Chapitre 1 : Un petit « jardin de poche » tout frais re-construit
Du côté de Vaise, quartier du Grand Lyon en pleine expansion [1], économiquement dynamique avec ses secteurs à forte valeur ajoutée et technologie de pointe, les vieux bâtiments massifs des locaux de production industriels sont remplacés progressivement par des résidences modernes et bien entendu sécurisées par digicode et badge RFID (contre-exemple à disposition sur la vue de l’état original, avec la construction d’un immeuble de bureaux).
Accompagnant ce rassurant glissement vers un univers urbain lissé de ses verrues et autres aspérités sources d’un désagréable sentiment d’insécurité, un petit espace vert ô combien insalubre a dû être refait à neuf, afin de régénérer l’image de ce coin de rue, pour la plus grande satisfaction des promoteurs et autres investisseurs toujours heureux lorsque l’on paye pour eux.
Nous ne nous interrogerons pas ici sur l’utilité de ce ré-aménagement, ni sur l’origine du financement de celui-ci, en revanche, mon obsession paranoïaque me poussera à regarder ce qui a matériellement changé, et de quelle manière...
Voici donc une liste d’observations (dans le désordre, bien évidemment) :
1) Un banc a été remplacé, les autres supprimés.
Le nouveau modèle, beaucoup plus moderne,
dispose de 2 planches au lieu de 4 précédemment pour le dossier,
le dossier est maintenant moins incliné et supprime enfin cette tentation de s’avachir sur les banc publics, ce qui est une innovation indéniable...
Mais la plus grande ne vous aura sans doute pas échappé pour encore plus de confort, il dispose d’accoudoirs :
pour se reposer les bras en lisant et bien déterminer son espace par rapport à un hypothétique voisin bancal, pratique, non ?
l’autre avantage bien connu, et qui vaut à ces accoudoirs autant de succès dans nos villes est sa propriété anti-couchette, qui empêche de piquer un roupillon confortable au premier clochard venu.
2) Des chaises ont remplacé des bancs.
De type « urbino », comme beaucoup de mobilier urbain du Grand Lyon, ces chaises ont l’avantage majeur sur les bancs d’être in-di-vi-duelles !! Et cela suffit bien entendu à en améliorer notablement le confort. Ce confort est renforcé par la suppression de 4 places assises (si on compte que des citoyens honnêtes sont prêts à s’entasser à 3 par banc) sur l’ensemble de ce minuscule parc, passant de 12 à 8, ce qui permet au travailleur français fourbu de respirer un peu mieux. Sans compter le banc supprimé sur le trottoir, à proximité de l’Abribus® [2], le banc qui équipe ce support publicitaire est, il est vrai, largement suffisant et bien plus confortable.
3) Le graffiti a été nettoyé par la ville de Lyon.
Ce qui se reconnaît à la teinte chaleureuse des peintures utilisées pour faire recouvrir les tags, oscillant délicatement entre le gris souris et l’orange-rosé subtilement délavé. On y distingue la marque du bon goût qui n’a pas peur de repeindre 8m2 pour camoufler une signature bien plus petite mais d’une couleur beaucoup trop vive qui irritait la rétine des passants honnêtes.
4) Un muret de fil de fer a été tendu.
Afin de ne pas porter atteinte à la sainte propriété privée par d’irrespectueuses plantes vertes poussant anarchiquement sur la façade co-propriée, l’on a été couper quelques arbres dans une forêt à l’exploitation raisonnée afin de maintenir droits quelques mètres linéaires de verdure grimpante.
Mais bien évidemment on saluera surtout ici le bien-fondé de ce mur végétal qui dissuade les salopiauds de tagueurs de venir faire leur gribouillages masturbatoires en cet endroit précis... On pourra bien sûr arguer que cela leur permet de monter dessus et de réaliser des dégradations volontaires par jet d’encre un peu plus haut, voire au-dessus de la limite règlementaire de nettoyage du contrat « façad’net » (4m) mais heureusement le tagueur est bête et aviné, comme chacun sait, et cet artifice reste donc tout-à-fait à-propos.
5) Les petits bosquets ont été remplacés par des fils de fer.
Nouvelle tendance qui ne manque pas de classe, le fil de fer pour clore un espace... lors des prochains couvre-feux, il ne manquera que les pointes à rajouter pour en faire du barbelé ! De surcroît, bien que ces fils risquent de surprendre plus d’un mal-voyant, ils offrent le net avantage sur le bosquet de laisser voir ce que font les personnes assises sur les bancs. La première mouture du parcounet n’était pas la pire dans le genre maquis-camoufleur-de-la-racaille puisque la végétation était déjà bien rase, arrivant à hauteur de genou, mais dorénavant on pourra s’assurer, avant d’entrer dans ledit parcounet que les individus qui y stationnent confortablement accoudés sur les chaises roulent des cigarettes homologuées et ont de saines lectures, ce qui, encore une fois me rassure bien !
6) Des grilles protègent les accès extérieurs
De cette manière, un affamé qui se posera en dessous pourra recueillir de la viande hachée lors du prochain incendie...En attendant, les voleurs et autres vils brigands de grands trottoirs ou de petits parcs pourront toujours utiliser le mur végétal anti-tag pour atteindre un point sans barreaux, à condition d’être moins aviné qu’un tagueur, ce qui laisse quand même un grand espoir à la bonne société ! De toutes manières si ce mur défensif se met à gêner, on le coupera comme les précédents arbres qui laissaient un peu trop de facilités pour jouer aux singes cambrioleurs.
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