Peu avant 7h du matin, l’entrée du parking pour les véhicules légers et les livraisons situé au 102, rue Sully à Décines est bloquée par une poignée de résistants à ce projet pharaonique, amarrés aux grilles du portail à l’aide de chaînes et de cadenas en « U » fixés autour du cou, les bras soudés ensemble par des tuyaux verrouillés. Au-dessus d’eux, une banderole, « Des moutons, pas du béton », et devant eux « Stoppons OL-land ! ».
A quelques centaines de mètres de là, trois opposant-e-s ont réussi parallèlement à occuper une grue. Ils ont déployé en haut de celle-ci des banderoles bien visibles depuis les bouchons automobiles matinaux qui longent la palissade du chantier vers la rocade Est : « Grand projet inutile ».
« En plus d’être illégitime car accaparant l’argent public pour des intérêts privés et initié dans le refus de toute consultation de la population, ce chantier est également illégal juridiquement en ce qui concerne la construction des voies d’accès », explique Laure [1], membre du collectif d’opposant-e-s. Pour le moment, les autorisations pour le raccordement de la ligne de tram sont bloquées par la justice, mais les travaux se poursuivent en toute illégalité sous les auspices du Grand Lyon. [2] C’est qu’il faut à tout prix avancer pour être prêts pour l’Euro 2016. Or, c’est justement la grue dédiée à la construction des voies d’accès pour le raccordement du tram, parmi la douzaine d’autres en activité sur le chantier, qui est occupée et bloquée.
Retour sur les lieux du blocage de la grille d’entrée du chantier. A quelques mètres des opposants, les ouvriers venant travailler vers 7h du matin se tiennent debout, étonnés, mais plutôt amusés qu’en colère. Un groupe d’entre eux, proches de l’âge de la retraite, issus de la région lyonnaise, acquiesce lorsque les opposants expliquent que le projet s’est construit sur des mensonges, de nombreux emplois locaux étant initialement promis. « On ne peut qu’être d’accord avec vous et vous soutenir sur ce point », regrette l’un d’eux, amer. Plus loin, un groupe, bien plus nombreux, de jeunes ouvriers de toutes origines, certains venant du sud de la France, d’autres parlant peu le français car venant d’autres pays européens, attend aussi. Là encore, pas de panique. Certains se résignent à aller faire le tour du chantier pour entrer, ils en seront quittes pour une petite ballade matinale. D’autres attendent : « De toutes façons je suis payé, les patrons sont au courant, c’est à eux de réagir », sourit un maçon. D’autres savourent cette pause opportune qui leur est donnée de bon matin : « Vous revenez demain ? Et tous les autres jours de la semaine ? Dans ce cas, bloquez aussi l’entrée des poids lourds ! ».
La police municipale observe la situation, puis relève les identités de la majorité de la cinquantaine de personnes qui se trouve sur les lieux. Des agents de la BAC (brigade anti-criminalité) procèdent à des fouilles au corps aléatoires tout autour du chantier. Les bloqueurs et leurs soutiens actifs semblent ne pas vouloir la confrontation avec la police et les ouvriers, privilégiant le dialogue. Autour d’eux, quelques personnes venues en soutien, parmi lesquels quelques militants de l’association « Carton Rouge » qui lutte historiquement contre le stade.
Vers 10h, cela fait déjà trois heures que l’entrée est bloquée, il ne reste plus qu’une dizaine d’ouvriers en attente, les cinq enchaînés se détachent… et, contrairement aux déclarations données au préalable, se font embarquer par la police et par la BAC, menottes aux poignets direction le commissariat de Meyzieu.
Le reste du groupe se rend devant les grues à l’extérieur des palissades. Le GIPN (Groupe d’Intervention de la Police Nationale) arrive sur les lieux en vue d’une intervention pour déloger les trois résistants toujours sur la plateforme supérieure de la grue. Ceux-ci décident alors de descendre après avoir allumé un feu de Bengale et, accompagnés d’un militant resté en bas de la grue, ils se font emmener à leur tour au commissariat, rejoints par une dixième personne venue en soutien.
Le 11e interpellé de l’affaire, c’est bien sûr Gérard Collomb, le sénateur-maire de Lyon et président du Grand Lyon, qui doit voir d’un oeil inquiet un regain de l’opposition à son projet-phare inutile alors que la campagne pour les élections municipales de 2014 a commencé. Mercredi 8 janvier déjà, des opposants s’étaient invités à l’inauguration d’une nouvelle boutique de l’OL à Lyon en tapant sur des casseroles aux cris de « Collomb = corruption ». [3]
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