Genève, le squat de la Tour évacué et l’infokiosque à la rue

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C’est le mardi 10 juillet que la police a évacué les habitantEs du squat libertaire de la Tour, à Genève, où se trouvait l’infokiosque depuis quasi 5 ans.

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Sous couvert d’un contrôle d’identité, toutes les personnes présentes dans
l’immeuble ont été embarquées au poste de police, pendant que le
propriétaire-promoteur, monsieur Otero, accompagné d’un huissier faisait
constater que l’immeuble était « inhabité », et que par conséquent il
pouvait récupérer son bien. Ci-fait, protégés par un important dispositif
policier, les ouvriers à la solde du propriétaire ont vidé la maison de
tout ce qu’elle contenait (ou presque).

Les rayons de l’infokiosque auraient apparemment reçu un meilleur
traitement que les affaires des habitantEs, qui ont été immédiatement
détruites et envoyées à la décharge, mais nous ne savons pas encore
ce qui a été réellement conservé des 10.000 ouvrages que contenait
ce lieu, et dans quel état les retrouverons-nous au garde meuble. Qu’en
est-il par exemple de la base de données contenant les 3500 saisies
informatiques des livres ? Et la merveilleuse collection d’affiches,
unique, témoin de ce qu’est le mouvement squat à Genève et ailleurs depuis
les années 70 ?
et les vidéos ?
et les brochures ?
et etc etc...

Pour l’instant impossible de faire le compte, mais la perte est grande, à
commencer par ce lieu, que le procureur général anéantit sous couvert d’un
contrôle d’identité et rend au libre marché (rénovations, locations,
profits).

Pour autant nous ne sommes pas vaincuEs, l’infokiosque est partout et
continue d’être un lieu de rencontres et d’échanges, plaque tournante de
l’info sur les luttes locales et globales, et il y aura donc une

PERMANENCE DE L’INFOKIOSQUE
JEUDI ET VENDREDI 19 ET 20 JUILLET

au 4 rue de la Tour, à Genève, de 16 à 20 heures.
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Suite à l’évacuation du squat de la Tour, nous portons plainte pénale
contre le propriétaire de l’immeuble Monsieur José Otero pour violation de
domicile, dommage à la propriété et soustraction d’une chose mobilière.
En effet, aucun jugement d’évacuation n’a été rendu alors que, selon la
législation suisse il s’agit d’une condition indispensable pour priver
toute personne de son logement. Toujours selon cette même législation, en
parallèle des lois protégeant la propriété privée, il existe aussi des
lois protégeant les habitants. Nous sommes actuellement d’un point de vue
légal les habitants du 4 rue de la Tour. D’ailleurs, selon la police, il
ne s’est agit que d’un contrôle d’identité, et non d’une évacuation,
pourtant l’accès à notre domicile nous est depuis lors refusé. Par
conséquent, lorsque Monsieur José Otero et toute personne ayant participé
à l’évacuation vont et viennent dans notre domicile sans notre
consentement, ils se trouvent en
violation de domicile. Non contents de cela, le propriétaire, ses
ouvriers, son avocat, la police genevoise et les agents de sécurité privés
s’en sont pris à nos affaires collectives et personnelles, les détruisant
et les faisant disparaître à tout va, et ont rendu le lieu inhabitable.

Nous portons également plainte contre les membres du parquet du Procureur
général Daniel Zappelli pour les mêmes motifs, ainsi que pour abus
d’autorité et violation du secret de fonction. Il ressort des déclarations
publiques du Procureur général que l’évacuation des habitants, déguisée en
simple contrôle d’identité avait été organisée par le Parquet, en
collaboration avec le propriétaire Monsieur Otero.

Les témoins ont également pu constater une très étroite collaboration
entre les forces de police et les entreprises mandatées par le
propriétaire. En particulier, l’huissier mandaté par le propriétaire est
arrivé sur les lieux quelques minutes après la première vague
d’arrestations effectuées dans l’immeuble et a travaillé sous protection
policière. Lorsqu’il s’est retrouvé face à face avec l’un des habitants
encore présent dans l’immeuble, la police est immédiatement intervenue
pour arrêter celui-ci. L’huissier a ensuite certifié que la maison était
vide malgré la présence de cet habitant, une dizaine de lits encore chauds
et une cafetière bouillante sur le feu.
Enfin, les entreprises qui ont installé les grillages autour de la maison,
ainsi que les autres entreprises qui ont travaillé sur les lieux, sont
arrivées dans les minutes qui ont suivi l’arrestation des habitants et ont
également travaillé sous la protection de la police.

Une telle opération n’aurait pas été possible si un ou plusieurs membres
du Parquet n’avaient pas communiqué à Monsieur Otero le détail des plans
d’intervention de la police. Il y a donc visiblement violation du secret
de fonction.
De plus, en agissant de la sorte, un ou plusieurs membres du Parquet ont
manifestement voulu favoriser les intérêts du propriétaire qui ne
bénéficiait d’aucun titre d’évacuation. Il y a donc eu abus d’autorité.
Enfin, en organisant une telle opération, un ou plusieurs membres du
Parquet ont été complices ou instigateurs de violation de domicile,
dommage à la propriété et soustraction de chose mobilière.

Ces constatations nous obligent à récuser l’ensemble des membres du
parquet, qui, sinon, se retrouveraient juges et parties. Nous demandons
qu’un procureur suppléant soit désigné afin d’instruire cette affaire.

Finalement, étant toujours légalement les habitants du 4, rue de la Tour,
nous demandons également au procureur suppléant d’ordonner notre
réintégration dans l’immeuble.
Cet ensemble de mesures judiciaires peut surprendre, tant on a l’habitude
que le petit peuple se laisse voler, évacuer, licencier, flouer en
silence, tant on a l’habitude qu’il se tasse et ne rende pas les coups
qu’il reçoit quotidiennement. Les propriétaires immobiliers, les patrons,
les dirigeants politiques, la police, la justice, s’acharnent à faire
appliquer pointilleusement les lois chaque fois qu’elles peuvent servir
leurs intérêts en limitant nos libertés.
On verra bien s’ils sont capables d’appliquer aussi ces mêmes lois
lorsqu’elles ne servent pas leurs intérêts.

Collectif La Tour en exil provisoire.

Photos de l’évacuation du squat libertaire de la Tour à Genève sur Indymedia-Suisse


Histoire de la Tour

Genève, fin des années 90.
Le bar de la Tour.
Un mur de Sagres.
Tard dans la nuit après la transe sourde de chez Brigitte ou n’importe quelle
autre soirée en ville, il y avait toujours, au désespoir de certains voisins,
un lieu où la vie continuait et permettait de s’assurer un mal de crâne pour
le lendemain.

C’était le genre de lieux où on pouvait attendre qu’il se passe quelque chose
d’incroyable. Il y avait trop de vie. Autant dire que l’état y a mis fin,
aidé par une baignoire qui, traversant le plancher, envoya un prétexte qui
était alors à la mode de lancer contre les squats : insalubrité.
L’immeuble fut vidé. Pendant toute l’année que l’immeuble resta plus ou moins
inhabité, investi par les rats et quelques humains nomades, une fuite d’eau
arrosa généreusement poutres, murs et planchers. La verrière de la cage
d’escaliers cassée, la plupart des vitres manquantes, l’immeuble ne se
remettrait pas du prochain hiver.

La propriétaire ne faisant rien pour remédier à la situation, l’état lui retira la propriété de cet immeuble, qui tomba dans les mains de la BCG. Mais la banque « publique » ne fit rien de plus, se montra un propriétaire aussi indigne que les précédents.
C’est là que survînt la nouvelle occupation de la Tour. Un 2 décembre. Plus de 100 personnes déblayant, descendant des centaines de kilos de déchets, coupant la fuite d’eau, bâchant la verrière, puis les jours suivants, dératisant, remplaçant la multitude de vitres cassées, parfois les cadres de fenêtre entiers, éliminant toute une colonne de salles de bains, sortant les baignoires et démolissant murs et sols à la masse. Les poutres
étaient tellement pourries qu’on pouvait y enfoncer les mains. Cet espace vertical de quatre étages ouvert, de nouvelles poutres remplacèrent les anciennes, et bientôt aussi de nouveaux planchers.
C’était 2001. En 2002 l’infokiosque après de nombreux chantiers populaires redevenait une bibliothèque, vidéothèque, salle de conférences, salon de thé et de jeux.
La Tour devenait petit à petit tout cela :
salle de concerts, local d’enregistrement, local de répétition pour groupes
de musique, infokiosque, crèche, friperie, salle de sport et de répétition de
théâtre, sleeping, labo photo, atelier dessin, atelier de reliure, habitat collectif.
La question de la propriété ne se pose plus. Le lieu a rencontré ses habitants. Longtemps jouet d’enfants capricieux cette maison se met à vivre sa propre vie.

Mais voilà qu’un entrepreneur nous achète, nous et notre lieu de vie, et aimerait disposer de nous. Jeter ce dont il n’a pas besoin, nos projets, nos vies, la maison vivante, habitée, et fabriquer du logement standard, certifié neutre et inanimé, pour en faire de l’argent. Il en parle comme ça : « Ici, j’ai de l’argent qui dort. »
Et nous, des enfants. Mais nous, nous ne dormons plus. Les yeux ouverts,
nous veillons, pour pas nous laisser surprendre, pour avertir nos amis. Nous
ne nous laisserons pas faire...

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