« Du gazon, pas du goudron ! »

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Depuis lundi 14 mars, une poignée de locataires d’une cité de la Sarra (quartier du 5° arrdt. de Lyon) occupe un espace de pelouse au pied de leur immeuble (n° 40 rue Pauline Marie Janicot). 6 tentes et 2 tonnelles ont été dressées, qui servent de lieu de réunion à une vingtaine de personnes qui se relayent pour tenir le siège. Ces 720 m2 servent depuis toujours de lieu de rencontre aux habitant-es, ils sont aujourd’hui menacés d’asphaltage.

La SACVL [1] est propriétaire des 257 logements que comprend ce quartier. Une rénovation a été lancée, en plusieurs phases : pour la première, le ravalement des façades a été confié à la Cité de la création, qui était également financée pour un mandat de médiation concernant le projet de rénovation.
La seconde phase doit permettre de réaménager les espaces collectifs extérieurs, il s’agit de continuer la fresque, de réaliser le ravalement des façades arrière, ainsi que des travaux de voiries et d’éclairage. Un plan du projet a été adressé aux locataires au début du mois de mars 2005. Sans entrer plus dans les détails, quelques éléments méritent d’être mis en exergue :
-  la création de stationnements pour automobiles (36 places) est prévue en lieu et place d’un terrain engazonné (720 m2 environ), actuellement utilisé en lieu de rencontre, de détente et de jeu par les habitant-es et leurs enfants. Dans l’esprit du bailleur, il s’agit de se mettre en conformité avec les quotas réglementaires (1,5 places par logement ). Après examen du projet, il apparaît que l’accès à ces stationnements obligera à supprimer 18 des places existantes actuellement. De surcroît, ces stationnements existants, mal éclairés, sont la plupart du temps inutilisés par les riverain-es ; depuis des années celleux-ci réclament cet éclairage, de manière engagée et non violente.
On apprend également que le terrain en question recèle des vestiges gallo-romains, dont certains échantillons ont été découverts à fleur de terre (cela dit, tout sondage est interdit...) ;
-  la création d’une clôture est prévue entre ce parking et le terrain de sport municipal situé en contrebas, ce qui créerait une sorte de "ghetto" (correspondant à une politique des élus à la jeunesse, aux sports et à la prévention de la délinquance ?) ;
-  la création de jardins familiaux prend la forme de 20 parcelles d’environ 50 m2, qui sont disposées au nord d’un mur mitoyen avec une propriété voisine. Mais d’après les premières estimations, il y aurait déjà plus de 50 candidatures... Certain-es habitant-es nourrissaient depuis quelque temps déjà l’idée d’un jardin partagé sur le terrain occupé, sans toutefois que ce projet n’ai fait l’objet d’aucune étude ou concertation jusqu’à présent.

Or très vite, dès lundi 14 mars et sans avoir engagé une concertation nécessaire - et attendue - sur la base du projet présenté, la SACVL envoie une pelle mécanique pour démarrer la création du parking (arasement du terrain). Apercevant cela depuis leur fenêtre, plusieurs locataires décident de s’interposer illico et menacent de s’enchaîner à l’engin. Un huissier mandaté par la SACVL vient le lendemain et menace nominativement deux fauteur-euses d’une assignation au tribunal. La pelleteuse se retire finalement (et reste stationnée depuis à quelques dizaines de mètres en attendant le moment propice) tandis que le « village de tentes » est immédiatement installé pour prévenir toute autre tentative de passage en force.
Depuis plus de 20 jours, l’occupation se poursuit donc, émaillée de rapports conflictuels et de négociations infructueuses avec la société propriétaire. Un contrôle policier, a également eu lieu deux soirs de suite, avec fouille des tentes pour rechercher les éventuels occupants (dans quel but ?).

Entretemps la SACVL prend rapidement les devants : elle fait cesser le chantier de ravalement (les échafaudages, laissés en place plusieurs jours, ont immobilisé plusieurs places de stationnement et occulté de nombreuses fenêtres, avant d’être retirés il y a peu). Le mandat de médiation de la Cité de la création ayant été rompu auparavant à l’insu des habitant-es, celleux-ci se retrouvent seul-es, sans plus aucun partenaire. Espérant jouer de la discorde occasionnée, la SACVL fait aussi circuler auprès de ses locataires un « référendum » demandant s’ils sont « pour ou contre les travaux ? », duquel elle recueille 110 réponses (chiffre officieux). Il faut comprendre ici une véritable forme de chantage à double géométrie : POUR = le parking est construit, CONTRE = les travaux cessent.
Il apparaît que la SACVL n’a pas tenu ses promesses de transparence avancées lors de sa dernière phase de consultation. En effet, les locataires ignorent toujours le montant des investissements engagés dans la rénovation et ce malgré leurs demandes répétées depuis 3 ans. Une disproportion est évidente entre les investissements extérieurs de maquillage des façades (fresques murales) et les investissements minimes dévolus à l’intérieur des logements, ce qui permet à tou-tes de penser à juste titre que la SACVL initie par cette rénovation un projet de "quartier vitrine" à fort potentiel touristique.
De la même façon, les habitant-es restent sceptiques quant à la véritable mission pour laquelle la Cité de la création a été rémunérée : mandatée pour une soi-disant médiation, force est de s’interroger sur son positionnement éthique quand on sait que cette société n’a jamais fait le moindre commentaire quant à l’abandon des habitant-es, de fait irresponsable.
D’autres informations, mentionnées en parallèle, peuvent laisser circonspect-e ou pour le moins dubitatif-ve : l’Observance, le Bastion et Ménival (d’autres cités situées non loin), mais aussi la Duchère, appartiennent également à la SACVL qui y projette des opérations de rénovation semblables ou analogues et reconnaît craindre une contagion de la contestation sur ces différents sites... Alexandrine Pesson [2], présidente de la SACVL, est maire du 5° arrdt..

De leur côté, les occupant-es du terrain obtiennent pour leur propre pétition plus de 160 signatures valorisant la préservation de la pelouse malgré la menace d’arrêt total des travaux d’aménagement. Par mesure de précaution, cette pétition n’a pas été transmise à la SACVL, mais a été déposée à la mairie d’arrondissement qui a vocation à tenir au secret l’identité des signataires.
Même s’il-les ne sont que quelques un-es à offrir une résistance active par l’occupation de terrain, un soutien réel s’exprime par un regroupement quotidien et nocturne des autres habitant-es de la cité autour du campement. Une proposition alternative pour le terrain s’élabore également petit à petit : conservation d’un espace engazonné, création d’un jardin partagé et pédagogique et/ou jardin de senteurs, plantation de fleurs, etc..
Aujourd’hui ils décident d’associer une université populaire à l’occupation, avec des ateliers de discussion, des animations pour les enfants, un accès libre à Internet, etc.

Le collectif d’habitant-es a tenté de rencontrer élus et responsables de la SACVL pour trouver ensemble un terrain d’entente et désamorcer cette situation tendue. Après plus de trois semaines de silence, une rencontre en mairie a enfin été obtenue pour ce vendredi 8 avril.

Une couverture presse a été faite par le Progrès les 16, 17 et 21 mars et par les mass-médias télévisuels que sont France3, M6 et TLM
_Dimanche 20 mars, un déjeûner pique-nique a été organisé afin de faire se rencontrer les habitant-es et associations du quartier, et des autres quartiers de Lyon également convié-es. Devant le succès rencontré, l’évènement a été reconduit le dimanche 27 mars, puis à nouveau le 3 avril.

Il est possible de rendre visite sur place tous les jours à toute heure décente, ou de prendre contact par email : vers_vie_la_sarra(a)yahoo.fr

P.-S.

Relaté d’après les propos et documents recueillis mercredi 23 mars 2005 au « village des tentes », en présence d’une dizaine des occupant-es, et des associations invitées Passe-Jardins et Robins des villes.
Texte original du 24/03/05. Mis à jour le 30/03/05 d’après les compléments et corrections apportés depuis par les habitant-es résistant-es ; mis à jour le 06/04/05 sur la base d’un nouveau rectificatif et des évènements intervenus entretemps.

Notes

[1« Société anonyme de construction de la ville de Lyon » : syndicat mixte privé/public, bailleur de logement social qui gère 93 sites). La SACVL s’est déjà illustrée à la Duchère dans le cadre des démolition/reconstruction, mais aussi plus récemment et dans un autre registre à l’Antiquaille, où 47 millions d’euro viennent d’être débloqués pour le rachat du site en vue d’une opération de prestige.

[2Mme. le Maire ne s’est pas rendue au « village des tentes » mais elle déclare (dans l’opuscule municipal Lyon Citoyen n° 29, février 2005) « connaître la qualité de sa population ».

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