Monsieur le Ministre,
Il ne s’agit pas pour moi de savoir qui sont les bons ou les méchants, mais simplement de savoir quel type de réponse des élus sont capables d’apporter à une situation de crise.
Après avoir cherché, fouillé et farfouillé, je me rends compte que le couvre-feu existe depuis des lustres dans l’éventail des pouvoirs accordés aux maires (encadrés par le juge administratif), qu’il est utilisé et qu’il ne donne que rarement voire jamais lieu à dramatisation ; je veux dire que le couvre-feu, en l’espèce, se limite a réguler la circulation des personnes, ce qui eût été parfaitement adéquat dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.
Or le choix que vous faîtes - la Loi d’avril 1955 - est toute autre chose (possibilité pour vous de faire main basse sur les médias, perquisitions policiéres SANS l’accord du juge judiciaire, assignations à résidence etc... etc..). Si cette Loi prise en plein coeur de la guerre d’Algérie pouvait se concevoir, aujourd’hui cette médecine de choc est simplement choquante parce que toute en esbrouffe et en tape à l’oeil.
On ne peut en même temps, jurer la main sur le coeur qu’on veut dialoguer, et par ailleurs avancer à coups de matraque, de flashball, d’humiliations et de perquisitions de jour comme de nuit. Ceci sans compter les injures « racaille » ; ou pire, la proposition de Loi d’un député UMP de retirer la nationalité française aux émeutiers naturalisés. Cette proposition, indigne et scandaleuse, outre qu’elle démontre - mais qui en doutait ? - l’existence de Français de plusieurs catégories (une façon comme une autre de donner raison aux jeunes !), rappelle l’époque sinistre de l’occupation où l’on retirait la nationalité française aux juifs, « des voyous », « le parti de l’étranger ».
Certes, brûler des voitures est un délit. Mais que dire alors des milliers de salariés jetés à la rue pour le contentement des actionnaires (Hewlett Paccard, Daewoo, Metal Europ...) alors que quelques patrons se remplissent l’escarcelle de subventions prises avec l’argent public ?? Des voitures, cela se répare ; des vies brisées, non.
Je ne suis, je le répéte, qu’un simple citoyen qui, lorsqu’il lit les blogs de vos fans « Sales maghrébins ! Il faut l’armée ! etc.. » est pris d’un profond sentiment de nausée.
L’ordre reviendra, bien sûr ; vous allez gagner. Mais au prix de quelles humiliations, de quelles haines et de quelles rancoeurs ? Je dis là, que quelque part vous aurez manqué votre tâche de ministre de la République.
Cette République, que vous aimez tout comme moi, inclut dans sa cinquième constitution la « déclaration des droits de l’homme » qui parle, lorsque le pouvoir manque à ses fonctions de « devoir sacré d’insurrection. »
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