Du 23 au 29 juin, un camp No Border (« Pas de frontières ») sera organisé dans la région de Calais. L’occasion de mettre en lumière ce qui se passe dans l’ultime frontière de l’espace Schengen [1] et de renforcer la solidarité internationale face aux politiques migratoires européennes.
L’objectif est de créer « un camp de rencontre, de discussion et d’échanges autour de la question des frontières tout en prévoyant des actions symboliques contre les institutions responsables du fait que seuls les riches et les marchandises ont le droit de circuler librement. » En une phrase, Sylvain [2], qui participe à l’organisation du camp, résume ce que dénoncent et attendent depuis des années les personnes qui militent auprès des sans-papiers.
Le choix du lieu est marqué du sceau de l’évidence : « Calais est un point central des questions autour des frontières. D’une part pour l’intensité des marchandises qui y circulent, d‘autre part pour l’importance de son trafic touristique. Enfin, et surtout, car la ville est une frontière très surveillée qui entraîne le blocage de centaines de personnes depuis des années. »
Calais, miroir des politiques migratoires
La ville symbolise les contradictions de l’UE, entre un Etat (la France) qui fait partie de l’espace Schengen et une entité (la Grande Bretagne) qui n’appartient qu’à l’UE. L’affaire du « charter d’Afghans », en novembre dernier, avait illustré cette contradiction, l’Angleterre faisant pression pour que la France renvoie des Afghans vers Kaboul alors que celle-ci n’expulse pas les ressortissants d’un pays en guerre [3]. Pour Sylvain, c’est une politique générale : « Les gouvernements britanniques ont tendance à externaliser leur frontière à Calais et faire pression sur leur vis-à-vis français et les autorités locales. Ainsi la fermeture de Sangatte en 2002 fut largement le résultat de pressions britanniques. Résultat : l’opinion britannique a tendance aujourd’hui à penser que le problème est réglé. »
Mobiliser les premiers concernés
La campagne d’information est intéressante à bien des égards. Le premier appel (avril 2009) est traduit dans les langues des pays adhérents à l’UE. Une tournée hexagonale aux mois de mai et juin doit permettre d’assurer une visibilité.
Néanmoins, le travail de terrain n’est pas aisé. À Calais, Sylvain reconnaît que « l’implication des migrants est difficile ». Ce n’est pas nouveau : la ville n’est qu’une étape sur leur parcours, le plus important étant la survie et le passage. Et la façon dont ils sont accueillis en France ne les incite guère à envisager d’y rester.
Afin qu’un contact se crée et qu’un échange devienne possible, un appel (« À tous les exilés bloqués à la frontière franco-anglaise »), traduit en arabe et en afghan, a été diffusé de main à main au moment des distributions de nourriture. Les militant-es y dénoncent « la politique d’exploitation maximale des humains au profit des plus riches » et accusent les gouvernements européens d’utiliser « une politique contre les étrangers pour se maintenir au pouvoir avec l’apport des voix des racistes. » Enfin, ils s’adressent aux migrant-es : « Nous dénoncerons votre situation de blocage à Calais, vos conditions de vie indignes, la répression policière que vous subissez [...]. »
Wesh, wesh, qu’est-ce qui se passe ? [4]
Loin d’être dans l’incantation, les militant-es du No Border ont pour objectif de faire du camp « un moyen pour améliorer les conditions de vie des migrants », selon Sylvain. Il est ainsi prévu déjà des ateliers sur le droit d’asile ou encore l’éco-construction et l’autoconstruction. Les réfugié-es pourront « s’armer » pour mieux survivre dans ces jungles que Besson voudrait voir disparaître, reprenant là une vieille antienne sarkoziste [5]. Des documentaires (en VO et donc dans les langues des exilé-es) sur les migrations et leurs causes, ainsi que sur les pays d’origine seront selon Sylvain « un moyen de fraterniser ». Un outil aussi pour relativiser l’image de l’eldorado anglais sans tomber dans la caricature de l’Office des Migrations Internationales qui s’évertue à passer une vidéo décourageante aux exilé-es avec l’objectif clair de leur faire « choisir » l’aide au retour volontaire.
Le point d’orgue sera une manifestation allant du centre de Calais au centre de rétention de Coquelles le 27 juin. Ce sera aussi, espère Sylvain, le « point de départ d’un réseau transnational de l’Europe de l’Ouest, ce qui semble logique quand on lutte contre les frontières ! »
Le site du camp No border Calais
No Bor-quoi ?
Réseau associatif européen fondé en 2000, le collectif No Border lutte pour la liberté de circulation et plus spécifiquement contre les politiques migratoires européennes au sein de l’espace Schengen (même si un camp a déjà été organisé à la frontière américano-mexicaine). Le camp de Calais est à l’initiative de plusieurs groupes britanniques qui avaient organisé en septembre 2007 le premier camp No Border en Grande Bretagne, à l’aéroport de Gatwick. Ces derniers se sont coordonnés, à travers plusieurs réunions et ateliers de travail, avec des militant-es français et belges.
Le réseau revendique la régularisation des étrangers en situation irrégulière et la fermeture des centres de rétention. Les camps No Border sont dans une optique offensive (créer de façon concrète le rapport de force autour des lieux symboliques) qui diffère sensiblement des logiques de contre-sommet.
Régulièrement, des camps à proximité des zones frontières ou des lieux cruciaux (telles des zones aéro-portuaires) sont donc organisés. Le seul précédent français date d’août 2002 à Strasbourg. En 2004, le réseau a organisé la première journée internationale d’action « Europe sans frontières » qui a été suivie dans 50 villes de 11 pays d’Europe. Après Calais, un prochain camp est prévu en Grèce au mois d’août.
Soutien
Lire l’appel ici.
Le camp No Border de Calais nécessite énormément d’énergies humaines et d’investissement financier. Le camp sera ouvert à tous et toutes. Votre soutien leur serait d’une grande utilité, que ce soit votre motivation pour filer un coup de main ou votre participation pour l’essence, la nourriture (dont le coup est estimé à 2000 euros), le gaz, l’eau, les transports, le financements des tracts et des affiches, l’installation de chapiteaux, tentes, etc. Afin d’accueillir un millier de personnes dans les meilleures conditions possibles, faites signe !
Chèques bancaires à l’ordre de ALDIR - 4 rue de Colmar - 59000 LILLE
Virements bancaires depuis la France : ALDIR - 13507 00147 47033571905 47
Contact : calaisnoborder.eu.org
Que faire face à la police ?
Si la France n’est pas la Tunisie, il n’en reste pas moins que Calais est une zone de non-droit pour les migrant-es et celles et ceux qui les soutiennent. La répression y est particulièrement forte depuis le début des années 2000 (procès d’humanitaires et d’activistes, garde à vue et violences s’additionnent). C’est pourquoi la participation de la Legal Team de Strasbourg ou encore les liens avec des membres du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) sont primordiaux. Organiser un camp No border à Calais sera à coup sûr vécu comme une provocation par le pouvoir et sa bleusaille. Le 21 mai, Calais était déjà en état de siège (CRS, hélicoptère) pour la manifestation de SOS Soutien ô sans-papier (60 personnes). Le 23 mai, suite à une manifestation contre la répression d’Etat à Lille, des militant-es embastillés se seraient vus dire que la police empêcherait toute installation du camp. Pour l’instant les autorités ne donnent pas de terrain. Cela laisse imaginer ce que pourra être le contexte calaisien à partir du 23 juin.
Pour vous prémunir face aux condés, quelques infos ici : http://labrique.lille.free.fr/spip.php?article881
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