Guy Davidi et les Anarchistes contre le Mur

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Interview de Guy Davidi et informations sur « les Anarchistes contre le Mur » en Israël.
Soutenez la lutte des Anarchist Against the Wall contre le mur de séparation israelien !

Interview de Guy Davidi lors de la présentation du film :

« In Working Progress », Lyon, le 4 décembre 2008

Bonjour Guy, est-ce que tu pourrais te présenter ainsi que le groupe auquel tu appartiens et dresser un bilan de ses premières années d’existence ?
Guy Davidi
 : Je m’appelle Guy Davidi, je suis cinéaste documentariste, je fais des films sur la politique et les relations entre Israël et la Palestine. Je travaille autour de cette problématique et autour des histoires liées à l’occupation. J’ai fait quelques films avec mon partenaire Alexandre Goetschmann. Moi je suis israélien, je suis né Jaffa. Alexandre est d’origine suisse. On fait partie d’un groupe qui s’appelle « Les Anarchistes Contre Le Mur ». C’est un jeune mouvement, fondé en 2003, au moment des manifestations contre le mur, qui commencèrent avec la mobilisation des villageois en Cisjordanie, lorsque les gens ont découvert le tracé du mur et les travaux prévus sur leur terre. Ils ont commencé à agir, à lutter contre ce mur. Alors, nous « Les Anarchistes Contre Le Mur », on a créé ce groupe pour les rejoindre dans le campement d’un village qui s’appelle Masha et c’est à partir de là qu’on a commencé à lutter aux côtés des villages en Cisjordanie.

Aviez-vous un mode d’action particulier ? Vous adoptez un mode d’action non-violent ?
Guy Davidi :
En général les manifestations ne sont pas violentes. Nous ne portons pas d’armes, que des drapeaux. Mais on fait aussi des actions directes, c’est à dire par exemple qu’on a déjà levé des blocages de blocs de pierres ou de barbelés car autour des villages, l’armée bloque des routes pour empêcher les gens de circuler. Nous, on essaye de faire des actions pour qu’on en parle, pour créer un débat qui n’existe pas dans la société israélienne ainsi que dans le monde en général.

Arrivez-vous à vous faire entendre en Israël, trouvez-vous des voies pour vous relayer ? Comment se transmet l’information ?
Guy Davidi :
En fait la société israélienne ne s’intéresse pas beaucoup à ce qui se passe... l’info circule avant tout par Internet. C’est un outil important pour diffuser des informations, des vidéos ou mettre en contact un réseau prêt à réagir très rapidement. Mais le problème, c’est pas vraiment ça, ni l’accès à l’information ou l’impact de nos actions, notre problème c’est plus d’arriver à imposer ce débat, d’arriver à convaincre que l’image que donnent les médias israéliens est fausse, qu’elle ne correspond pas à ce qui se passe sur le terrain. Il faut savoir aussi qu’Israël est un pays aux inégalités extrêmes, il y a des gens qui sont riches, mais il y a aussi beaucoup de pauvreté. Plus de 25% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ça veut dire qu’on agit vraiment dans des conditions difficiles.

Vous avez à subir la répression de l’État, sa police, sa justice, son armée, comment cela se traduit-il ?
Guy Davidi :
En fait sur le terrain, ce qui est important pour notre groupe, ce sont les gens qui sont prêts à aller manifester dans les situations les plus difficiles. Aucun autre mouvement n’est prêt à aller mener des actions en Cisjordanie, au risque de sa vie. Les tirs sont parfois à balles réelles, d’ailleurs 13 palestiniens y ont déjà perdu la vie, mais notre présence est importante, non pas pour notre image, mais pour des raisons pratiques. Ainsi l’ordre de tirer n’est plus le même lorsque des israéliens sont là. Dès qu’il y a des israéliens sur le terrain, les soldats se montrent moins agressifs, ou tout au moins utilisent des balles en caoutchouc au lieu de balles réelles, mais quand il n’y a pas d’israéliens, ils font ce qu’ils veulent. D’ailleurs les médias israéliens ne s’intéressent jamais au nombre de morts palestiniens. Chaque fois qu’on a parlé un petit peu de nos actions dans les médias, de la problématique du mur, de son tracé et de la forme d’occupation qui va avec, c’était toujours lorsqu’il y avait des blessés israéliens.

Comment sont perçues vos actions côté palestinien ?
Guy Davidi :
Les gens nous accueillent toujours à bras ouverts, ils reçoivent chaleureusement ceux qui s’intéressent à leur situation. Il ne faut pas oublier que les villageois que l’on rencontre sont souvent des ouvriers qui ont travaillé pendant des années en Israël. Ils connaissent bien la langue, ils connaissent bien la culture, ils nous connaissent finalement beaucoup mieux que nous ne les connaissons. Du coup, nous n’avons aucun problème à mettre en place des actions ensemble. Il faut aussi se rappeler qu’ils y avait pas mal de collaborateurs pendant les années d’occupation et il y a finalement plus de méfiance vis-à-vis d’autres villages que vis-à-vis de nous. Maintenant, après plusieurs années de lutte côte à côte, après que plusieurs de nos actions ont été médiatisées dans les territoires occupés, on peut déjà remarquer sur le terrain que le regard des gens change et que la solidarité entre les villages s’organise. Notre mode d’action devient peu à peu un nouveau modèle de lutte.

Quels sont vos projets ?
Guy Davidi :
Notre objectif reste d’imposer le débat, de parler des sujets qui sont tus, de médiatiser nos actions et de les confronter au discours dominant des médias. Ensuite d’impulser une dynamique en Palestine, comme dans le reste du monde. On voit bien que l’engagement des villageois fait renaître des solidarités qui avaient disparues. Après, sur le terrain, on a déjà pas mal ralenti de chantiers de construction en coopérant avec d’autres organisations qui ont engagé des procès contre le mur. Cela n’est pas reconnu par les lois internationales, mais cette réalité existe dans les tribunaux israéliens parce qu’ils considèrent le mur comme un élément de sécurité, alors même que l’on a démontré preuves à l’appui, qu’il a parfois volontairement été construit pour annexer des terres et non pour des raisons de sécurité. On souhaite donc également poursuivre ce type d’action, qui ont au moins l’avantage de ralentir la construction, car pendant ce temps, elle, elle continue quand même, d’où le titre du film : « En construction ».

Comment pouvons-nous vous aider et vous apporter notre soutien depuis l’Europe ?
Guy Davidi :
Bien, premièrement, nous avons encore beaucoup d’amendes à payer suite aux arrestations de palestiniens interpelés au cours de manifestions et qui passent plusieurs mois en prison. Alors avec le soutien d’avocats, nous essayons de les faire sortir. Donc la première question c’est celle de l’argent... Sur notre site Internet (www.awalls.org), vous trouverez tous les détails pour soutenir financièrement le mouvement. La deuxième chose qu’il me semble important de réaliser, c’est d’organiser des tournées afin de créer des liens avec les palestiniens. Ils sont vraiment en attente d’un soutien extérieur car ils se sentent isolés. C’est par ce type de relations qu’on peut créer des liens qui sont importants dans cette région du monde, et pouvoir s’organiser ensemble par la suite. Pour finir, nous devons continuer à mettre la pression sur le gouvernement.

Merci pour cet entretien, Guy.
Kaocen
Article paru dans No Pasaran n° 73

Présentation du film : In working progress

À l’ouest de Ramallah, une nouvelle ville est en construction : Modi’in Illit. Les grandes entreprises en bâtiments para-gouvernementales profitent de l’occasion, protégées par l’infrastructure de sécurité israélienne pour étendre de manière illégale le chantier destiné à l’arrivée de nouveaux colons. Les ouvriers palestiniens, employés dans des conditions misérables, contribuent, paradoxalement, à la destruction de leur terre et à la construction du mur qui protègera Modi’in Illit.
Guy Davidi, Israélien, est metteur en scène, enseignant de cinéma et opérateur sur divers documentaires (Les Souvenantes, sur les mémoires israéliennes concernant la déportation du peuple palestinien en 1948, La Mère de Hamza, tourné dans un camp de réfugiés).
D’origine suisse, spécialiste du Moyen Orient Ancien, doctorant en Mythologie et Philologie à l’Université de Tel-Aviv, Alexandre Gœtschmann est documentariste et écrivain.

Anarchistes contre le Mur

Fondé en 2003, les Anarchistes contre le Mur est un groupe très actif en Israël et aux points chauds le long du Mur de séparation en Cisjordanie occupée.
Une des premières actions du groupe, en décembre 2003, a été de sectionner le grillage du chantier de construction du Mur près du village de Masha. C’est là que, pour la première fois, l’armée israélienne a tiré à balles réelles contre des manifestants israéliens, blessant grièvement un des militants du groupe. Grâce à une bonne couverture médiatique, cette action a soudé les militants et a eu un fort impact sur l’opinion publique. La plupart des villages se révoltèrent et se structurèrent en comités locaux de résistance. Depuis, 9 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, entre 50 et 100 ont été blessés par balles de caoutchouc. Quant aux Anarchistes contre le Mur, beaucoup de leurs militants ont été arrêtés par l’armée et condamnés à des peines variables. Ce soulèvement palestinien, a porté ses fruits. Le défi des Anarchistes contre le Mur est de maintenir et d’élargir leur réseau de communication et leur présence sur le terrain, en collaboration avec les comités populaires locaux. Le groupe a besoin de fonds pour assurer les frais juridiques, de matériel et de transport nécessaires à ses activités, soit un budget de 36 600 € par an.

P.-S.

Pour aller plus loin :
Le site des Les Anarchistes Contre Le Mur : www.awalls.org
Pour voir des extraits de In Working Progress :
http://www.actv.co.il/portal/eportal.asp?movind=378
« Programmer le désastre. La politique israélienne à l’œuvre. » Michel Warschawski, Editions La Fabrique, 9€

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