Réponses aux anti-blocages

2052 visites

Les listes de mail étudiantes de Lyon II sont utilisées ces derniers jours par des opposants au blocage de l’université. Ce texte répond à quelques-uns des mensonges, déformations que comportent ces mails et permet de comprendre l’importance du blocage pour la lutte contre le CPE et la loi sur l’Egalité des chances.

Bonjour à tous,

Je reçois depuis quelques jours un certain nombre de mails traitant du blocage et de ces applications : gènes/utilité/désordre/porté/signification/... Tout d’abord je remarque que, sur la quinzaine de mails que j’ai reçus, la quasi intégralité sont des interventions contre le blocage de l’université. J’ai tout d’abord refusé de répondre, pensant que les groupes de mails n’étaient ni le lieu ni l’endroit pour faire une quelconque propagande de quelque bord que cela soit. Devant l’afflux de mails et surtout face aux mensonges, aux raccourcis, aux simplifications des arguments avancés je souhaite apporter quelques petites précisions quand aux événements de ces dernières semaines.

Tout d’abord contrairement à ce que veulent nous faire croire certains, le débat sur le blocage n’est pas un débat pour ou contre le CPE. Ce qui réunit aujourd’hui la grande majorité des étudiants de Lyon 2 c’est le refus de la précarité (que trop d’entre nous connaissent dès aujourd’huis), de ce nouveau contrat "poubelle", de la perte d’acquis sociaux conquis depuis des générations, d’être licenciable et corvéable à merci. La discussion que nous menons depuis plus de 15 jours est donc une discussion sur la stratégie et sur les moyens d’actions, dont le blocage fait partie, pour faire reculer le gouvernement et pour qu’il retire ces mesures que nous combattons.
A partir de là plusieurs observations s’imposent : premièrement nous sommes tous conscients que les étudiants non ni la force ni la capacité de faire reculer à eux seuls le gouvernement. Notre action doit avoir comme but et comme objectif l’élargissement de la lutte et son extension aux travailleurs. Depuis le début du mouvement l’expression politique et médiatique de la lutte des étudiants résulte dans le blocage des facs, c’est ce qui est montré aux infos (on peut d’ailleurs le regretter), c’est ce qui cristallise tous les débats, acquérant de la sorte une dimension symbolique permettant de "mesurer" l’état de la mobilisation et de la détermination des grévistes.
Le blocage a donc ici 2 intérêts : il est un message clair aux salariés quant à l’état de notre motivation, un tremplin pour tous les travailleurs qui souhaitent eux aussi participer à la lutte. Dès mardi les syndicats appellent à la grève interprofessionnelle. C’est grâce à notre mobilisation, à notre détermination, aux blocages des universités, à toutes les actions que nous avons menées depuis plusieurs semaines, qu’aujourd’hui le gouvernement se retrouve dans une situation aussi délicate qu’explosive. Avec l’entrée des salariés dans la lutte c’est à l’économie et aux profits que nous nous attaquons, faisant ainsi monter la pression d’un cran sur Villepin et consorts.

De plus sur Lyon 2 la décision de bloquer la fac a permis l’élargissement considérable du mouvement. D’assemblée générale à 300/400 nous sommes passés à des AG à 1000 voire même 1500. De nombreux étudiants boursiers ont pu grâce à l’annulation des cours s’investir et participer à la lutte. Les professeurs et le personnel IATOS ont eux aussi pris conscience de notre détermination et s’organisent à présent. Leur AG s’est d’ailleurs déclarée solidaire du mouvement ainsi que du blocage.

Il s’agit ensuite de réfléchir à la dimension concrète et quotidienne du blocage. J’ai été surpris de la manière dont les mails des anti-blocages réduisaient le mouvement étudiant à quelques dizaines de gauchistes autoritaires et illuminés, « s’empifrant derrière leur barricade » et méprisant le monde entier du haut de leur prétention maladive ! De toute évidence ces gens-là n’ont pas pris la peine de venir voir la réalité du blocage, ne sont pas venus partager des moments de vie avec les bloqueurs.
Qu’auraient-t-ils alors découvert ? Des centaines de personnes s’évertuant à faire de la fac un lieu de vie, de convergence, d’échanges, de débats, de discussions, de partage, des gens que pousse l’envie de résister collectivement, des gens pour qui quelques semaines de cours de perdu ne sont rien en comparaison de la casse du Code du Travail, de la fin de nos garanties collectives, de la disparition de tout ce que nos parents et grands parents ont su gagner au prix de près d’un siècle de luttes. Il est évident que les choses ne sont pas aussi manichéenne que les anti-blocages veulent nous le faire croire. Il est également évident que le but du blocage n’est pas d’emmerder les étudiants qui ne partagent pas notre volonté, ni même de faire de la fac un endroit vide et désert occupé par quelques personnes pendant que le reste des étudiants reste bien tranquillement chez eux.
Le blocage est la possibilité pour le plus grand nombre de s’investir dans le mouvement, de proposer, selon les intérêts de chacun, différentes activités pour que la fac soit un lieu vivant, d’organiser des conférences, des débats, des concerts, des rencontres, de fédérer les luttes, de cristalliser et d’exprimer les envies, les désirs, les révoltes ou les inquiétudes de chacun. Il n’est pas question de nier les problèmes directs que le blocage entraîne pour un certain nombre d’étudiants et si aujourd’hui le président menace de reporter les partiels en septembre c’est qu’il a compris que ce n’est qu’en nous divisant, en semant la divergences dans nos rangs, en segmentant le débat et en le réduisant à pro et antiblocage que nous nous épuiserons. C’est au contraire en étant unis et solidaires que nous arriverons à faire reculer le gouvernement mais aussi que nous imposerons notre volonté sur la fac même et que nous pourrons résister aux provocations de la présidence.

Notons encore que certains mails faisaient également référence à nos revendication, sous-entendant qu’en ce centrant sur le CPE nous ne pouvions trouver appui sur le plus grand nombre notamment sur ceux qui connaissent déjà la précarité au quotidien. Là encore ces personnes démontrent leur totale incompréhension et leur ignorance de la volonté de ceux qui s’organisent. Depuis la première AG et dans tous les tracts distribués il était fait référence à la loi dite sur l’"Égalité des chances" dont le cpe fait partie, ainsi que le travail de nuit dès 15 ans, l’apprentissage à 14 ans, le CDD senior... mais aussi sur le CNE, voire même sur la loi Fillon ; il a également été voté tant au niveau local que lors de la coordination nationale réunissant des délégués de toute la France des facs en lutte, la demande d’amnistie et l’arrêt des poursuites pour les lycéens arrêtés l’an dernier ainsi que pour les émeutiers de novembre. Pour une grande majorité des gens qui s’investissent dans le mouvement il est évident que le CPE ne tombe pas du ciel, que le gouvernement n’a pas inventé sa politique du jour au lendemain, que nous sommes en présence d’une attaque générale faite à nos conditions de vie, que ce sont les gouvernements successifs depuis 30 ans qui ont créé la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

De plus, si aujourd’hui le gouvernement retire le CPE il est évident que ce serait une victoire importante, mais beaucoup d’entre nous considèrent le maintien du CNE et du reste de la loi sur l’"égalité des chances" comme une défaite. Le retrait du CPE n’est qu’une première étape, elle doit permettre de chasser ce gouvernement, et d’obtenir satisfaction sur l’ensemble de nos revendications.
Depuis 2002 ce sont successivement l’ensemble des salariés qui descendent dans la rue en 2003 contre la réforme des retraites, puis les étudiant fin 2003 contre la réforme LMD-ECTS, ainsi que les intermittents du spectacle, puis les lycéens avec la loi Fillon l’an dernier, il y a eu ensuite les émeutes de novembre sans oublier les marins de la SNCM, les travailleurs de la RTM et de multiples luttes sporadiques souvent intenses, et enfin, aujourd’hui, cette révolte, tout d’abord étudiante, qui maintenant s’étend à l’ensemble de la société.
Jusqu’à maintenant nous n’avons pas réussi à gagner et les raisons en sont multiples : manque d’unité, trahisons des directions syndicales, violente répression... Forts des expériences du passé nous devons dès aujourd’hui construire la grève générale sans attendre l’éventuel soutien, appel ou aide de quiconque. Nous devons nous organiser partout où cela est possible dans les quartiers, dans les lycées, les usines et... dans nos facs. Continuons le blocage, transformons les facs en lieux de convergence capable d’impulser cette grève générale. C’est tous ensemble que nous pourrons vaincre.

Pour conclure il y a aussi ceux qui pensent que la France n’est pas réformable, que nous sommes des ringards, jeunes gauchistes en manque de sensations fortes, que nous n’avons rien compris à la modernité, qu’il est temps de comprendre le monde dans lequel nous vivons, de s’adapter aux conditions actuelles de développement du capital... À ceux-là nous disons haut et fort qu’il ont raison, que le règne de l’économie marchande, de la précarité institutionnalisée, des délocalisations pour toujours plus de profit, que la destruction de quartiers entiers et de villes à des seules fins spéculatives, que la destruction l’école publique, de la sécurité sociale, des retraites, de l’ensemble de nos services publiques, du droit des étrangers, que le règne du sécuritaire, celui de la prison et des matraques pour tous ceux qui ne courbent pas l’échine n’est pas l’avenir que nous souhaitons.

Nous pensons effectivement qu’il y a d’autres possibilités d’autres choix possibles, d’autres manières d’envisager la vie, le rapport aux autres, d’autres valeurs que celles du fric et de la peur. Nous luttons aujourd’hui et nous en sommes fiers. Nous ferons de nos facs un lieu ou la solidarité, le partage, l’entraide ne seront pas de vains mots.

Publiez !

Comment publier sur Rebellyon.info?

Rebellyon.info n’est pas un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment être publié !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail contact [at] rebellyon.info