avoir dégradé 2 rétroviseurs et un abribus. Leur casier est vierge. Ils sont accusés aussi de violences sur agents et de rébellion. Mais le juge remarque qu’il n’ y a nulle part les désignations des policiers qui pourraient les accuser de violences et d’autre part, ils se sont fait interpeller sans difficultés.
Ils demandent un délai pour préparer leur défense. Ils seront jugés à la 14e chambre le 20 juin 2007.
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