Akira pour ou contre ? Débat stratégique et intime

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En ces temps politiques bien sombres, un énième débat au bar avec une amie de toujours m’a convaincue d’écrire quelques mots au sujet du mouvement Akira 2022 en déroulant ces nombreuses discussions de bistrot pour faire un point des pour et des contres.

Le but n’est pas de distribuer les bons points à partir d’une position de spectatrice comme je l’ai tant entendu ces dernières semaines. Plutôt de rendre public des questions qui concernent beaucoup d’entre nous et semblent être posées en de multiples endroits. Au-delà d’une démarche contre-productive qui relève parfois du purisme ou du commentaire de salon, nous avons eu envie d’entamer le débat sur le terrain de la stratégie. Un domaine qui, dans une telle période, doit être au cœur de nos réflexions si nous ne voulons pas continuer à sombrer.

Pour ceux et celles qui auraient raté « l’affaire », petit rappel : il y a un gros mois une surprise de taille a fait irruption sur la scène politique : Akira.

Lors d’une espèce de happening étrange au cœur de Paris, un groupe ou un mouvement -difficile encore de savoir comment le qualifier- dont personne n’avait entendu parlé avant septembre 2021 a débarqué en présentant une candidate masquée et aux multiples visages à l’élection présidentielle. Si nos premières impressions étaient majoritairement négatives j’alterne depuis entre plusieurs sentiments contradictoires.

Plutôt que de me lancer dans un débat théorique aux formules bien senties que je ne maitrise pas j’ai eu envie de coucher sur papier, le plus simplement possible, les pour et les contre qui sont sortis de nos débats ces dernières semaines. La question à l’heure actuelle étant pour moi finalement assez simple en ce qui me concerne : dois-je répondre au formulaire reçu par Akira qui appelle à rejoindre la campagne ? cf : https://akirarevolution.com/

Commençons donc par LES CONTRES car ce sont eux qui ont dominé chacune de mes réactions à chaud jusqu’à maintenant :

- Le fond tout d’abord : Le discours initial est resté relativement large sur des domaines qui relève de la gauche radicale (crise écologique, féminicide, discrimination du au genre et à la race, exploitation, politique migratoire etc.). Si on devine que l’objectif était de faire une prise de parole rassembleuse, elle a laissé planer de nombreux doutes que la seconde vidéo n’a pas vraiment permis de lever. Jusqu’ici l’affirmation politique reste assez pauvre, les thèmes évoqués sont empilés un peu pour cocher toutes les cases mais on ne voit pas vraiment d’idées originales ni vraiment de précision. Le capitalisme est pour l’instant peu nommé.

- La question de la composition du groupe et de où il parle ? C’est l’une des grosses incertitudes : qui sont ils.elles, que représentent ils.elles, d’où parle ils.elles ? Une critique omniprésente sur les réseaux sociaux est celle de leur origine supposée bourgeoise. Nous ne pouvons pas l’affirmer pour l’instant car des habits haut en couleur pourraient très bien être portés par n’importe quelle classe sociale. Et surtout on devine qu’à Carnavalet c’est une forme de déguisement ironique. L’incompréhension à ce sujet leur incombe et relève sûrement d’erreurs dans la façon de communiquer leur message. En tous les cas, ils.elles ne nous donnent finalement pas vraiment d’autre indice pour savoir d’où il parle ce qui rend plus difficile la confiance.

- Le risque d’un mystère trop présent dérange. Au début, je dois avouer que, comme beaucoup, j’étais un peu énervée de ne pas bien comprendre. Je me suis sincèrement demandé si tout ça n’était pas une blague tout simplement. Si le mystère peut provoquer des affects intéressants, il crée aussi des fantasmes (positifs ou négatifs) assez dangereux. On peut repérer quelques éléments sur la composition du groupe dans le dernier discours mais comment être sûr de ce qu’ils affirment ? Y a t’il vraiment des réfugié.e.s politiques parmi eux.elles, des infirmières ? Plus que leurs origines sociales ou leurs métiers (car quels qu’ils soient, cela ne légitime ou illégitime pas leur révolte ou leur refus de la situation) c’est leur implication dans les luttes et dans des initiatives de terrain qui pose question.

- Ce qui nous amène sur la question de l’offensivité de Akira : Si on est bien conscient que la répression dans notre pays depuis les gilets jaunes rend peu praticable l’action directe (surtout quand on a attiré si vite tous les projecteurs) on attend les propositions de Akira à ce sujet. Nous pourrions même nous demander si Akira à l’intention de s’aventurer sur ce chemin ou si, encore une fois, il compte se limiter au communicationnel.

- Car trop de com’ tue la com  : nous l’avons vite compris, Akira veut jouer sur le terrain médiatique et de la communication, ce qui peut sembler logique étant donné leur ambition. Pour autant on peut se demander s’il ne s’y brûle pas les ailes. Rien de surprenant car c’est un terrain miné sur lequel ils.elles se sont aventuré.e.s de façon tonitruante. Si Akira réussi à y exister massivement, c’est au prix de nombreuses moqueries. Et c’est un risque à prendre quand on essaye de détourner les armes de l’ennemi. C’est un espace que l’on maîtrise mal car il reste celui de l’adversaire et de ses moyens démesurés. On peut aussi craindre que le mouvement se limite à une existence sur les réseaux, ce qui pour nous serait une limite indépassable pour un groupe qui se revendique de la révolution. On se demande encore si ce groupe a vraiment vocation à exister de façon palpable. Si ce n’est pas le cas, nous serons nombreux.ses à être déçue et à passer notre chemin sans l’ombre d’un doute.

- Et c’est peut être le jeu dangereux de l’élection qui les y pousse : Nous espérons que cette candidature reste dans le registre du canular et de la mascarade mais rien ne nous le garantit pour l’heure. Où vont-ils arrêter la farce ? Qui nous dit que si ils.elles connaissent un vrai succès ils.elles ne décident pas de jouer plus sincèrement le jeu ? C’est un risque présent et pas totalement rassurant car les élections restent toujours une pente glissante. Même au-delà de la présidentielle, nous aurions besoin de connaître les intentions de Akira au sujet des institutions. Pour dire les choses autrement, parle-t-on bien d’un groupe extra-parlementaire ou non ?

- Si il est difficile de faire le tri entre les trolls fascisants et des personnes sincères, on perçoit globalement un manque de soutien important sur les réseaux sociaux et de nombreuses critiques qui démontrent qu’ils.elles ont eu du mal à se faire comprendre (si c’était leur but bien sur) ou qu’ils ont déplus à plusieurs niveaux. Une de mes surprises a été que du côté de la “vraie vie” c’est beaucoup plus contrasté : de nombreuses amies et plusieurs membres de ma famille, politisée mais peu actives m’ont confiés être très stimulées par Akira 2022. Certain.e.s ayant même déjà répondu à leur appel à rejoindre la campagne. Parmi les camarades politiques c’est plus mitigé : beaucoup restent profondément critiques pour des raisons proches de celles évoquées plus haut, d’autres s’intéressent timidement mais semble encore hésitant.e.s. Beaucoup sont sceptiques et pourtant attendent une véritable curiosité.

- A ce sujet enfin on imagine que Akira a un risque d’isolement. Quand on voit le manque de soutien de la part des forces de gauche radicale et du milieu libertaire on se dit que bien peu de lien et de concertation a été fait en amont du lancement de la campagne. Peut-être même que c’est Akira qui refuse le dialogue avec des acteurs déjà en place ? Ce serait très décevant. Ca pose aussi la question de savoir si Akira est capable de peser sans soutien dans son camp ?

Les POUR :

Bad buzz, still a buzz ?
[...]

La suite à lire sur : https://paris-luttes.info/akira-pour-ou-contre-debat-15436

P.-S.

Ps : Cet article a été écris fin octobre mais a été refusé par les médias parisiens à qui il a été proposé. Certaines nouvelles informations sur Akira nous sont parvenues depuis ( article dans Lemonde ou Mediapart, formation sur le fascisme, lignes politiques un peu plus clair, lancement d’antennes locales, réunions d’acceuil etc.) et n’ont pas été intégrées dans la réflexion par faute de temps mais on peut les retrouver sur le net ou les réseaux sociaux assez facilement

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