« LES BARRICADES FERMENT DES RUES
MAIS OUVRENT LES CHEMINS »
Samedi 28 octobre
Dès le matin, le président du Mexique, Vicente Fox, ordonne l’envoi de forces fédérales qui se concentreront dans la capitale d’Oaxaca. L’après-midi, des policiers ministériels en civil, dans des camionnettes et sur des motos, ouvrent le feu et criblent de balles les barricades de Bartolo Coyotepec Sain où un enseignant a été assassiné.
L’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca (APPO) appelle à la grève nationale, et à des blocages de commerces et de routes pour exiger qu’Ulises Ruiz abandonne sa charge de gouverneur de l’État.
Dans la ville de Mexico, des enseignants qui font la grève de la faim dans un campement, en soutien à l’APPO, installent une barricade symbolique face au Secrétariat de Gouvernement.
L’autre campagne de l’EZLN (Chiapas) appelle à soutenir l’APPO et le peuple d’Oaxaca.
Dimanche 29 octobre
Alors que l’armée occupe la région montagneuse alentour à la recherche de résistants, six hélicoptères survolent la ville de Oaxaca. Après le débarquement par avion de 500 policiers fédéraux, arrivent ensuite 40 camions plein de policiers et de grenadiers, ainsi que de nombreux tancks compacts, en même temps que 16 camions lanceurs d’eau et des grues destinées à broyer les barricades.
Ce sont alors des barrières humaines pacifiques qui viennent s’opposer à l’avancée des policiers fédéraux, en leur offrant des fleurs blanches, symbole de la résistance pacifique, et aussi des affiches, en les exortant de refuser d’occuper la ville et de réprimer le peuple.
À deux heures de l’après-midi, en faisant hurler des sirènes, les 16 lanceurs d’eau avancent pour essayer de casser les barrières humaines. Dans l’eau projetée il y a un acide qui esquinte la peau. Les manifestants essayent de les arrêter désespérément avec la seule arme dont ils disposent c’est-à-dire leurs corps. La lutte dure plus d’une heure. Les éléments terrestres de la police font tout pour pousser les manifestants, qui décident finalement de se replier pacifiquement et d’éviter une confrontation violente.
Le premier contingent de la PFP de 500 grenadiers et policiers armés de grenades lacrymogènes a effectué une action de diversion, en passant le premier pont, et est resté stationné à cet endroit. Pendant ce temps, des convois d’environ 100 véhicules de la PFP ont été obligés de se dévier en prenant la direction de la rivière Atoyac, pour éviter les centaines de barricades situées sur toute la route fédérale. En même temps d’autres éléments de la PFP, commençaient la tentative de la prise du contrôle du centre métropolitain.
Alors, le comité de sécurité de l’APPO a donné l’ordre de maintenir et de renforcer les barricades pour empêcher l’arrivée des renforts de la PFP.
Trois hélicoptères effectuent sans cesse des vols à basse altitude dans toute la ville près des différentes barricades.
Il n’y a aucun transport en commun qui ne circule. Environ dix mille manifestants masculins partis vers 11h du matin du Monument de Juárez - situé à l’extérieur de la ville, de fait bon nombre d’habitants de la Montagne Nord ont pu s’y joindre - sont arrivés dans le centre dans l’après-midi, mais ils ont été dispersés avec des gaz lacrymogènes de la PFP qui avait déjà le contrôle de la place centrale. Cependant pendant le repli ils brûlent des camions urbains garés dans les premiers halls du centre, puis ils se réorganisent... Un groupe décide de retourner sur la place pour faire une assemblée, et un autre groupe marche vers le campus universitaire de l’UABJO, d’où émet Radio Université, dans le but de renforcer la surveillance devant un possible délogement.
On décide de convoquer pour les 9, 10 et 11 novembre une assemblée constituante de l’APPO avec la désignation de délégués de chaque secteur.
Un contingent de la PFP pénètre à la hauteur du Canal 9 (la télévision qui a été prise par les femmes d’Oaxaca) et réprime les manifestants, avec l’aide d’un hélicoptère depuis lequel sont lancés des gaz lacrymogènes. Environ 300 policiers de la PFP sont aidés par un bulldozer à l’angle de Porfirio Díaz avec la rue de l’Indépendance et 300 autres policiers se trouvent au carrefour de la rue Bustamante.
Le médecin volontaire José Alberto López Bernal a été tué par l’explosion d’une grenade lancée par un policier, qui lui a perforé la poitrine,
entre la Chaussée le Madrier et l’ancien marché.
Une autre personne a été tuée à la hauteur de l’ITO (Institut Technologique d’Oaxaca). On a en outre eu connaissance du décès d’un enfant de 12 ans par un tir d’arme à feu. Cela fait donc trois morts supplémentaires pour cette seule journée de dimanche.
Une quarantaine de professeurs ont été arrêtés dans le Parc de l’Amour et ont été embarqués par hélicoptère. D’autre part, en les embarquant dans une Suburban de couleur blanche, des policiers ont arrêté deux jeunes qu’ils ont livré à des éléments de l’AFI. De plus des recherches ont été effectuées au domicile-même de professeurs et de personnes reconnues sur des barricades pour les arrêter.
A 19h, il y eu une coupure d’électricité sur le campus de l’UABJO et Radio Université cessa d’émettre.
Pendant ce temps à Mexico, la circulation a été bloquée dans l’après-midi pendant près de 2 heures par deux trolleybus au croisement de l’Axe Central et de l’avenue Juárez, en solidarité avec le peuple d’Oaxaca.
Lundi 30 octobre
Ce lundi, de nouvelles mobilisations se sont réalisées dans Oaxaca pour reprendre à la police la place centrale. A l’une des entrées de la place, les manifestants ont lancé des pierres et des pétards sur les policiers fédéraux pour les déloger ; ils ont aussi enflammé des pneus. Les policiers ont tiré, eux, des grenades lacrymogènes sur la foule. Le peuple d’Oaxaca continue de résister.
Dans de nombreuses villes du monde des rassemblements se sont produits en soutien à la lutte du peuple d’Oaxaca et contre la répression sanglante de l’État du Mexique.
Mardi 31 octobre
Daniel Gildardo Mota Figueroa, journaliste au journal « l’Avis », a été arrêté par les policiers fédéraux vers 4 h du matin dans le secteur de l’aéroport.
Dans l’état du Michoacán, plus de deux mille professeurs du Syndicat National de Travailleurs de l’Éducation (SNTE) se mettent en grève et annoncent qu’ils partent à Oaxaca soutenir l’APPO et les enseignants d’Oaxaca en lutte.
On commence à désigner des délégués pour l’Assemblée Constituante de l’APPO du 9 au 11 novembre.
L’aéroport est transformé en quartier général de la police fédérale. Des renforts, avec des brigades spéciales, se sont installés dans le Parc de l’Amour.
A Santa Maria Coyotepec, les médecins, qui soignaient des professeurs blessés, se sont fait arrêter.
Près de la Place de la Vallée, des personnes qui tenaient les barricades ont vu des groupes de partisans d’Ulises Ruiz piller les magasins "Usines de France", ainsi que d’autres magasins situés près de la station de pompiers.
D’autre part, des éléments de la police fédérale ont pillé et saccagé des commerces dans le quartier de la Place Centrale (On parle de 37 magasins saccagés). Evidemment, ces faits ont immédiatement été attribués à l’APPO, alors qu’il n’y a pas eu un seul vol dans un commerce par des résistants depuis le début de la lutte. On a bien identifié que c’était des policiers fédéraux qui ont saccagé ces commerces, ainsi que le dépot des périodiques, situé près de l’ancien palais du gouverneur.
Mercredi 1er novembre
La PFP a commencé à encercler le campus d’où émet Radio Université. Dans la nuit, la PFP et des convois militaires, ainsi que des groupes de paramilitaires, soutenus par les policiers, ont fait du harcèlement contre les barricades qui protègent la radio du mouvement populaire pour faire tomber l’assassin Ulises Ruiz.
Deux membres de l’APPO ont été brutalement arrêtés et frappés, un fonctionnaire de la PFP les a libérés ensuite, non sans les frapper aussi. Trois personnes mineures ainsi qu’une autre ont été arrêtées sans avoir été libérées.
La population est alors arrivée en masse au carrefour de Cinq Messieurs pour dissuader de manière pacifique trois convois militaires qui voulaient passer en force sur le campus. Dans d’autres points de la ville on prépare des marches en direction de l’Université où les policiers attaquent déjà avec des tancks, des canons à eau et lancent des grenades de gaz depuis des hélicoptères.
Sur l’aéroport d’Oaxaca arrivent 3000 éléments de la PFP. La bataille s’engage sur le campus ; la PFP recule un instant et attaque de nouveau. Entre-temps des policiers ministériels essayent d’entrer sur le terrain universitaire. Au carrefour de Cinq Messieurs il y a plusieurs blessés et d’avantage encore de personnes arrêtées. La PFP lance des grenades lacrymogènes à l’intérieur même des maisons.
Dans la ville de Mexico, l’APPO et des sympathisants ont bloqué de manière indéfinie l’axe central « Lazaro Cardenas » à la hauteur du centre ville. Les médias corporatistes, notamment Televisa et TV Aztèque, sont des complices de l’occupation militaire à Oaxaca.
Jeudi 2 novembre
Le matin du Jour de Morts, des forces fédérales ont encerclé complètement le campus. Après plus de 7 heures de confrontation, des milliers de personnes ont réussi à contenir l’avance des forces fédérales qui sont soutenues par des brigades de policiers ministériels encore au service du gouverneur. Comme il fallait s’y attendre, les autorités policières ont informé que leur « objectif a été atteint » alors que le Secrétariat de la Sécurité Publique a fait diffusé de fausses informations.
À 21 h, le rapport préliminaire note 50 personnes blessées (10 policiers fédéraux inclus), ainsi que 30 détentions arbitraires.
L’appareil policier avec des milliers d’hommes en armes, des buldozers, des tanks, des hélicoptères et des gaz lacrymogènes n’ont rien pu faire contre la volonté du peuple en lutte.
Dimanche 5 novembre
Tandis que les barricades ont été renforcées partout, et notament autour du campus, la PFP reste sur la place du Socle. Mais une énorme manifestation s’ébranle à 10h, c’est la 6e mégamarche avec près d’un million de manifestants qui réaffirment leurs exigences de voir partir de l’état d’Oaxaca le tyran Ulises et les forces de répression de la PFP !
Vendredi 10 Novembre
Compte-rendu du congrès de l’APPO qui s’est tenu du 10 au 13 novembre
Le Congrès constituant de l’Assemblée s’est ouvert le vendredi 10 novembre. Il avait pour but de définir, autour de trois thèmes de discussions, les perspectives, les principes, le programme et le plan d’action, à court, moyen et long terme, de l’Assemblée, puis de désigner les membres qui formeront le Conseil de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. Ce Conseil des peuples d’Oaxaca, constituera la direction collective permanente de l’Assemblée, elle sera l’organe de coordination et de représentation de l’APPO.
Le Congrès s’est tenu dans une salle des sports, surchauffée en milieu d’après-midi, froide la nuit, qui se trouve à la sortie de la ville. Les délégués des sept régions de l’État d’Oaxaca et des différents secteurs de la société composant l’Assemblée formaient le corps du Congrès, huit cents au début, un peu plus de mille sur la fin, ils avaient un carton orange et eux seuls avaient le droit de vote, puis venaient les invités munis d’un carton jaune (les invités avaient le droit à la parole, mais non au vote) et la presse, autre carton, qui a dû sortir dès le commencement des débats. Interdiction était faite de sortir avant la fin des débats, sauf pour les invités, qui, dans ce cas, ne pouvaient pas revenir. L’alcool et les armes à feu étaient interdits, ainsi que les appareils photo. Un comité de vigilance veillait au bon respect des règles et cherchait à éviter l’infiltration de gens indésirables. Au dernier jour, nous avons été retardé par la découverte de faux délégués, qui avaient présenté une « feuille de route » suspecte. En général, les gens, par délégation, se connaissaient, et il était difficile de se glisser à l’intérieur d’une délégation sans soulever des interrogations. Cela dit... Certains délégués, venus des régions, ont apporté leurs couvertures et dormaient sur place. Petits déjeuners, repas du midi et du soir étaient prévus, en outre les habitants des quartiers et des barricades apportaient à manger dans des camionnettes ou des autos particulières, qu’ils distribuaient à l’heure de la comida. Le repas de midi se faisait dehors sous un soleil assassin et la file était interminable.
Les Indiens, les jeunes et les femmes étaient un peu perdus dans un monde d’hommes, d’adultes et de métis. J’ajouterai que le monde paysan était sous-représenté au profit du corps enseignant. Pourtant, ces minorités issues des colonies, des barricades et des communautés villageoises vont marquer d’un esprit nouveau l’Assemblée populaire face aux traditions de lutte des militants marxistes, qui constituaient tout de même le gros morceau de l’Assemblée. Durant toute la durée du congrès, ces deux formes de pensée vont s’affronter, mais aussi s’écouter, pour finir par conclure une forme d’alliance, un pacte provisoire : les militants ayant parfois été sensibles à ce qui constitue le fondement de l’Assemblée et lui donne un sens, la communauté ; les jeunes libertaires, les habitants des colonies et des villages reconnaissant, semble-t-il, la capacité d’organisation et de convocation des militants issus des formes historiques de la « lutte des classes ». En fin de compte ce que cherche l’Autre Campagne zapatiste, l’alliance entre le mouvement indien et les forces d’opposition au monde capitaliste, semble se concrétiser ici avec l’APPO. Cette union ne se fait pas sans grincements de dents, torsions et contorsions, ce qui donne à l’Assemblée une tournure complexe et parfois ambiguë, elle est populaire, ce qui convient à l’esprit marxiste et léniniste, mais elle est aussi l’assemblée des peuples d’Oaxaca, ce qui lui donne un tout autre esprit.
La première journée a été en grande partie occupée à enregistrer les délégués et les invités, et le congrès n’a véritablement commencé qu’au début de l’après-midi. Les sept présidents et vice-présidents, les quatre rapporteurs et les dix scrutateurs chargés de la direction du congrès ont été désignés par les délégués, chaque région devant nommer trois représentants. La règle du consensus a été retenue et le programme des trois tables de travail a été présenté. Durant cette journée, à travers des discussions, des idées ont pu se préciser : maintenir l’unité entre les forces qui composent l’Assemblée, entre un mouvement anti-autoritaire et spontané et un mouvement organisé ; des concepts comme la révocation des mandats, la démocratie participative, l’initiative citoyenne, du « mandar obedeciendo », la reconnaissance des droits indigènes, une éducation multiculturelle, l’égalité des genres, ont été avancés, qui devaient définir et rappeler les grands traits de l’Assemblée.
Samedi 11 Novembre
La deuxième journée du congrès a été plus consistante, avec la tenue des trois tables de discussion autour des thèmes suivant :
Table 1, analyse du contexte international, national et régional, à l’intérieur duquel se constitue l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca.
Table 2, la crise des institutions : pour une réforme intégrale de l’État libre et souverain d’Oaxaca, pour un nouveau gouvernement, une nouvelle constituante et une nouvelle constitution.
Table 3, l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca, perspectives, déclaration de principes, statuts et buts, plan d’action à court, moyen et long terme.
Nous avons assisté à la table numéro 3, les résolutions et les propositions de la première assemblée des peuples d’Oaxaca, qui eut lieu fin septembre, ont été reprises dans leur ensemble, ce sont en général des déclarations de principes, qui n’ont de sens que s’ils sont réellement appliqués, ce qui est encore à voir. Retenons le principe de la révocation des membres élus du Conseil, que toutes les décisions prises par l’APPO devront être analysées et discutées par la base, le consensus sur les décisions, le service ou tequio, le « mandar obedeciendo »... Nous retrouvons ce caractère de généralité quant aux propositions concernant le programme de lutte, souveraineté nationale, pour un nouveau modèle de développement économique, pour une démocratie populaire, pour la justice sociale... Je vous laisse deviner le contenu de tous ces paragraphes, je retiendrai le droit à la terre pour les femmes indigènes et le respect de la médecine traditionnelle et des médecins et des sages-femmes indigènes ; et puis chacun y a été pour de nouvelles propositions de principes ou de luttes ou pour confirmer et préciser les propositions existantes, insistant sur l’horizontalité des rapports, les radios communautaires, le système des charges, une cinquantaine de personnes sont ainsi intervenues, chacune d’entre elles exprimant, dans une certaine confusion entre réformisme et radicalité, ses préoccupations et ses idées.
Au cours de toutes ces interventions, se dessinaient peu à peu les trois courants qui allaient s’affronter le lendemain : le courant que j’appellerai « magoniste » et qui s’appuie sur les pratiques et les règles de la vie communautaire (souvent, d’ailleurs, la communauté est mise en avant comme une simple référence, un peu abstraite, par de jeunes libertaires venus des barricades), le courant « révolutionnaire » marxiste-léniniste, qui tourne autour du concept clé de pouvoir populaire, et un courant plus souterrain, moins visible mais qui pointe parfois le bout de son nez, le courant réformiste proche du Parti de la révolution démocratique et de la Convention nationale du même nom.
Dimanche 12 Novembre
La troisième journée a été consacrée au débat, à partir de l’analyse des résultats ou conclusions des trois tables, et ce ne fut pas une mince affaire, tentatives de manipulation ou l’art de faire passer en force ou en douceur des propositions inacceptables pour la majorité des délégués. Usure, résistance, acharnement, fatigue, les militants des partis politiques et en particulier du PRD, ressortaient de leurs sombreros tous les vieux procédés usés jusqu’à la corde pour faire accepter l’inacceptable. Pris dans la tourmente le bateau du congrès a tenu bon, malgré quelques voies d’eau qui n’ont pu être colmatées à temps. Il s’agissait ensuite de nommer les membres du Conseil, la règle de pas moins de 30 % de femmes ayant été acceptée et retenue par la majorité : dix hommes ou femmes pour chacune des sept régions à l’exception de la Vallée centrale, où se trouve Oaxaca, qui sera représentée par vingt délégués auxquels s’ajouteront les représentants des différents secteurs (de 3 à 5 par secteur) : colonies et quartiers, barricades, femmes, organisations civiles, organisations des peuples indigènes, syndicats, autorités municipales, jeunes et étudiants, paysans et producteurs, religieux, commerçants, secteur culturel et artistique, intellectuels. Tout le monde y retrouvait son compte finalement et il y eut plus de 260 membres nommés pour deux ans. Remarquons que les délégués de la Sierra Norte au Congrès, conséquents avec leur tradition communautaire, n’ont pas nommé de membres au Conseil, laissant ce soin à l’assemblée régionale, qui se réunira prochainement à Guelatao.
Lundi 13 Novembre
Trois jours plus tard, le lundi 13, à 4 heures du matin, après d’âpres disputes, interrompues par des discours de soutien venus de toute part, la recherche opiniâtre du consensus et quelques tentatives de manipulation, le Congrès avait atteint ses objectifs.
Jeudi 16 Novembre
Viol d’une femme de la part des CRS mexicains
Une femme a publiquement dénoncé avoir été abusé sexuellement par des éléments de la PFP (Police Fédérale Préventive, les CRS mexicains).
La femme, âgée de 48 ans, s’est montrée indignée par l’abus sexuel commis par un groupe de policiers, qui occupent le centre de cette ville depuis le 29 octobre (date à laquelle ils ont été envoyés par le gouvernement de Vicente Fox, pour "rétablir la sécurité publique" à Oaxaca.)
Selon le témoignage, ces faits se sont déroulés aux alentours de 15 heures ce jeudi 16 novembre, entre la rue de Macedonio Alcala et Morelos. En cherchant à passer un barrage, l’un des policiers lui coupe la route et lui dit « je vais te contrôler ».
Elle répond que la seule chose qu’elle porte c’est une chemise avec des documents, de l’argent et des clés dans une des poches de son pantalon ; toutefois, trois policiers suplémentaires viennent l’entourer puis la portent, accompagnés d’autres membres du groupe.
« Tous ont commencé à me toucher, m’ont touché mes seins et le vagin ; ont approché leurs bouches de la mienne, en disant des insanités. « Ils sentaient mauvais et ne cessaient pas de se moquer de moi », explique la femme en larmes.
Pendant que dans plusieurs pays du monde on mène une campagne contre la violence faite aux femmes, ici ce sont les policiers eux-mêmes qui font tout le contraire en profitant de leur situation de force pour en abuser et effectuer ces basses oeuvres.
Ils m’ont abusé derrière un container d’ordures, que le gouvernement municipal d’Oaxaca de Juárez a mis à disposition des policiers de façon à construire des barricades : à cet endroit-là, personne ne pouvait se rendre compte de ma situation. « Je crois qu’ils m’ont violé pendant plus de cinq minutes. J’ai demandé de l’aide, mais personne n’a fait cas de moi », a-t-elle rapporté en pleurant, inconsolable et avec une profonde impuissance.
« Les policiers en uniforme ont fini par arrêter de me violer », ajoute-t-elle, « parce que, en plus de ma colère, ils m’ont donné envie de vomir, et ils ont alors reculé » et « j’en ai profité pour traverser l’atrium vers la cathédrale et en arrivant à la place du socle, je me sentais sale et mes jambes pliaient de colère et de peur ».
Elle a ajouté que pour se protéger, elle est alors entrée dans un magasin de tissus, placé entre les rues des Maisons et de Bustamante, dans le but d’aller aux toilettes, « me tranquilliser un peu et appeler mon conjoint. Mais à la sortie du magasin, d’autres membres de PFP ont fait comme s’ils allaient m’arrêter mais ils m’ont seulement lancé des grossièretés ». Cette femme, qui jusqu’il y a peu de temps a été employée gouvernementale, en a déduit que ces policiers étaient au courant que leurs collègues l’avaient violé et l’avait communiqué partout.
« Pourquoi tant de manque de respect des policiers fédéraux envers les femmes ? » déplorait cette femme. À ce sujet, Yésica Sánchez Maya, de la Ligue mexicaine par la Défense des Droits Humains, a regretté que se soit produit ce cas d’abus sexuel pour exhiber l’erreur du gouvernement mexicain d’envoyer les forces fédérales à Oaxaca. « Nous voyons que ceci confirme dans les faits l’état de manque de défense que vivent les habitants d’Oaxaca et c’est là où nous sommes les plus vulnérables ». Il a rappelé le cas des 26 viols constatés contre des femmes de San Salvator d’Atenco, en mars de cette année, et il n’a pas écarté que des abus comme celui subi par cette victime annonce une escalade de faits semblables à Oaxaca.
Il a avancé certaines actions pour faire connaître ce cas : une assistance juridique, dans le cas où la victime considère déposer plainte devant les instances étatique ou les fédéraux, ainsi que la demande d’une possible action urgente dans le cadre de la visite d’Amnisty International, les 20, 21 et 22 novembre.
D’autre part, Aline Castillans, du Consortium pour le Dialogue Parlementaire et l’Équité, a expliqué que selon le Code Pénal - Articles 241 et 241 bis -, cette infraction d’abus sexuel est passible d’une sanction de deux à trois années de prison et que la peine est alourdie quand celui qui commet l’abus est un employé public.
Dimanche 19 Novembre
Avec la digne marche de femmes du dimanche 19 novembre pour dénoncer l’abus sexuel de la Police Fédérale Préventive (voir viol d’une femme par les CRS mexicains à Oaxaca le 16 novembre) et pour refuser sa présence à Oaxaca, la résistance féminine porte son rythme propre. Pour elles, ce qui est urgent est quotidien mais à long terme, on doit développer le changement en profondeur. En tout cas, même si cela se fait plus discrètement, cette marche a montré la lutte irrépressible des femmes.
Lundi 20 novembre
Une nouvelle manifestation, nommée « Autre marche », a été appellée par l’Assemblée Populaire des Peuples d’Oaxaca est partie vers midi du monument de Juárez pour commémorer l’anniversaire de la révolution mexicaine. La participation de caravanes provenant des régions a grossi cette manifestation, au devant de laquelle marchait des femmes, suite à la manifestation qu’elles avaient décidées la veille contre les abus sexuels policiers.
Tout semblait tranquille, or, près de le place du Zocalo, à 2 heures de l’après-midi, cette manifestation a été attaquée par des éléments de la PFP, cette fois avec des grenades de gaz lacrymogènes et des pierres lancées depuis les clôtures des policiers qu’ils avaient ammassé là depuis des semaines, alors que les manifestants n’avaient que des bombes de peinture. Les manifestants se sont repliés vers Saint-Domingue, lieu permanent de l’APPO, et les bombes de gaz ont commencé à sortir, depuis les terrasses de quelques commerces à Alcala, tout près de là.
Après avoir continué leurs attaques, la PFP commençait à avancer, les manifestants ont alors placé un autobus en manière de barricade. La PFP avançait toujours en lançant encore des gaz lacrymogènes. Cet endroit prisé des touristes s’est reconverti en un véritable champ de bataille. Des jeunes, des femmes et des enfants ont été extrêmement intoxiqués par un gaz très piquant au poivre. Certains ont été traités par le campement médical de l’APPO. Pendant que d’autres continuaient à repousser l’agression policière (ils ont failli se saisir d’un de leurs tanks, d’ailleurs) mais les gaz continuaient à empester l’atmosphère.
Vendredi 24 Novembre
On apprend le transfert de 141 personnes arrêtées à Oaxaca, dont 64 femmes, vers un Pénitencier Fédéral (CEFERESO de San Jose del Rincón), à Nayarit —à quelques 1300 km d’Oaxaca— sous prétexte de « grand danger social ». Dans ce pénitencier, on a interdit aux avocats de rendre visite aux prisonniers d’Oaxaca.
Samedi 25 Novembre
Nouvelle attaque contre la commune de Oaxaca !
Le 25 novembre la Septième Megamarche appellée par l’APPO a essayé d’encercler la place du Zocalo d’Oaxaca, transformée en quartier militaire par la Police Fédérale (PFP) depuis le 29 octobre. Les forces fédérales ont attaqué la manifestation de mobilisation populaire en provoquant des confrontations violentes pendant plusieurs heures dans différents points de la ville, en provoquant des incendies, et la destruction du campement populaire de Saint-Domingue. Le gouverneur Ulises Ruiz Ortiz a visité le centre historique d’Oaxaca, accompagné par des gardes du PRI, par des hélicoptères militaires et des groupes armés ; il a annoncé d’avantage d’actes répressifs principalement contre les barricades de 5 messieurs qui protège Radio Université. Il a été décidé cependant de suspendre la marche, parce que la PFP a étendu ses forces jusqu’à 40 rues autour de la place du Zocalo.
Les postes d’aide médicale, eux aussi, ont été attaqués. Le poste de secours de l’institut des beaux arts a reçu une pluie des grenades de gaz lacrymogène et la PFP en a bloqué les sorties pour que tous proifitent au maximum des gaz lancés. Le frontispice et les murs de la faculté de mèdecine sont criblés de balles, qui ont été tirées à 10 heures du soir, et sont même arrivées à l’intérieur des amphis 2 et 3 ; on ne connaît pas combien de morts ou de blessés il y a eu ce soir-là à cet endroit. Le poste de secours qui se trouvait dans l’Église des Sept Princes a été attaqué par des groupes paramilitaires. L’un d’eux, arrivé dans un véhicule rouge sans plaque, était composé de trois personnes qui ont tiré sur des étudiants.
Dans un communiqué de l’APPO, on apprend que le conflit de ce jour à fait au total 5 morts (dont 3 devant la faculté de mèdecine de l’UABJO) et au moins 125 blessés dont plusieurs gravement. Ce sont finalement 149 personnes qui ont été arrêtées, transférées et sont aujourd’hui détenues au pénitencier à Nayarit. Parmi elles se trouve Juan de Dios Gómez Ramírez, journaliste à Indymedia. Et aussi 25 personnes ont disparues.
Dimanche 26 Novembre
Le gouverneur Ulises rappelle que, pour les 160 détenus depuis le début il du conflit en juin dernier, "no habrá perdón" (il n’y aura pas de pardon), et continue de nier toutes les accusations de tortures.
Mais, pourtant, l’état d’exception continue à Oaxaca. Des recherches illégales sont effectuées dans des maisons et des bureaux. La radio clandestine, « Radio Citoyen », récupérée par des membres du PRI, le parti d’Ulises, offre de l’argent à quiconque assassine des membres de l’APPO et appelle à incendier des bureaux d’organisations de Droits Humains. Un défenseur de Droits Humains a été arrêté et a été torturé. Il y a des ordres d’interpellation contre les 260 membres du Conseil de l’Assemblée Populaire, formé il y a deux semaines dans le Congrès de l’APPO.
Radio Université a fait des reportages constatant des détentions arbitraires contre des jeunes interpellés dans la rue.
En effet, la PFP ayant attaqué dans le secteur des barricades de Cinq Messieurs, ce dimanche 26 novembre, on compte 28 personnes arrêtées, dont 4 adolescents de 14 à 16 ans.
Lundi 27 Novembre
Depuis samedi 25 novembre jusqu’à ce lundi, il y a officiellement 160 prisonniers, bien qu’il ressort du calcul de l’APPO qu’ils sont environ 200. En effet 3 nouvelles personnes ont été arrêtées ce lundi 27 novembre vers 16h, dont une jeune fille française de 22 ans.
L’APPO a annoncé lundi que la lutte ne s’arrêtait pas là et que le campement de Santo Domingo, qui a été détruit par la PFP, allait être réinstallé.
Lundi soir, le bureau d’un des leaders de l’APPO a été dévasté avant d’être incendié. Il n’y a pas encore de précisions sur les personnes à l’initiative de cet acte.
L’APPO avec l’appui d’autres organisations sociales a rédigé un communiqué ordonnant la cessation immédiate de l’opération criminelle
« Operativo Juárez » (qui n’avait en fait comme seul objectif que de libérer la circulation dans Cinq Messieurs et l’avenue de l’Université), la libération de tous les prisonniers,
la présentation de toutes les personnes disparues, la sortie de la PFP
de l’état d’Oaxaca, la retraite de l’Armée mexicaine qui entoure cet
état, la cessation des recherches illégales et brutales dans des domiciles et des détentions extrajudiciaires, ainsi que du possible arasement du terrain de l’Université Autonome Benito Juárez de Oaxaca.
Lundi 27 novembre, pendant la réunion convoquée par l’APPO avec d’autres organisations (comme l’autre campagne, membres du PRD, travailleurs de la culture, pensionnés, documentalistes) il a été décidé la création d’une Commission de Dialogue pour informer des organismes internationaux (comme l’Organisation de Nations Unies, le Tribunal de Haye, Amnisty International, le Parlement Européen, le Comité International de la Croix Rouge, le Vatican) sur la situation qui règne dans l’état d’Oaxaca. Il est demandé expressément d’arrêter la vague répressive par la PFP, la sauvagerie comme jamais, et la barbarie que le gouvernement fédéral met en oeuvre. Il est demandé expressément de reconstituer un état de droit avec des garanties individuelles. Ce qui arrive à Oaxaca, c’est « une gifle, une insulte » pour le peuple.
Mardi 28 Novembre
Antonio García, coordinateur du campement de l’APPO face au Sénat, a informé que pendant le gouvernement d’Ulises Ruiz il y a eu 58 meurtres, durant moins de deux années.
L’APPO a annulé le projet de récupérer la place de Santo Domingo en vue réinstaller un campement populaire, car depuis la répression brutale de la journée du 25 novembre, la PFP a envahi tout le secteur central de la ville autour de la place du Zocalo.
L’attaque de la PFP a fini par détruire les barricades de la gloriette du carrefour des Cinq Messieurs, considérée comme le « dernier bastion » du mouvement populaire qui a aussi souffert des attaques armées contre les postes d’aide médicale.
Une nouvelle personne est arrêtée ce mardi.
Mercredi 29 Novembre
Dans l’après-midi de mercredi 29, les installations de Radio Université « la voix de la Vérité » ont été formellement livrées aux Autorités Universitaires dirigé par le Recteur Francisco Martinez Neri, qui après avoir supervisé les installations a constaté qu’elles se trouvent en bon état de marche. Cette décision a été prise pour protéger l’intégrité physique du personnel de la radio universitaire, après qu’ont été éloignées les barricades au carrefour des 5 Messieurs qui protégeaient ces installations. L’accord avec le Recteur de l’UABJO est de continuer à transmettre seulement pendant le jour.
Vendredi 1er Décembre
Grande manifestation : "pour nos morts, pour nos disparus, pour nos prisonniers".
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Lundi 4 Décembre
Calderon a remplacé Fox en tant que président du Mexique et la répression se fait de plus en plus forte à Oaxaca. Quatre nouvelles personnes sont arrêtées.
Vendredi 15 Décembre
Dans la ville de Mexico, une manifestation pour exiger la libération des prisonniers des luttes de Oaxaca est partie du Monument de la Révolution et est arrivée au Secrétariat du Gouvernement. Cette manifestation, encadrée par la police et l’armée, a été tendue tout du long. S’est tenu aussi un meeting.
Dimanche 17 Décembre
Pendant 7 mois s’est renforcée la rébellion populaire contre la tyrannie et l’autoritarisme en la personne du gouverneur Ulises Ruiz, au sein de la promotion du fascisme larvé dans l’ensemble du Mexique. Les forces fédérales d’occupation qui sont arrivées à Oaxaca pour soutenir le gouverneur, ont commencé un repli partiel sans trop s’éloigner. Aux dénonciations des brutalités policières, l’isolement et les irrégularités juridiciaires commises contre les prisonniers politiques incarcérés à Nayarit, s’ajoutent les attaques contre des défenseurs des droits humains et la réclusion de journalistes indépendants. Des organisations civiles et féministes assurent que l’emprisonnement de 34 femmes « démontre la discrimination, la violence, la misogynie et la criminalisation de la protestation sociale ». C’est dans ce contexte que plus 50 personnes de 6 pays prennent part à la visite de la Commission Internationale d’Observation pour les Droits Humains (CCIODH) à Oaxaca.
Le 17 décembre, 43 personnes ont été libérées sous caution du pénitencier de Nayarit. Ce sont principalement des membres de la section 22 du corps enseignant et du syndicat de l’université d’Oaxaca. Le gouvernement d’Ulises Ruiz a assumé le coût des garanties. Une grande manifestation s’est organisée à Oaxaca pour exiger la libération de tous ceux qui sont encore en prison et pour retrouver tous les disparus.
Mardi 19 Décembre
Les Femmes du "collectif sans Peur" invitent à l’événement « Femmes sans Peur pour Oaxaca, Actions dans l’Art » lequel consiste à faire un marathon artistique dans la ville d’Oaxaca le mardi 19 décembre pour ouvrir une fenêtre de communication avec ses habitants et la communauté artistique, de manière spontanée, pacifique et créatrice, selon que les circonstances le permettent.
Vendredi 22 Décembre
Journée au delà des frontières de soutien au peuple courageux d’Oaxaca et pour la libération de tous les prisonniers. Dans plus de 20 villes du monde entier, on prépare des mobilisations pour le 22 décembre, jour d’action globale en solidarité avec le peuple d’Oaxaca, convoquée par l’EZLN. Le peuple d’Oaxaca exige toujours la démission du gouverneur-tyran Ulises Ruiz, le retrait complet de la PFP (les CRS mexicains) de la ville, la présentation de toutes les personnes disparues, la libération de tous les prisonniers jetés au pénitencier de Nayarit, la libération de tous les autres détenus, l’arrêt des violences policières, la fin de la terreur exercée par l’occupation policière de la ville et la fin de la criminalisation de la protestation sociale.
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