La question du droit est de celles que les anarchistes gèrent mal. Les raisons ne manquent pas. L’anarchisme est « parcouru d’un “optimisme anthropologique” » qui rendrait inutile la contrainte juridique parce que « l’individu, chaque individu, est essentiellement “bon”, c’est-à-dire sociable et solidaire ». Dans les sociétés modernes, la force du droit que sa source soit légale, coutumière ou conventionnelle, repose sur l’État, instrument de toutes les dominations ; la fonction du droit est alors comprise négativement, non comme un moyen pour vivre en société mais comme la manifestation illégitime d’un principe d’autorité discréditant la règle juridique pour une société libérée. Enfin, la réflexion sur le droit se concentre sur le droit pénal et la justice criminelle pour butter sur le traitement de la déviance en société libertaire. Les problèmes de droit civil, de droit économique, de droit administratif qui surgiront dans la phase révolutionnaire et post-révolutionnaire sont esquivés. Pourtant, les conflits individuels et collectifs, les petitesses de l’homme ne disparaîtront pas par miracle et la société nouvelle, dans toute sa complexité, ne fonctionnera pas longtemps au jugé. Ou les anarchistes auront des propositions d’organisation réalistes, compatibles avec l’esprit libertaire et acceptables par le plus grand nombre, ou ils laisseront place aux solutions autoritaires, c’est-à-dire à la reconstitution de l’État avec un droit fondé sur la domination d’une classe. Là est l’enjeu d’une réflexion libertaire sur le droit.
>Conflit de classes inversé, l’épine dans le pied des luttes sociales
Hiver 2023, mouvement social contre la réforme des retraites. Fonctionnaires, salarié·e·s d’entreprises publiques, étudiant·e·s sont en grève et dans la rue. Caissier·ères, ouvrier·ères du bâtiment, femmes de ménage, livreurs deliveroo et autres salarié·e·s de la « deuxième ligne » sont au taf....
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