Comparution immédiate du mardi 8 mai 2007
Le tribunal de Lyon a été ouvert extraordinairement ce mardi 8 mai pour que s’y déroulent les comparutions immédiates de dix inculpés des manifestations du 6 et 7 mai.
14h17
Monsieur P est un jeune majeur qui habite à Lyon et travaille en intérim.
Son casier judiciaire comporte 3 inscriptions, la première remontant à 4 ans, les deux dernières pour des délits mineurs. Pour l’une d’entre elles, le prévenu est sous le coup d’une mise à l’épreuve.
Le tribunal l’accuse d’avoir exercé des violences sans entrainer d’ITT [1] sur 2 fonctionnaires de police qui effectuaient une mission de maintien de l’ordre, suite aux élections présidentielles, le dimanche soir 6 mai 2007.
Les faits décrits par le juge
Rue de la Barre à Lyon, une dizaine de personnes jettent des projectiles sur les forces de l’ordre. Les policiers vous ont vu jeter une bouteille de bière.
« Je revenais d’un week end, je suis passé avec un ami place Bellecour. J’ai reçu un tir de flashball sur le flan. Et quand mon ami a été blessé par une balle de flash ball, ça m’a mis en colère alors j’ai jeté une canette de bière sur les CRS. »
« Je regrette mon geste, c’est la première fois que ca m’arrive. »
Une dizaine de policiers ont été blessés et hospitalisés à la suite de ces émeutes ; ils auraient préféré rester chez eux ou à la caserne ce soir là.
Vous avez jeté deux grosses bouteilles de bière ?
« Non juste une canette de bière qui a atterri aux pieds des CRS ».
Etiez vous venus en découdre avec les forces de l’ordre ?
« Non, je n’étais même pas au courant du rassemblement. »
Pourquoi votre collègue a pris un coup de flashball ? C’est que vous étiez en première ligne des affrontements ?
Le prévenu continue à nier et assure que son ami a pris une balle de flashball comme n’importe qui présent ce soir là sur la place Bellecour aurait pu en prendre une.
La plaidoierie de l’avocat qui défend les parties civiles (les policiers)
Les policiers victimes faisaient partie du dispositif anti émeute mis en place suite aux élections présidentielles ; les faits des émeutes sont connus et la presse s’en est largement fait l’echo.
Quarante huit heures après les élections, la tension est largement retombée mais il reste une ambiance lourde, désagréable.
Les policiers faisaient leur métier ce soir là, durant cette soirée dangeureuse.
La bouteille a explosé aux pied des policiers.
Concernant la réparation du préjudice je demande pour chacun de mes clients 300€ de dommages et intêrets et une amende dont le tribunal appréciera le montant.
Les réquisitions de la procureure
Il y a ce soir là un déferlement de violence ; le prévenu savait ce qu’il se passait sur la place Bellecour.
Avoir une bouteille de bière à minuit dans la rue m’interroge.
Il s’agit d’un contexte particulier de soirée post éléctorale. L’ensemble des médias s’est fait entendre pour dire que 85% des électeurs se sont déplacés pour aller voter et des individus aux courants politiques divers s’opposent aux résultats de la démocratie !
Leurs actions visent à remettre en cause le jeu démocratique c’est pourquoi je demanderai au tribunal une peine d’une extrême fermeté.
Les policiers ne sont pas là pour essuyer des jets de projectiles.
Le prévenu n’a même pas été jusqu’au bout de ses opinions puisqu’il n’a pas été voter.
Je requiers six mois ferme avec mandat de dépôt, cette peine doit être un signal fort à l’attention de ceux qui envisageraient de recommettre ces troubles.
La défense du prévenu
Il s’agit d’une soirée particulière après les élections présidentielles, les forces de l’ordre sont nombreuses et très représentées. Est-ce qu’il y’a un drapeau noir qui flotte ? Non. Est-ce qu’il y’a des voitures brûlées ? Non. On est très loin des événements décrits par la presse aujourd’hui.
Son ami a été blessé par un tir de flashball : il y a du coté des forces de l’ordre un dispositif très important équivalent à ceux qui sont mis en place les soirées de réveillon ou encore les soirs de grand match de foot, pour éviter un éventuel débordement des bandes de jeunes. C’est un contexte très particulier. Il en faut peu ce soir là pour que les choses dégénèrent et entrainent ce que l’on connait.
Mon client a eu un acte de mimétisme dont il n’est pas très fier, il travaille depuis peu à la mairie de V et je vous demanderai de ne pas compromettre l’opportunité professionnel et l’avenir de ce garcon.
14h38
Délibéré
Monsieur P est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, le tribunal le condamne à deux mois de prison ferme avec mandat de dépot. Il devra en outre payer 300€ de dommages et intérêts aux parties civiles et 300€ d’amende.
Le tribunal justifie sa sévère décision par « la mise à l’épreuve » dont le prévenu était sous le coup.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info