La pratique du graffiti ou du tag nous semble apporter plus de questions que de réponses, c’est en cela qu’elle peut aussi vous intéresser. Le graffiti comme sujet recoupe une telle pluralité d’éléments qu’il est assez difficile de l’aborder.
De plus, les implications politiques du graffiti, du tag n’ont jamais été réellement envisagées en soi (peut-être cela ne signifiait-il rien alors ?). Notre approche sera donc de l’inscrire dans la continuité de toutes les pratiques d’expression qui se recoupent qu’elles soient murales ou non (pictogramme, calligraphie, autocollants, sculpture, affiche, pochoirs, etc..). Nous essayerons d’en comprendre des points, voir ce que cela induit de façon globale et d’apporter une réflexion un tant soit peu structurante.
C’est un fait, l’Etat a décrété la guerre aux tags et à ceux/celles qui en font. Effacement systématique, enquête de police approfondie, TIG, prison ferme, etc..etc.. Criminalisation et répression vont bon train. Identifiés comme nuisibles, sales, moches, facteurs de « sentiment d’insécurité » le tag justifie la mise en place de tout un arsenal juridique et pratique. Ceci s’explique notamment par le fait que le graffiti pose la question éminemment politique (et visible) de qui peut s’exprimer, où, avec quels moyens et dans quels buts. La tendance sécuritaire actuelle aidant, il est évident que les formes autonomes d’expressions ne sont pas les bienvenues.
Ainsi, le tag, l’affichage libre, l’inscription « quelconque », le message politique... dérangent et doivent périrent (ou se vendre). Les peines infligées et les risques encourus ne font qu’augmenter. On peut prendre pour exemple le fait que dans les années 80, apposer des inscriptions sur un mur sans le consentement de son propriétaire était passible, au maximum, d’environs 600 fr d’amende et quelques jours
d’emprisonnements. Actuellement, certains graffeurs se voient infliger des peines de prisons ferme de plusieurs mois et des amendes de plus de 25 000 €uros.
Mais ne nous trompons pas, la répression menée contre le tag s’inscrit dans une logique de musellement de la plus grande partie des individu-es. Dans la société libérale, l’individu-e n’a aucun moyen de diffusion de ses idées et de ses informations à moyenne et grande échelle. Et les gouvernements s’emploient à limiter ou éradiquer les brèches restantes. Nous constatons l’existence de plusieurs barrières. Une première est économique. Imprimer un journal, un tract, acheter des bombes de peintures, faire des affiches... a un coût prohibitif pour la plupart d’entre nous.
Quant à ceux qui s’organisent pour trouver des modes de financement ils/elles se heurtent à d’autres obstacles. Le cadre légal marque les limites, censées être les mêmes pour tous/toutes. Ainsi, les radios libres ont été interdites dans les années 80. L’affichage libre est décrété « sauvage ». On a aussi pu voir cette tendance sur internet, cet outil de communication peu réglementé au départ est maintenant très légiféré et envahi par la pub.
Enfin la dernière barrière se trouve dans la forme. La composition graphique reconnue comme légitime est celle de la marchandise, de la publicité, du design. Ce qui est « correct » est très vite identifié car présent partout.
Si on regarde ceux/celles qui ont, de facto, le droit d’expression publique dans la ville, il ne reste que les marchands et l’Etat. La publicité seule s’affiche, et ce qui peut se voir ou pas sur les murs est loin d’être décidé par ceux/celles qui y vivent.
On peut donc bien dire que les habitant-es sont dépossédé-es de leur droit d’expression publique, étant donné qu’ils/elles n’y ont pas accès. D’ailleurs on peut trouver la situation assez comique.
D’une part nous ne pouvons nous exprimer sur les murs dans lesquels nous vivons, mais d’autre part nous finançons (entre autre par les impôts locaux) l’entretien des façades de nos proprios et l’éradication de tout message apposé dessus ! En effet sur Lyon, pour 15,12 €uros (75,59 €uros pour les particuliers) par an, la mairie de Lyon propose aux propriétaires un contrat « Façade nette ». Celui-ci assure le nettoyage de « leurs » murs. Qu’il soit tagué, graffité où qu’il y ait des affiches ; dans la semaine qui suit, l’entreprise sous-traitante de la municipalité vient « nettoyer ». Bien évidemment, pour enlever un graffiti ou une affiche cela coûte bien plus que 15,12 €uros par mètre carré. C’est donc ceux/celles qui n’ont pas le droit de les utiliser qui doivent, en plus, financer leur propre muselage.
Plus drôle encore, sur Paris ce service au propriétaire est totalement « gratuit » !
En conclusion, nous analysons la répression du tag comme le prétexte démagogique donné pour faire reculer encore un peu plus la liberté et la possibilité d’expression de toutes/tous les individu/es. Car bien évidemment, les lois et pratiques qui interdisent et tendent à éradiquer le tag, s’appliquent de la même façon à interdire et à éradiquer toute utilisation politique, syndicale, revendicative, culturelle, artistique, associative, individuelle ... des murs. De nos murs !
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