Maux de la fin

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Les deux mouvements de grève de la faim engagés par plus d’une trentaine de sans-papier et demandeurs d’asile, courant mars, à Lyon, ont été interrompus au mois de mai.

Après 80 jours de jeûn, presque sans soutien, les 6 Algériens en lutte rue Cavenne « pour leur régularisation, pour travailler et vivre librement » n’ont obtenu au final que des récipicés de trois mois sans droit au travail, le temps d’un réexamen des dossiers. En cas de nouveaux refus se sera le retour forcé vers l’Algérie, synonyme pour ces exilés « de mort, d’injustice, de terreur ». Un des grévistes hospitalisé le 6 avril après avoir perdu l’usage de ses jambes a tenté de se suicider 15 jours plus tard ; il avait préalablement déclaré « préférer mourir en grève de la faim plutôt qu’égorgé » dans son pays d’origine...

Du côté des 25 Kurdes qui ont occupé la place Raspail (avant de céder face au harcèlement policier pour venir s’installer au CCO) les avancées ne sont pas plus reluisantes. Au bout d’une quarantaine de jours, affaiblis, divisés par des dissenssions internes, les grèvistes se sont allignés sur les positions de leurs « soutiens » institutionnels (CCO, syndicat de la magistrature, CIMADE) qui, au nom d’un certain « réalisme », ont poussé à l’arrêt de la grève sur la base des propositions proprement indécentes de la Préfecture : « les grèvistes arrêtent le mouvement, se dispersent et restent en France le temps d’un réexamen des dossiers par l’OFPRA ». En fait cette disposition existe tout simplement dans le cadre de la loi. Au cours de la grève, un des demandeurs d’asile a été expulsé vers la Turquie où sa vie est directement menacée... et tout ça pour rien. Dans le jeu de la Préfecture et des soutiens institués la lutte des 25 Kurdes s’est vue au final vidée de toute portée politique, et privée de son efficacité.

Au terme de ces deux mouvements donc : l’expulsion sans doute pour certaines personnes sans-papier, avec les risques et les souffrances qui en résultent. Pour la Préfecture par contre c’est une victoire : elle a su manœuvrer pour appliquer parfaitement les consignes du ministère de l’intérieur, à savoir « casser la logique et la dynamique des grèves de la faim ». Et la Cimade s’est retrouvée en partie sur la même longueur d’onde, préférant substituer la modalité bien éprouvée d’une aide individualisée, au cas par cas, et sur le mode de l’assistanat (histoire de se rendre incontournable) aux formes véritablement autonomes de lutte et d’organisation, par les personnes sans-papier elles-mêmes...

Le problème le plus urgent reste celui de la mise en place de solidarités concrètes avec les sans-papier et demandeuses/eurs d’asile, et de l’émergence de luttes autonomes, alors même que la grève de la faim comme modalité d’action en dernier recours apparaît ici vouée à l’échec... Et la question se pose encore plus douloureusement dans le contexte d’une répression et d’un contrôle accrus des populations migrantes. Les expulsions se multiplient dans l’indifférence quasi générale, et la réforme du droit d’asile préparée par Sarkozy promet, outre une baisse mécanique du nombre des bénéficiaires (avec par exemple l’application de la notion « d’asile intérieur »), la création d’une cellule du ministère de l’intérieur au sein même de l’OFPRA. Les services de police connaitront ainsi directement l’identité et l’adresse des personnes déboutées, à rafler en vue de leur expulsion. Voilà encore un indice de la belle continuité qui noue les pratiques policières et administratives depuis 1940 à nos jours. Dans République Française il y a le R de raciste, et on trouve le F de fasciste. Qu’elle crève !

NAV

P.-S.

Pour plus de précisions concernant les mouvements de grève de la faim de ces derniers mois, voir les popouri de mars, avril et mai.

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