Ce hameau, perché dans les montagnes cévenoles de Lozère, était occupé dernièrement depuis le printemps 2002.
Ce mercredi 11 juillet dès 7 heures du matin, les forces de l’ordre, en grand nombre, ont encerclé les
différents points d’accès à la Piche (Moissac, Saint-Etienne Vallée française, Saint-Martin
de Lansuscle), contrôlant toute personne et tout véhicule dans un large
périmètre (nombreux contrôles à Sainte-Croix dès 7h du matin et durant
toute la journée). Par ailleurs, 7 fourgonnettes de gendarmes, des motards
et un engin de destruction massive (pelleteuse) sont montés à la Piche, et
ont littéralement tout rasé. Il ne reste plus qu’un tas de pierres de 50
mètres sur long sur 5 mètres de large. Rien n’a été épargné, il ne reste
pas une pierre debout, c’est désormais un terrain vague. De nombreux
matériels sont actuellement sous les décombres. Une personne s’est fait
contrôler sur les lieux, qu’ils ont laissée partir.
Ce lieu, qui avait été trouvé en ruines en 2002 a été complètement retapé depuis. La Picharlerié était vieux de plusieurs siècles d’histoire, et fut, entre autres, un haut lieu de la Résistance, le maquis-école de la région, pendant la seconde Guerre Mondiale.
Il semblerait que l’ordre de raser soit venu du préfet, avec ou sans l’assentiment du propriétaire Dhombres, un pasteur d’Arles...
Un chantier « Gratte les décombres » s’est fait vendredi toute la journée et a permis de récupérer les ruches. Les casseurs ayant peur de se faire piquer, il n’y a que ça qui n’a pas été détruit.
Et pour que les ruines changent de camp.
La Piche revit...
...jusqu’au 11 juillet 2007 où la Piche est rasée par le préfet / l’horreur des décombres
Témoignage d’un Cevenol sur ce désastre
Un haut fait d’armes dont les médias ne parlent pas !
Située à flanc de montagne, sur un versant très méditerranéen des Cévennes du Sud-Lozère, la Picharlerié, hameau important de la commune de Moissac Vallée Française, a, tout comme sa voisine la Carrière, ou d’autres nombreuses constructions de pierres sèches dans ce secteur, fait rêver plus d’un promeneur, par le charme de son site et la beauté de son architecture.
D’aucuns même, en quête d’un lieu où poser son sac, y ont élu domicile, malgré les difficultés d’accès et la précarité des conditions de vie. Seulement voilà : ces lieux, auréolés du prestige d’avoir servi de refuge à un maquis allemand très actif contre l’occupant nazi pendant la dernière (?) guerre, sont aussi la propriété d’un certain Mr. Dhombres, pasteur de son état jusqu’il y a peu, farouchement jaloux de ses droits autant qu’hostile à toute implantation d’un lieu de vie sur ses terres, sous quelque forme que ce soit, surtout s’il devait s’agir de « néos », zippies ou tout avatar démoniaque de l’« estranger ».
De très nombreux mas de ce fief protestant des Cévennes, dont la Picharlerié, qui furent jadis habitat de paysans pauvres pratiquant une économie vivrière, ont été abandonnés après 1945, période de pic de l’exode rural. Longtemps considérés comme sans valeur ou même comme une charge inutile du fait des impôts, les terrains, et les constructions avec, ont été rachetés à vil prix par des opportunistes, tantôt privés tantôt les Domaines, qui, grâce aux aides alors considérables de l’Etat à la plantation forestière [Il s’agissait essentiellement de pins maritimes, prospérant en tous terrains, qui ont servi d’abord aux mines, puis à la pâte à papier, avant d’être considérés aujourd’hui comme une plaie envahissante et le terreau d’incendies ravageurs. Les pompiers les surnomment bombes à retardement ; de fait un feu d’une exceptionnelle ampleur s’est propagé de Ste Croix à St Etienne pendant le chaud été 1976 ravageur. ] ont vu là l’occasion de profits faciles. Qui plus est, à l’approche des années 70, la peur naissante d’une dépossession du territoire traditionnel au profit de nouveaux arrivants a suscité une politique de rachats massifs de terres, en particulier sur la commune de Moissac. La page était tournée sur les Cévennes, terre d’accueil et de refuge, et bastion socialo communiste dans un département très conservateur.
Faisant fi de toutes ces difficultés, les nouveaux habitants de la Picharlarié, autrement dit le squatt de la Picharlerié, ont peu à peu, depuis 2002, restauré avec les moyens du bord le hameau, défriché les jardins qui pouvaient l’être mais aussi, et c’est sans doute leur plus grand crime, créé un lieu ouvert, havre de paix et foyer de rencontres, certes peu en phase avec la vie locale, mais renommé dans un réseau qui passe par Lyon, Marseille, La Valette et tant d’autres endroits de contestation radicale.
Avec le temps, les rapports inévitables avec le propriétaire, la mairie de Moissac et tout un clan animé d’un esprit fasciste qui ne dit pas son nom n’ont fait que se détériorer, et un harcèlement permanent s’est institué, à coups d’intimidations, de mises en demeure, de surveillance à la jumelle jusqu’à en venir à une danse du scalp menée par l’irascible propriétaire sur son tracto-pelle. Un premier procès visant à autoriser l’expulsion s’est soldé par un rejet de la plainte pour vice de procédure, grâce aux services d’un habile avocat. Mais notre bon pasteur n’allait pas s’en tenir là.
Dans un climat d’intolérance, de haine irrationnelle et d’agressivité en phase parfaite avec la montée du sarkozysme, un nouvelle plainte mieux établie était instruite. Pendant que la procédure suivait son cours, une série d’« incidents » , survenus de nuit, touchait non seulement les habitants de la Picharlerié mais aussi nombre de personnes qui ne portent pas la casquette Ricard : voitures en stationnement caillassées, pillées, vélos jetés à la rivière, affiches systématiquement arrachées, arbres coupés, bref toutes nuisances imaginables pour rendre la vie impossible.Personne ne porta plainte, par principe tacite que la gendarmerie n’est pas un recours souhaitable, jusqu’au jour où un collectif de cueilleuses de plantes retrouve son outil de travail, un fourgon, portières arrachées et dans un piteux état général. Ce collectif imagine alors de déposer en main courante, évitant ainsi de porter plainte mais engageant une enquête de gendarmerie. Celle ci, menée à la hussarde, ne tarde pas à aboutir : des « petits jeunes », manifestement instrumentalisés par leurs parents, ces derniers très au fait de leurs agissements puisque ces graines de violence s’étaient autofilmés au téléphone portable et qu’un grand frère indigné avait fait circuler le document pour mettre les géniteurs au courant.
Loin de l’histoire de la « Pich’ » ? Pas vraiment.
Las de cette guerre, les squatteurs décident fin juin d’aller vivre leur utopie sous d’autres cieux. Ils commencent le déménagement, sans le crier sur les toits. Et pendant ce temps, la procédure, dont ils se sont désintéressés, aboutit, et le jugement d’expulsion est rendu sans que personne en soit averti. L’huissier dépêché sur les lieux n’y trouve personne à qui signifier son exploit. Mais le jugement est exécutoire, ce qui laisse place à trois possibilités : murer les ouvertures des maisons, raser le site, ou le dynamiter. En concertation avec le préfet, la deuxième solution finale est retenue.Et c’est ainsi qu’au petit matin du 11 Juillet, les habitants d’un vaste périmètre qui va de Moissac à St Germain de Calberte et de Ste Croix à St Etienne Vallée Française en passant par St Martin de Lansuscle voient des gens d’armes déployés en nombre impressionnant postés à tous les possibles accès vers la Picharlerié, sans comprendre le pourquoi d’une telle opération. Les ondes sont brouillées, les portables ne fonctionnent pas. Le président de la Communauté de Communes Cévenne des Hauts Gardons, alerté, se voit refoulé quand il tente d’intervenir. Et pendant ce temps, le conducteur du Caterpillar réquisitionné se régale, il s’en vantera, de faire un joli travail qui transformera un hameau où auraient pu vivre ses ancêtres en tas de décombres adroitement rangés en lignes.
Le soir venu, la nouvelle se diffuse enfin et laisse tout le monde atterré. Un ancien du pays déclare : « ce que les Allemands n’ont pas fait pendant la guerre, Freddy Dhombres l’a fait aujourd’hui ».
L’indignation est générale mais : que faire ? Rendez vous est pris pour aller sur les lieux, et tenter de sauver ce qui peut l’être. Mais rien ne peut l’être, et pour cause : deux camions de déménagement, véhicules insolites dans le pays, ont été remarqués dans la matinée du 12 juillet.
Alors que faire ? Le pasteur en poste au pays tente une ouverture vers son confrère Dhombres : il essaiera de lui proposer un rachat de son crime – une expiation ? - sous la forme d’un don du site à la Communauté de Communes. Peine perdue, l’entrevue tourne court.
Parler, se parler, en parler. Beaucoup, et parmi eux de nombreux élus, ne veulent pas se résigner à une fatalité qui présage d’autres mauvais coups. Car si le squatt de la « Piche » était une sorte d’ovni sous le ciel des Cévennes, il ne manque pas ici de résidents en situation précaire, habitants de cabanes, de tipees, de maisons pour lesquelles le permis de construire a été refusé, et ni de nouveaux arrivants de toutes sortes dans ce pays où la vertigineuse flambée de l’immobilier et les blocages sur le foncier empêchent des « actifs » de s’installer tandis que résidences secondaires ou de retraités fortunés ne cessent de croître en proportion.
Parler, pour suppléer au silence des médias.
Mais parler, et dire, et faire, pour que cette infamie perpétrée au nom de la loi, financée par l’argent public, ne soit qu’un triste épisode à ne pas oublier, et qu’elle sonne le réveil des consciences face à la karcherisation que, vue d’ici, on pouvait croire une vantardise d’histrion à l’adresse de nos lointains cousins des banlieues.
Faire du mal un bien, que de nouvelles utopies fleurissent et que la solidarité grandisse !
Mais tout en restant sur nos gardes.
« La vigilance est le prix éternel à payer pour notre liberté. »Le « Club Cevenol » devait apposer une plaque commémorative en hommage au maquis de la Picharlerié en avril 2008.
Je ferai part de ce qui ressortira des multiples réunions prévues dans les jours à venir.
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