La Soirée du Doc : « Hasta la Ultima Piedra » de Juan José Lozano

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Nord-ouest de la Colombie, région d’Urabá.
La communauté de paix San José de Apartadó, en résistance depuis 1997, construit un mode de vie alternatif et autonome en zone de guerre.
Cette guerre chronique est liée au contrôle d’une région riche en ressources naturelles que le gouvernement colombien destine aux multinationales.

La Soirée du Doc : « Hasta la Ultima Piedra » (Jusqu’à la dernière pierre) documentaire de Juan José Lozano, Colombie, 58 min, 2006.

Jeudi 17 Janvier à partir de 20h à L’Atelier des Canulars

Nord-ouest de la Colombie, région d’Urabá.

La communauté de paix San José de Apartadó, en résistance depuis 1997, construit un mode de vie alternatif et autonome en zone de guerre.

Cette guerre chronique est liée au contrôle d’une région riche en ressources naturelles (eau, charbon, terres fertiles) que le gouvernement colombien destine aux multinationales. Par ailleurs, la guérilla des FARC y est fortement implantée depuis les années soixante. La violence des affrontements entre armée et guérilla s’est fortement accentuée au début des années quatre-vingt-dix provoquant le déplacement forcé des paysans.

Les groupes paramilitaires, agissant conjointement avec la force publique,
ont alors pour objectif de terroriser la guérilla par population interposée. Les massacres de civils augmentent en nombre et en cruauté.
Les victimes sont démembrées et il est parfois impossible de récupérer les corps.

Pour résister à ces déplacements forcés, les paysans de la commune de San José de Apartadó s’organisent dès 1996. En tant que population civile, ils élaborent une proposition de communauté neutre en s’appuyant sur les traités internationaux.

Mille trois cent cinquante paysans affirment alors leur droit à ne collaborer ni avec l’État ni avec la guérilla en signant la déclaration publique de communauté de paix le 23 mars 1997. L’adhésion à cette communauté est libre et régie par cinq principes :

  • participer au travail communautaire
  • refuser l’impunité
  • ne pas participer à la guerre de manière directe ou indirecte
  • ne pas porter d’arme
  • ne pas fournir d’informations à aucune des deux parties en conflit.

Aucun des acteurs armés ne respectera cette déclaration de neutralité. En quinze ans, plus de deux cents membres de la communauté ont été assassinés par l’armée, les groupes paramilitaires et dans une moindre mesure, par la guérilla des FARC.

En 2005, suite aux massacres de Mulatos et La Resbalosa (assassinat de huit personnes dont Luis Eduardo Guerra, le leader historique et représentant légal de la communauté ainsi que trois enfants) puis à l’implantation forcée d’un poste de police au sein du village de San José de Apartadó, la communauté de paix rompt tout lien avec la justice et l’État colombien.(Les principes de la communauté de paix sont incompatibles avec la présence d’un poste de police au milieu de la
population civile. La communauté se déplace alors à 1 kilomètre du village pour construire San Josecito de la Dignidad).

Malgré de nombreuses difficultés, la communauté de paix construit son propre chemin sans relâche. La détermination dans la lutte et l’accompagnement international ont permis à une grande partie des paysans déplacés de revenir travailler leurs terres. La communauté a pu acquérir des terres en propriété collective. Développer un système d’éducation autonome. Expérimenter des cultures d’autosubsistance. Mettre en place la commercialisation du cacao communautaire.

L’existence même de la communauté de paix est un caillou dans la botte du gouvernement colombien. Les massacres, les assassinats, les blocages alimentaires, la diffamation, tous les coups sont permis pour en venir à bout. Pourtant, ici, personne n’a l’intention ni de se taire ni de se résigner.

Malgré les menaces. Malgré la peur. Ils résistent. Le groupe étant leur force. Par le collectif, ils ont réussi à créer un système alternatif à la société de consommation. Ils n’ont aucun besoin de descendre au commerce du coin pour acheter des fruits et des légumes. La terre est leur grand magasin. Par leur travail de chaque jour, ils peuvent avoir du riz, des haricots, du maïs, des bananes, du Manioc, quelques avocats, du cacao et des fruits à profusion, goyave, papaye, mangue.

Avec les animaux, cochons, poulets, ils ont de la viande. Les poules leur donnent des oeufs. Les vaches du lait.

L’autosubsistance est un choix politique et pragmatique. Ils sont les maitres de leur propre alimentation. Saine et naturelle comme ils aiment à le répéter avec fierté.

Cette volonté d’autosubsistance est née en 2003 suite aux blocages alimentaires de la zone. La vente du cacao procurait de l’argent.

Cependant, sous prétexte d’appuyer la guérilla, la nourriture achetée au village était systématiquement saisie par l’armée. Ils se retrouvaient avec de l’argent qu’ils ne pouvaient manger. Hérésie du monde capitaliste en pleine jungle.
Après plusieurs réunions, l’assemblée communautaire décida de créer un centre agricole pour expérimenter ce nouveau choix de vie.

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Avec cet exemple, on saisit bien la force de la communauté qui transforme chaque coup en projet de vie. Malgré lui, le gouvernement colombien a permis la mise en place d’une économie alternative et solidaire. Et chaque jour, à La Unión, on peut croiser des hommes et des femmes fiers de ce choix de vie et prêts à lutter pour le préserver. Sans arme. Sans violence. Juste avec leur inébranlable conviction à travailler une terre qui leur appartient.

Au milieu du chaos des armes, elle continue de travailler et d’innover.Sur une trentaine d’hectares, ils ont créé un laboratoire d’espèces et de semences. Là, des plantes médicinales contre les piqûres de serpents.

Ici, des plantes aromatiques. Plus loin, des plants d’oignons. Dans un autre coin, des plants de manioc qui peuvent donner en trois mois au lieu de huit. Des haricots rouges, blancs. De toutes sortes. Des bambous pour faire les meubles ou tout objet divers. Les feuilles de canne servent à faire les toits des maisons. Les arbres sont vite transformés en planches pour les constructions.

Ici, la nature est utilisée dans toute sa richesse et jamais elle ne fait défaut à ces tenaces paysans. Des cacaotiers à perte de vue dont ils vendent les fruits pour alimenter le fonds communautaire. Ce fonds permet, entre autres, d’aider les personnes malades qui ne pourraient sans cela avoir recours à des médicaments de
première nécessité.

Le centre agricole est également pensé pour préserver les semences originelles des plants transgéniques. Pour ne causer aucun dommage ni à la terre ni à leur santé.

Chaque mois, ils organisent des ateliers d’échange de savoirs. L’objectif est de partager les connaissances sur les plantes, découvrir des nouvelles semences, proposer de nouvelles expérimentations, être au plus près des besoins des familles. Un laboratoire à même le champ en pleine ébullition d’idées et de projets. Une recherche d’autonomie qui se fait pas à pas, coup après coup.

Ils arrêteront de lutter quand ils auront obtenu le respect comme communauté, quand il y aura un gouvernement qui valorise et qui respecte les paysans.

La lutte a fait de ces simples paysans des experts en loi. Ils ont écouté les inepties de la justice colombienne, ils sont allés chercher dans les articles de loi, ce qui pouvait les protéger. Et ainsi ils peuvent dire à un militaire qu’il n’a pas le droit d’être sur la zone en s’appuyant sur la loi.

Sur le chemin vers la communauté, il y a souvent des barrages militaires ou policiers. Les militaires, en toute illégalité demandent leurs papiers, notent leurs noms sur des listes. Listes qui parfois se retrouvent dans les mains des paramilitaires... Lors de ces arrestations illégales, les membres de la communauté osent parler droit et justice.
Pour eux, ce n’est pas du courage ni de l’héroïsme. Juste rappeler à l’État que la Constitution politique est faite pour être respectée.

Par la force des choses, ils ont aussi appris l’économie. Découvert la cupidité d’un monde globalisé. La force de cette communauté, c’est de faire de simples paysans, des sujets pensants sur la réalité géostratégique de leur terre. Ils sont parfaitement conscients de l’attractivité de leur territoire. Partout des projets destinés aux
grandes multinationales. Juste en face de nous, dans cette sierra magnifique, ils veulent développer une mine de charbon et obliger les paysans à vendre ou à quitter leur terre.

Nous en tant que communauté, nous avons grandit ici, c’est notre terre et s’il nous faut mourir ici, nous mourrons. La terre est à nous. Et je crois que personne ne va vendre. Je lutte depuis que je suis enfant. Alors pourquoi vendre si nous avons lutté quinze ans. Non ! Nous n’avons pas besoin d’argent, nous avons besoin de respect.

Clairement, pour ces paysans déterminés à résister, la violence ne sert à rien et la paix est un vrai choix de vie. Difficile, mais vital dans un monde de plus en plus déshumanisé. Un monde brutal et individualisé où les solidarités se délitent.

Ici, il retrouvent la force du groupe, la simplicité de la communauté paysanne, la dignité du labeur de la terre.

Beaucoup de personnes sont tombées et m’ont enseigné à lutter. Ce sont des
exemples clairs. Comme j’ai appris d’eux, d’autres apprendrons de moi.
Nous luttons pour un nouveau futur. C’est pour cela que ça vaut la peine.

L’Atelier des Canulars
91 rue Montesquieu
Lyon 7e
Métro : Saxe-Gambetta

L’Atelier des Canulars est une association dont l’adhésion est à Prix Libre, et puis toutes les soirées aussi ...
A bientôt !
http://latelierdescanulars.over-blog.com/

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