La cour d’appel de Lyon refusera-t-elle de prendre la mesure des fautes commises par le gendarme qui a tué le jeune Aurélien à Feurs le 10 mars 2003 ?

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Le verdict du procès qui a eu lieu le jeudi 20 avril ne sera donné que le 1er juin par le juge Finidori.

Voir aussi un deuxième compte rendu du procès.

La plainte de la famille d’Aurélien Joux, un jeune de 24 ans tué dans des conditions abracadabrantesques, a été examinée dans un premier temps par le tribunal de Montbrison le 19 mai 2005, mais le verdict, tombé le 16 juin 2005, est un véritable déni de justice, en effet le gendarme qui l’a tué n’a été condamné qu’à 18 mois de prison avec sursis, sans inscription au casier judiciaire et avec la possibilité de continuer à être armé. Cependant les conditions de ce procès de Montbrison qui s’est terminé en pleine nuit furent si désastreuses que le procureur général de la République Viou a fini par accepter de faire appel de ce jugement pour, disait-il, qu’un nouveau procès plus équitable puisse avoir lieu à Lyon. Défendue par l’avocate Marie-Noëlle Fréry, la famille d’Aurélien, très éprouvée, s’est remise à espérer un peu en la justice.

Même si nous ne connaîtrons le verdict que le 1er juin, le procès à Lyon du jeudi 20 avril 2006 fut tout autant décevant, lors de l’audience à la 4e chambre de la cour d’appel présidée par Grégoire Finidori. Les mots “dégoût” et “lamentables” étaient sur toutes les lèvres à la sortie des 24 colonnes en reparlant des réquisitions de l’avocate générale (qui fait office de procureur de la République en cour d’appel) qui a tout fait pour minimiser la faute du gendarme en demandant la même condamnation qu’à Montbrison.

Et pourtant, le juge Finidori avait pas mal commencé en indiquant de façon très correcte ce qu’on reprochait au gendarme Hervé Salesses, auteur du coup de feu mortel, et les circonstances très confuses de la mort d’Aurélien.

Il a même dit à ce moment-là qu’il y avait eu un refus d’effectuer un prélèvement d’alcoolémie sur le gendarme. Et on pensait alors qu’il allait relever par la suite ce défaut dans la procédure et qu’il allait parler de l’alcoolisation du gendarme. Mais il n’en fut rien !

Puis très vite le juge Grégoire Finidori a dérapé en demandant au gendarme Salesses : « Vous voulez vous lever, mon adjudant. Est-ce que des choses vous ont choqué ? » A ce moment-là nous avons tout de suite compris qu’il n’allait pas rendre la même justice parce que là il s’agit d’un gendarme, ou d’un policier, pas la même justice qu’avec des gamins de banlieue avec qui il n’emploie pas ce même ton, pas la même justice qu’avec les prévenus qu’il a jugé quelques temps auparavant dans la même audience...

Nous avons très vite compris que les conditions de ce procès n’étaient pas très différentes de celles de Montbrison quand le juge Finidori a demandé à 17h20 si l’expert en balistique était présent, alors que l’avocate avait dit et répété que cet expert était indisponible après 17h... Comme à Montbrison, à la cour d’appel de Lyon on a fait traîner les choses pour éviter de gêner les dires de ce gendarme. Le juge Finidori a pris beaucoup de temps par exemple en début de séance pour vérifier si des pages ne manquaient pas au dossier, alors qu’il aurait pu le faire au préalable. Parce que les paroles d’un expert lors d’un procès ont plus de force que son rapport écrit, on a tout fait encore une fois pour qu’il ne soit pas présent à l’audience.

Aux questions qu’il lui a posé, le juge Finidori n’a pas plus relevé l’attitude complètement incohérente et mensongère des réponses du gendarme Salesses qui n’a pas arrêté de faire le “bête” :


- Dans quel but avez-vous pris le fusil à pompe, puique le capitaine Nicolas réfute de vous avoir demandé de le prendre ?
- Le capitaine Nicolas me l’a demandé.
- Aviez-vous le doigt sur la détente ?
- Je ne sais pas.
- Le fusil à pompe était approvisionné, armé et même la sûreté était enlevée (contrairement au règlement) alors qu’il n’y avait pas de danger imminent. Comment expliquez vous qu’un militaire chevronné comme vous ait fait toutes ces erreurs ?
-  Je ne sais pas.
- Dans quelles conditions exactes le coup part ?
- (Le gendarme ne répond pas)
- Vous avez dit que c’est la traction du chien sur la sangle que vous teniez en même temps que le fusil à pompe que vous teniez à deux mains qui fait partir le coup ?
-  Oui.
- Les experts disent que la traction du chien aurait dû déporter le canon vers la gauche et non vers la droite sur Aurélien Joux. Qu’en dites-vous ?
- (le gendarme ne répond pas)

Il en va de même aux questions de l’avocate :


- Les chiens qui se trouvaient dans le véhicule, si ça se passait bien, qu’en auriez-vous fait ?
- On aurait appelé un vétérinaire.
- Après minuit ??
- ...
- Vous avez 15 personnes sur les lieux et vous partez tous avec Aurélien Joux en garde à vue, pourquoi abandonner le véhicule avec les chiens, tous phares allumés ?
- (le gendarme ne répond pas)
- Pour quelle raison le procureur n’a pas été informé, qui en droit doit être expressément avisé, du nouveau transport sur les lieux pour faire remorquer le véhicule ?
- Je n’ai pas pensé.

Toute cette confusion extrême fait nettement penser à une extrême altération alcoolique de ce gendarme aguerri qui dit n’avoir même pas senti avoir appuyé sur la gachette, alors qu’il faut y mettre 2,7 kg de pression ! C’est grave. Il dit s’être baissé croyant que c’était un autre qui avait tiré ! Mais c’est pourtant bien lui, le gendarme Salesses qui a tué Aurélien Joux ! Et pourtant de l’alcoolisation on en n’entendra pas parler à ce procès.

Comme l’a dit l’avocate Marie-Noëlle Fréry, « Ce soir-là, tout dysfonctionne dans cette gendarmerie ! » Malheureusement, aucune enquête n’a été établie et nous n’aurons aucune réponse en ce domaine lors de ce procès. Or, lors du rassemblement à Feurs le 13 mars 2003, de nombreux habitants de cette ville ont dit que souvent cela sentait l’alcool dans cette gendarmerie.

La comédie ignoble de l’avocate générale commence par noter l’importance des fautes commises par le gendarme tueur, puis l’excuse en parlant de peur devant les chiens, de défaut de formation à la maitrise des armes et se termine lamentablement par le même réquisitoire qu’à Montbrison : 18 mois avec sursis, c’est déjà énorme pour un gendarme, ça correspond à la gravité des faits (alors que c’est rien du tout), mais il ne faut surtout pas humilier ce gendarme (sic) ! En tout cas, au nom de la République, elle ne s’est pas gênée pour humilier la famille d’Aurélien Joux en détresse et ses amis par ses propos hypocrites et un réquisitoire méprisant.

Peut-on encore parler de République, si certains ont toute possibilité de tuer leurs concitoyens en toute impunité ? Peut-on encore parler de Justice, si c’est pour couvrir les mensonges et les actes de tuerie de la police ou de la gendarmerie ?

Désormais, d’ici le 1er juin, si on veut parler de procès équitable, la 4e chambre présidée par Grégoire Finidori doit aller plus loin que l’avocate générale. Quand on apprend qu’un Stéphanois a été condamné ce même jour à quatre ans de prison ferme pour avoir provoqué un accident de circulation non mortel sous l’état alcoolique, quand on apprend que, dans la même audience de la cour d’appel, un jeune homme s’est vu condamner à deux ans de prison ferme pour des chèques falsifiés au lieu des deux mois du jugement de première instance, peut-on encore condamner avec du sursis le gendarme Salesses qui a ôté la vie d’Aurélien dans ces ambiances de mensonge et d’extrême confusion ? Non, l’équité exige des années de prison ferme pour ce gendarme.

L’habitude souvent rappelée de la 4e chambre de la cour d’appel de Lyon présidée par Finidori est d’assortir les condamnations de cinq années d’interdiction de droits civiques, civils et de famille, ce qui veut dire en plus une inscription obligatoire au casier judiciaire. Virginie, qui elle, par contre, n’a rien fait de mal, en a fait amèrement les frais (ce qui lui interdit d’être éducatrice), avec cette même cour d’appel le 23 février 2006 dans l’affaire de la manifestive, alors que le juge en première instance avait lui-même reconnu les mensonges avérés de la part des policiers. L’équité exige pour ce gendarme qui, lui, a tué un jeune de 24 ans, d’en être aussi condamné et qu’on l’interdise d’être gendarme et de porter des armes à tout jamais.

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