Populaire ou pas, le foot est un cauchemar

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Alors que l’équipe de France vient de se qualifier pour la finale de la coupe du monde 2018, il est de bon ton — y compris chez les militant·es supposément anti-autoritaires —, dans les conversations de couloir et de comptoir comme sur les réseaux sociaux, d’afficher son amour de ce sport "populaire" et de qualifier toute remarque hostile au cirque footballistique actuel de « mépris de classe » ou « d’élitisme ». La critique, ou même la seule mise à distance, du spectacle nationaliste et capitaliste qu’on nous livre semble inaudible. Coup de gueule en forme de lettre ouverte.

Cher·es camarades amateur·es de foot,

Alors qu’on voit fleurir des drapeaux bleu blanc rouge aux fenêtres, dans les magasins et sur les joues des badauds, des ami·es qu’on pensait avoir un peu d’esprit critique se mettent à nous répéter que le foot un sport populaire et formidable, point. Un tweet récent de Mickaël Correia, auteur d’Une histoire populaire du football résume bien la rengaine à la mode chez nombre de camarades : « Plus que jamais, face au mépris et aux poncifs anti-foot, rappeler que le football est avant tout une culture populaire et un outil d’émancipation et de subversion politique pour des hommes et des femmes de tout pays ». Le poncif, je le vois plutôt dans cette phrase, et franchement, ça devient fatigant. Alors quelques éléments sur le caractère émancipateur du foot :

  • Commençons par rigoler un peu avec les origines du foot. Au départ, c’est un sport d’aristo et de bourgeois anglais. Et pourquoi décident-ils de le refiler au peuple ? Parce qu’au dix-neuvième siècle, occuper les ouvriers des industries en montant des clubs, c’est s’assurer, selon le bon vieux principe « du pain et des jeux », qu’ils occupent leur temps à autre chose que discuter au bistrot où potentiellement s’organisent les grèves et les révoltes. Par exemple, le club londonien d’Arsenal était originalement celui d’une manufacture de canons, la Royal Arsenal (d’où son nom et logo actuel). Ouais, ouais, le foot comme on le connaît a été introduit chez les ouvriers dans un rôle de pacification sociale. Et l’esprit populaire de la soule de disparaître au profit du foot. Pour l’anecdote, en France l’Église a bien accompagné le mouvement, en défendant notamment le foot contre le rugby car le second, avec ses multiples contacts, n’était pas assez viril aux yeux des curetons. Paye ton émancipation !
  • Au passage, comme la plupart des sports, le foot se joue par genre. Et le foot féminin n’a aucun quasiment espace, ni médiatique, ni dans les clubs de quartier. Là encore, ça respire l’émancipation.
  • On nous répète aujourd’hui que le foot business, façon Jean-Michel Aulas ou Coupe du monde, serait critiquable mais bien éloigné des pratiques amateures. Ce serait peut-être vrai si les petits clubs comme les formations sport-études de nos collèges n’avaient pas avant tout pour but de constituer un vivier pour le plus haut niveau, quitte à fracasser des dizaines de milliers de gamins dans les filtres de sélection (notamment les sélections départementales et régionales qui commencent dès le plus jeune âge). Ce serait aussi davantage vrai si, dans ces petits clubs, on n’entretenait pas sciemment la fascination des mômes comme des adultes pour les superstars et leurs équipes.
  • Quand on dit ça, à Lyon, on cite souvent comme exemple le club de Saint-Etienne, qui serait un club populaire, un vrai. Ce n’est peut-être pas tout à fait faux si on regarde la composition sociale du public du stade... mais c’est quand même une opération de com’ super pour un industriel. Le vert qui fait l’image de la ville est en effet celui de la chaîne de supermarchés Casino, le fondateur du club (qui joue toujours dans un stade qui porte le nom du fondateur de Casino, Geoffroy Guichard). Caramba, encore une histoire d’émancipation frelatée.
  • Revenons aux petits clubs de villages et aux cours d’école. Un de leurs autres points communs avec les grands clubs ou les équipes nationales, c’est que s’y transmettent aussi les belles valeurs du foot : la compétition, la loi du plus fort, le machisme, l’homophobie et le nationalisme. Au départ, il y a le fait qu’au foot, comme dans n’importe quel autre sport, l’objectif unique c’est de gagner. D’ailleurs, quand un match se termine à égalité on dit qu’il est « nul ». Bah oui, l’égalité, c’est nul [1]. Au plan individuel aussi, le foot est inégalitaire : il classe et valorise ceux qui courent plus vite, voient mieux, sont plus adroits, plus grands, plus forts, plus musclés... En fait, le foot, comme sport, est une anthropométrie (il classe les humains entre eux). Le gamin ou la gamine qui n’est pas assez performant·e n’est vite plus convoquée aux matchs par son entraîneur, ne se voit plus proposer par ses camarades de classe de jouer à la récré, ou est choisi·e en dernier·e quand le meilleur de la classe fait les équipes pendant le cours de sport. Le but au foot, c’est d’écraser les autres, tant pis si on en casse aussi dans son propre camp.
  • Dans son club de village, l’ado ou l’adulte un peu gauche regarde les autres jouer, on dit « qu’il cire le banc » et ce n’est pas une formule flatteuse. Et puis, à l’école comme en club, le petit garçon pas très bon au foot ou pas très à l’aise avec son corps se voit vite qualifier de « bouboule », de « femmelette » ou de « pédé ». La petite un peu trop douée sera tout aussi rapidement qualifiée de « garçon manqué » ou de « gouine ». Le machisme et l’homophobie, ça va avec le foot, populaire ou pas, ce n’est pas une déviance de sa version commerciale. Et il en va de même pour les injures et préjugés racistes qui arrivent aussi vite (du « noir qui court vite » au « rital qui triche »). J’ai beau chercher l’émancipation là-dedans, je ne vois pas bien où elle est.
  • Le racisme, on s’en souvient, le foot était censé l’avoir mis à mal avec l’épisode de la coupe du monde 1998 et le fameux slogan « black blanc beur ». On commence d’ailleurs à nous le ressortir cette année. Je ne vais pas vous rappeler le contexte, mais en 1998, le foot n’a freiné ni les violences policières, ni le décollage des charters, ni la montée du FN et de ses idées... On verra bien si en 2018 il pousse Collomb à la démission.
  • Question. Est-ce un hasard, ou un dévoiement, si le foot est un sport qui n’a eu de cesse de servir la propagande nationaliste et capitaliste ? Ou alors est-ce lié au fait que les valeurs du foot et celles de ces systèmes économiques et idéologiques sont compatibles ? Je demande, hein. Vous avez deux heures...
  • Pour finir ce portrait au vitriol, revenons à un élément tragique. Les matchs de la Coupe du monde ne génèrent pas que des cris de joie de supporters avinés et des résurgences nationalistes à base de drapeaux et de Marseillaise, ils conduisent aussi à une augmentation des violences faites aux femmes. On s’en doutait, une étude anglaise l’a confirmé. Elle a été suivie d’une campagne d’affichage baptisée « Si l’Angleterre est battue, elle le sera aussi ». L’étude montre les violences domestiques augmentent les soirs de matchs : de 26 % en cas de victoire de l’Angleterre et de 38 % en cas de défaite. En cause : la tension et la violence entraînée par le match et l’alcool ingéré en le regardant. Il n’y a aucune raison que la situation soit différente en France ou ailleurs. Encore une histoire d’émancipation qui tourne mal ?
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Banderole sexiste des supporters de l’Olympique Lyonnais, le 28 janvier 2017

J’imagine que cette lettre tranchante va se faire sabrer parce qu’elle est simpliste et qu’on lui reprochera aussi de sombrer dans « l’élitisme » ou « le mépris de classe ». Pour le simplisme, je plaide coupable, ce texte n’est pas une thèse universitaire ou un bouquin à la Découverte, c’est sûr. Mais au moins ça contrebalance un peu le flot unanime de célébration de l’unité populaire, flot qui ne brille pas non plus par sa subtilité. Par contre, pour le mépris de classe, prière de repasser. Quelques réflexions pour la route :

  • Réduire toute critique à du « mépris de classe », c’est refuser de voir que nombre de critiques émanent, précisément, de personnes d’extraction sociale modeste et s’appuient, précisément, sur leur vécu en milieu populaire. C’est aussi fournir un paravent bien pratique pour empêcher la critique des comportements virilistes qu’adoptent tout un tas de supporters, quelle que soit leur classe sociale.
  • Renoncer à tout jugement critique sous prétexte qu’une activité serait populaire, c’est nier au « peuple » sa capacité à faire des choix éthiques et politiques. C’est donc, en leur refusant d’avoir à répondre de leurs actes sur ces plans, exclure les classes populaires des interlocuteur·es légitimes. Vous le sentez ce bon vieux relent paternaliste ? Voici bien le paroxysme du mépris de classe.
  • Réduire toute critique du foot à du « mépris de classe » revient à essentialiser l’amour du ballon rond à une propriété des classes populaires et, pire, à leur associer la violence, le racisme et le machisme qui vont avec. Le mépris de classe se situe, précisément, dans le fait de se taire, sous couvert de respect du « populaire », sur les élans virilistes et nationalistes qui imprègnent l’ambiance actuelle. Sans déc’, on dirait la bonne vieille rengaine qui voudrait que la critique des dominations sexistes ou racistes divise les travailleur·es...

Ami·es camarades amateur·es de foot, regardez les matchs si vous aimez le spectacle, profitez-en entre potes si cela vous plaît. Mais, de grâce, arrêtez de maquiller vos petits plaisirs de téléspectateur·ices en position politique ou en posture sociale. Ce n’est pas parce que vous aimez le foot que ça fait de vous des prolétaires, et inversement. Allez, je vous laisse avec ça : le football est à l’émancipation collective ce que le travail salarié est à la libération individuelle, une imposture.

François Remetter

PS : si dimanche soir vous pouviez éviter de pisser sur ma porte et de brailler la Marseillaise sous mes fenêtres, ce serait un plus.

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Le mépris de classe à la lyonnaise, en direct du stade Geoffroy Guichard

Enfant, je n’aimais pas le foot. Mon père était chauffeur routier puis gardien de prison. J’ai vu ma mère valser d’un emploi à l’autre : secrétaire, manutentionnaire, femme de ménage. Au collège, j’étais ce « sale pédé » qui n’aimait pas le foot.
Adulte, je n’aime toujours pas le foot. Je n’attaque pas ceux qui l’aiment, j’ai regardé des matchs, parfois, et je comprends que l’on puisse s’y intéresser. Mais le système, les milliards d’euros en jeu, ça me repousse.
Je suis écrivain, je reçois des messages me disant que je n’aime pas le foot parce que j’exprime un mépris de classe.
Alors j’ai juste un message pour ceux qui jugent et qui englobent et qui simplifient : allez vous faire cuire le cul.
Merci de votre attention.
Eric Pessan

P.-S.

Une histoire populaire du football, l’ouvrage de Mickaël Correia (qui participe à CQDF et Jef Klak), publié il y a quelques mois, est venu opportunément donner une justification politique et intellectuelle au fait d’aimer le football à pas mal de camarades antiautoritaires. Ce livre a d’indéniables qualités et raconte de belles histoires. Sauf qu’en refusant de regarder les aspects peu reluisants du football, ce livre donne une image de ce sport qui nous semble franchement éloignée de son incarnation réelle dans la vie de pas mal d’entre nous pour qui le football est moins un vecteur d’émancipation que d’oppression (sous les formes décrites dans cet article notamment). Pour rééquilibrer, on conseillera la lecture du bouquin de Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, Le football, une peste émotionnelle, ou le dossier « On hait les champions » de (feu) la revue Offensive.

Notes

[1Pour les mal-comprenant·es qui réagissent sur cette touche d’ironie : oui, qualifier de nul un match sans gagnant·e ni perdant·e, c’est sous-entendre que cette partition est nécessaire à l’intérêt du jeu.

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  • Le 17 juillet 2018 à 23:18, par Marie

    Super texte, merci !
    Ça met en mots pas mal de choses que je ressentais un peu confusément.

  • Le 17 juillet 2018 à 18:35, par

    Venant des Minguettes et ayant de la famille dans le 94, j’ai peur que votre vision décrite dans le commentaire du 17juillet a 00:02 soit (en partie) un doux rêve. Comme disait Pierre Bourdieu dans « La sociologie est un sport de combat », après avoit été discuter avec des jeunes du Val-fourré à Mantes-La-Jolie : « Bruler des voitures ce n’est pas un problème en soi, mais il faut qu’il y ait autre chose derrière, sinon ça ne sert à rien » or cet « autre chose » ne vient jamais... La défiance à la police oui, en tout contexte (fête ou autre),la crainte réelle de cette police parce que noirs de peau aussi (affaire Théo, Curtis à Massy, et tant d’autres) les rassemblements pour honorer la mémoire aussi, mais la défiance à Emmanuel Macron, ou à l’ultra capitalisme, certainement pas...Il arrive même qu’ils adhèrent à l’idéologie en question sans en avoir pleinement conscience (que ce soit par l’intermédiaire de certains rap, de la vision foot-buisness, etc) on fait trop aveuglement des gens de banlieues des gens ’purs’ d’intentions (ou des voyous dans l’autre sens), sous le prétexte qu’ils sont noirs ou basanés et l’interlocuteur souvent blanc et venant de l’extérieur. En tant que basanée, je trouve cela naïf dans un cas comme dans l’autre. Il y a la même dose de gens super et d’abrutis complet que dans toute autre couche sociale et toute autre couleur de peau... Par contre, il est certain que comme vous le dites les métropoles et notamment Paris, ne voient pas d’un bon oeil l’afflux des banlieusard vers les centres villes passé une certaine heure, et c’est bien le symbole d’un malaise, absolument, mais ce n’est pas pour autant que les jeunes de banlieues ne sont pas ultra habitué(e)s à venir sur Paris la nuit pour faire la fête. (Je vous donne un autre exemple : à Marseille les quartiers populaires sont dans la ville et non à la périphérie comme à Paris Lyon etc, ce n’est pas pour autant que ça change quelque chose du point de vue de la conscience politique...)

  • Le 17 juillet 2018 à 18:25, par

    Salut, ici l’auteur,

    Quelques éléments de réponse publiée le 15 juillet à 23:59

    Sur l’histoire du foot, je maintiens ce qui est écrit dans le texte (qui parle de la soule hein, il n’y a pas de contradiction de fond avec votre extrait de wikipédia). Je ne m’essaierais pas à définir la fiabilité de Wikipédia, qui semble en général être très bonne. Et ça semble être le cas de cet article. Sauf que ça dépend de ce qu’on nomme foot et quand on parle de ce dont il est question dans mon texte, votre citation de wikipédia s’arrête un peut tôt, c’est-à-dire en fait, avant la création de ce qui est nommé foot dans cet article. C’est dommage, Wikipédia raconte sa naissance et sa normalisation dans le paragraphe suivant... c’est en fait votre lecture qui n’est pas très fiable.
    Petites précisions et nouvelles sources : les jeux de ballon au pied étaient des sports populaires, je parle (certes très très vite) de la soule dans l’article, c’est vrai. Mais le foot c’est à dire le jeu de ballon que nous connaissons aujourd’hui avec ses règles normalisés est le fruit de l’action des aristo et des bourgeois anglais. Ca semble faire consensus chez les historiens aujourd’hui. C’est l’occasion de cite Mickaël Correia, un chapitre de son bouquin en parle. Coup de bol, il est accessible sur le site de Jef Klak et y a plein de ref dedans : http://jefklak.org/et-le-football-fut/
    Chez les plus enthousiastes que moi, je te renvoie aussi vers une vidéo de Mathilde Larrère intitulée « Des nobles aux prolos, une histoire sociale du foot », qui aborde l’invention du foot, le rôle des industriels et aussi ses réappropriations populaires : https://www.arretsurimages.net/chroniques/arrets-sur-histoire/des-nobles-aux-prolos-une-histoire-sociale-du-foot

    Je ne comprends pas votre remarque sur les football féminin, si ce n’est qu’elle ressemble à une tentative désespérée de trouver des failles à mon texte. Je n’ai aucune admiration pour quiconque et me borne, contrairement à ce que vous semblez déceler, à dénoncer le faible espace qui est dévolu au foot féminin comme une marque supplémentaire de l’idéologie inégalitaire que ce sport transmet.

    Et je vous re-cite pour rigoler un peu avec votre version de ce que j’ai pu largement lire dans les réseaux sociaux à propos de mon texte et qui peut se résumer en « le racisme et l’homophobie ne sont pas propre au football, le football n’est qu’un reflet de la société, pourquoi tu t’en prends à ca ? »

    Le football n’a pas non plus à porter sur ses épaules le racisme et le sexisme dégueulasse ambiant qui traine en France. Le foot n’a rien arrangé, je ne dis pas le contraire, mais ça n’a jamais été son rôle.
    Les salauds qui critiquent les enfants qui ne sont pas sportifs, c’est la même chose. Ça arrive dans tous les sports. Ça arrive aussi à de nombreuses occasions se faire gueuler dessus parce qu’on n’a pas le niveau, avec les managers d’un Mc Do qui gueulent sur un employé par exemple. C’est désolant. Mais je ne vois aucunement en quoi c’est propre au football.

    Ce raisonnement est inepte pour deux raisons. 1. Le foot contribue à transmettre ces valeurs, il est donc responsable de leur perpétuation dans la société. 2. Surtout, il n’est pas, d’un côté, une société abstraite et, de l’autre, des champs (acteurs, situations, actions) qui en seraient les reflets. Le foot est un champ, une composante de la société, comme le cyclisme, le monde du travail, le couple ou le militantisme anar... En dehors du plaisir de la réflexion ou de la rhétorique et de la nécessité de la construction théorique, il est assez inutile d’attaquer un phénomène (le racisme, le sexisme, l’homophobie) sans attaquer les champs où ils s’appliquent. Oui, c’est la domination patriarcale qui est la première cause du sexisme dans le foot et des multiples agressions sexuelles qui ont eu lieu la nuit de la victoire de l’équipe de France. Mais sans champ, le patriarcat n’existerait pas. Si l’on ne peut pas dénoncer les champs, et choisir d’agir sur eux ou de les déserter, alors on n’agit sur rien. En gros, dire que tel ou tel champ n’est qu’un reflet, c’est accepter de refuser de critiquer et de combattre les phénomènes qui s’y produisent et reproduisent. S’il n’y a que des reflets, alors où est le problème ? Pour rigoler, essayer deux minutes d’appliquer ce "raisonnement par reflets" au racisme de la police. J’espère que vous vous rendrez compte de son ineptie.
    Le football, en tant que structure, et ses acteurs sont pleinement responsables des valeurs nationalistes, virilistes ou homophobes qu’ils diffusent. Et ils doivent alors être dénoncés et combattus comme tels. Le foot n’est pas un reflet d’une société abstraite mais une part de cette société, une jolie part même vu son exposition médiatique et le nombre de pratiquants amateurs.

    Merci de m’avoir fait grâce du mépris de classe, c’est bien aimable à vous.

    Bisous

    François Remetter

    PS : au-delà de cela, je me retrouve parfaitement, sur le foot a l’école et le rapport à la virilité qu’il trimballe, dans le texte « Mais alors, tu n’aimes pas le foot ? » de Christian Andreo publié sur son blog hier matin (16 juillet) et posté en commentaire ici (je remets le lien : https://blogs.mediapart.fr/christian-andreo/blog/160718/mais-alors-tu-naimes-pas-le-foot).

  • Le 17 juillet 2018 à 00:02, par

    Oui, et en même temps, les jeunes "de banlieue", ceux à qui l’État interdit le centre des villes de manière plus ou moins directe (coupure des moyens de transport ratp entre paris et les quartiers périphériques hier à 18h, difficulté d’accès en général, prix, contrôles etc), ces jeunes ne se sont pas trompés de célébration. Ils n’ont pas forcément célébrés la France et l’État, mais l’équipe et ses joueurs à qui ils s’identifient.
    Ils ont fait de ce moment festif et populaire, leur moment propre, une occasion de déferler sur les centres et de s’approprier l’espace public comme ils l’entendaient, pour une fois, à l’abri de la foule en liesse. Ils ont créé de ce fait un moment d’existence politique face à une certaine idée de l’ordre (social, et de son maintient par la force) imposé par l’État et la société, qui par ailleurs les méprise quotidiennement et les exclus socialement.
    Il était étonnant de voir avec quelle jubilation les (très) jeunes des « quartiers », qu’on ne voit jamais représentés, qu’on voit peu dans les manifestations, étaient au premier plan dans l’effervescence populaire, à travers la totale liberté de circulation des véhicules et scooters, l’incendie de certains objets publics, l’ostentation des drapeaux des origines ascendantes, l’hostilité face à la police et le refus de se soumettre aux gaz des CRS. Le « nik la police » des « quartiers » disait la même chose que le « tout le monde déteste la police » des mouvements sociaux, dans une défiance toujours plus importante et montante du pouvoir « démocratique » en France.
    A chacun ses possibilités d’exister comme sujet politique, à chacun ses expressions et ses terrains de contestation politique.
    Je crois que pour certains, ce moment s’est annoncé comme plus que la célébration béate d’une victoire footballistique. Cette célébration était même peut-être plutôt une occasion, un prétexte pour se faire voir et entendre, contre l’ordre social dominant.
    Les autres (pour lesquels je partage l’avis critique du comportement identitaire qui sert le capitalisme nationaliste bourgeois), blancs et/ou socialement privilégiés, n’ont pas compris cette manière de s’exprimer face aux forces de maintient l’ordre social (car ces gens n’en sont pas les premières « victimes »).
    Les médias l’ont caché ou minimisé, et les villes ont pris soin de faire disparaître toute trace pendant la nuit.

    https://www.lemonde.fr/mondial-2018/video/2018/07/16/coupe-du-monde-2018-des-images-de-violences-apres-la-finale_5332202_5193650.html

    https://paris-luttes.info/paris-la-ratp-et-la-prefecture-10612

  • Le 16 juillet 2018 à 13:09, par

    Je ne peux pas saquer le foot parce que pour les garçons comme moi, qu’on disait « sensibles » le foot, qu’il se pratique dans la cour de récré ou au menu officiel du programme d’« Education Physique & Sportive » était une épreuve.

    Entendons-nous bien : le foot, dans le sud de la France comme ailleurs sans doute, ce n’est pas le badmington, ce n’est pas le volley, personne ne te filera des baffes et te traitera de tafiole parce que tu ne sais pas jouer au volley.

    Le foot en milieu scolaire, pour moi, c’était une épreuve qui n’avait rien de sportif. Et qui se répétait, presque chaque jour, chaque semaine. Une véritable école de la violence et de l’humiliation sous le regard bienveillant et complice des professeurs d’EPS.

    « Tu joues comme une tapette ».

    Je n’ai jamais considéré cela comme de l’homophobie, je ne savais même pas ce que cela voulait dire, j’étais bien trop jeune. Et pourtant je l’ai entendu, encore et encore. C’est comme « enculé », sur le stade comme dans les tribunes, ça leur sert de virgule.

    Le foot à l’école, ou la revanche des caïds de cours de récré sur les garçons sensibles, confinés sur le banc de touche avec les gros, les binoclards et tous les déclassés de la hiérarchie du ballon rond de proximité. Ce qui peut t’arriver de mieux c’est de ne pas jouer, car tu es toujours choisi en dernier par les stars du onze du moment. Mais malheur à toi si tu participes quand même avec tes deux pieds carrés, car à l’insulte s’ajoutera la charge physique, les coups de coude et les coups de pieds – mais bien sûr, c’est le jeu.

    « C’est le métier qui rentre » : alors que tu suffoques, plié den deux, le souffle coupé par un coup de coude judicieusement placé. Ce prof d’EPS a définitivement validé mon absence de super pouvoir : si j’avais été un X-Man, son bulbe aurait explosé sous la déflagration de mon attaque psychique.

    Las, je suis finalement chauve mais pas le Professeur Xavier pour autant.

    Et les années se succèdent.

    https://blogs.mediapart.fr/christian-andreo/blog/160718/mais-alors-tu-naimes-pas-le-foot

  • Le 16 juillet 2018 à 00:52, par Djamilla

    J’aime bien le foot (et féminin, il faut d’ailleurs noter que l’equipe de l’OL est l’une des meilleures au monde et que Jean-Michel Aulas, tout haut représentant du foot-business qu’il soit, a aidé le foot féminin a sortir un peu de l’anonymat) mais par contre j’avoue ne pas comprendre ce qui peut bien susciter autant de joie dans le fait de gagner une coupe du monde, ou n’importe quel autre trophée ? C’est un mystère. Et presque partout dans le monde (les Usa sont un des rares pays où la mayonnaise ne prend pas encore, ils considèrent justement que c’est avant tout pour les filles, qui sont parmi les meilleures nations du monde en foot féminin. Je me disais que peut être il leur est pénible de regarder un sport où ils ne sont pas les meilleurs et respectés de tous, comme au Basket par exemple).
    Que ce soit en Afrique, en Amérique du sud, en Asie désormais (en Inde c’est la même chose avec le Cricket) c’est partout les mêmes scènes de joies et de liesses lors d’une victoire...ce sentiment d’avoir « gagné » de crier, de klaxonner, mais gagné quoi !? Au détriment de qui ? Ce n’est pas faire injure aux supporters de foot, que de remarquer que dans l’histoire, les seules scènes semblables au niveau national, se produisaient lors des fins de guerres victorieuses, (ce qui pouvait aussi s’expliquer par le sentiment de voir la fin des privations, de la répression, du danger d’être arrété ou tué etc. alors que là il n’y a rien de tel)

  • Le 15 juillet 2018 à 23:59, par

    Sur la partie "commençons par rigoler un peu avec le foot", quelles sont tes sources exactement ?
    Ci dessous, Copié collé du Wikipédia sur l’histoire du foot, qui dit tout autre chose. Tu vas me dire "Ah ben wikipedia c’est pas fiable". Il y a plus d’une dizaine de sources, et de références historiques.

    Au sujet des femmes footballeuses, le football étant un cauchemar, pourquoi les joueuses de football mériteraient à tes yeux plus de respect que les hommes ? Après tout, elles aussi jouent à ce même jeu, elles aussi admirent les stars de leur sport. La fameuse égalité qui est si méprisée pour toi dans ce sport ne s’applique pas à ton rejet du football soudainement ?

    D’ailleurs au sujet de l’admiration. Dans quel milieu, dans quel métier, dans quelle passion n’admire-t-on pas les "stars" de son sujet ? Que ce soit un jeune étudiant en philo qui admire un auteur, un jeune ébéniste qui admire une personne plus expérimentée, un jeune pianiste, agriculteur, quel que soit le métier, on admire toujours quelqu’un. Cet argument ne tient pas une seconde.

    Le football n’a pas non plus à porter sur ses épaules le racisme et le sexisme dégueulasse ambiant qui traine en France. Le foot n’a rien arrangé, je ne dis pas le contraire, mais ça n’a jamais été son rôle.

    Les salauds qui critiquent les enfants qui ne sont pas sportifs, c’est la même chose. Ça arrive dans tous les sports. Ça arrive aussi à de nombreuses occasions se faire gueuler dessus parce qu’on n’a pas le niveau, avec les managers d’un Mc Do qui gueulent sur un employé par exemple. C’est désolant. Mais je ne vois aucunement en quoi c’est propre au football.

    Je ne pense pas que ce soit du mépris de classe. Je pense juste que c’est facile, branlant et mal documenté.

    Origines du football. Avec sources cette fois.

    Les jeux de balle au pied existent dès l’Antiquité. Ce sont des jeux et non des sports. Les Grecs connaissent ainsi plusieurs jeux de balle se pratiquant avec les pieds aporrhaxis et phéninde à Athènes et épiscyre à Sparte3. La situation est identique chez les Romains où l’on pratique la pila paganica, la pila trigonalis, la follis et l’harpastum4. Les Chinois accomplissent également des exercices avec un ballon qu’ils utilisent pour jongler et effectuer des passes ; cette activité pratiquée sans buts et en dehors de toute compétition sert à l’entretien physique des militaires (蹴鞠, cuju). Les premiers textes concernant le cuju datent de la fin du iiie siècle av. J.-C. et sont considérés comme les textes les plus anciens liés au sport chinois5. À la fin du xve siècle, le calcio florentin apparaît en Italie. Il s’agit d’un lointain cousin du football, qui disparaît totalement en 17396.

    Le football trouve ses racines réelles dans la soule (ou choule) médiévale. Ce jeu sportif est pratiqué dans les écoles et universités mais aussi par le peuple des deux côtés de la Manche. La première mention écrite de la soule en France remonte à 11477 et son équivalent anglais date de 11748. Dès le xvie siècle, le ballon de cuir gonflé est courant en France8. Longtemps interdite pour des raisons militaires en Angleterre9 ou de productivité économique en France10, la soule, malgré sa brutalité, reste populaire jusqu’au début du xixe siècle dans les îles britanniques et dans un grand quart nord-ouest de la France. Le jeu est également pratiqué par les colons d’Amérique du Nord et il est notamment interdit par les autorités de la ville de Boston en 165711. Nommée football en anglais, la soule est rebaptisée folk football (« football du peuple ») par les historiens anglophones du sport afin de la distinguer du football moderne12. Cette activité est en effet principalement pratiquée par le petit peuple comme le signale un ancien élève d’Eton dans ses Reminiscences of Eton (1831) : « I cannot consider the game of football as being gentlemany ; after all, the Yorkshire common people play it13 ». (« Je ne peux pas considérer le football comme un sport de gentlemen ; après tout, le petit peuple du Yorkshire y joue. »)

    Le Highway Act britannique de 1835 interdisant la pratique du folk football sur les routes13 le contraint à se replier sur des espaces clos. Des variantes de la soule se pratiquent déjà, de longue date, sur des terrains clos14. C’est là, sur les terrains des écoles d’Eton, Harrow, Charterhouse, Rugby, Shrewsbury, Westminster et Winchester, notamment, que germe le football moderne. Les premiers codes de jeu écrits datent du milieu du xixe siècle (1848 à Cambridge15). Chaque équipe possède ses propres règles, rendant les matches problématiques. La Fédération anglaise de football (Football Association) est créée en 1863. Son premier objectif est d’unifier le règlement.

  • Le 15 juillet 2018 à 16:47, par

    L’augmentation des violences domestiques qui est souvent reprise est à prendre avec des pincettes. Il s’agit d’UNE étude menée en 2010, dont les conclusions sont sans surprise plus prudentes que leur compte-rendu journalistique, puisque les auteurs disent qu’elle nécessite d’être répliquée. Cela sans évoquer les critiques dont elle a fait l’objet. Plus généralement, il faut se rappeler que les statistiques sont le langage des gestionnaires et autres fumiers qui soutiennent que la quantification de la réalité est plus réelle que la vie.

    Pour le reste, assez d’accord, mais c’est comme l’écriture inclusive (« fautive », en plus, comme d’habitude) : autant d’agitation parce que la baballe est allée dans tels ou tels filets dépasse l’entendement devant l’inconséquence totale de la chose. Il s’agit d’idéologie, où le surinvestissement forcené des symboles cherche à compenser l’impuissance pratique de ses adeptes (souvent de la 11e heure). Ainsi pourra-t-on entendre qu’ON a gagné ou perdu quand, de toute évidence, ON n’aura rien changé à son quotidien. Et puisqu’on ne changera rien par la balle au pied, sa critique relève autant du fétichisme que son apologie quand elle l’investit de magie noire au lieu de s’en tenir à le révéler comme tel.

  • Le 14 juillet 2018 à 18:08, par

    FOOTAGE DE GUEULE

    Les supporters ont envahi le cœur de la cité en s’octroyant tous les droits, s’accaparant toute l’attention, envahissant tout l’espace. Pour les matchs internationaux, tout leurs semble autorisé à condition qu’ils se conforment aux vociférations et gesticulations qui sont propres à leur rôle. Cette ivresse passagère refonde et renforce une identité nationale en décrépitude. Toute la lourdeur des conflits de la société est ainsi détournée et focalisée sur le concurrent qu’il faut battre et éliminer, l’adversaire étranger qu’il s’agit d’écraser.

    À ce niveau de compétition, le sport n’est plus un amusement d’enfant, mais un business intransigeant. Il s’agit toujours d’une épreuve difficile où la concurrence est féroce et dont le seul but est de gagner sur les autres, la victoire à tout prix. L’équipe gagnante est une entreprise qui fait des affaires, la compétition est son marché, les matchs des opportunités et l’adversaire une menace. Sa stratégie est d’éliminer la menace.
De partout le sport est présenté comme une évidence, une activité naturelle positive. "Le sport est l’impensé autant que l’incritiqué des temps contemporains" (Robert Redecker, Le sport contre les peuples, 2002). Ce qui nous conditionne n’est jamais perçu comme tel. Notre aliénation ne nous est pas perceptible.
    Le sport a toujours été l’activité préférée développée par les dictatures et les fascistes, « au point de devenir un élément constitutif indispensable de ces régimes » (Jacques Ellul). L’institution sportive est un appareil efficace qui répand massivement une idéologie réactionnaire, " le paradigme de l’idéologie fasciste" (Michel Caillat). On y retrouve la hiérarchisation, la sélection de l’élite, l’obsession de la pureté, la mobilisation de masse, l’omniprésence de la propagande, la glorification de la jeunesse, le culte des forts et de la virilité, l’exaltation de l’effort, l’apologie de la souffrance, la diabolisation de la fainéantise, l’idolâtrie du surhomme, l’exacerbation des passions chauvines, nationalistes et racistes.

    Le sport n’est pas un jeu, mais une activité physique fortement réglementée basée sur l’effort, le renoncement au plaisir, le travail, le rendement, la compétition, le record, le dopage et l’absolue nécessité de la victoire. Le corps du sportif mercenaire est chosifié, transformé en chair à record, en marchandise compétitive, encaserné et drogué. Cette compétitivité sportive fonctionne à l’image du système marchand. "Le sport reflète le fondement des rapports de production capitalistes ainsi que leurs principes structurels de fonctionnement. À travers lui, l’idéologie dominante est perpétuellement et sournoisement distillée à haute dose : individualisme, apologie de la compétition, du rendement et du dépassement de soi, mythe du surhomme et de la croissance ininterrompue des performances” (Michel Caillat, Le sport n’est pas un jeu neutre et innocent, 2008). À l’image du sport, le moteur même de la survie sociale d’aujourd’hui est construit sur la guerre des uns contre les autres, seul contre tous. La loi de la compétition est le dogme de cette société. La compétition est une nuisance sociale où l’autre devient un obstacle à supprimer, l’ennemi à vaincre, où il s’agit de gagner en fabriquant des perdants.
“L’idée selon laquelle, dans chaque secteur, dans chaque discipline, il faut qu’il y ait un premier, un deuxième et un troisième est une aberration. La compétition, c’est la volonté d’être meilleur qu’autrui, de le dépasser. Quitte à tout faire pour le détruire. Dans le domaine du sport, la compétition engendre le dopage, les pots-de-vin. Elle transforme des êtres humains en une nouvelle espèce, intermédiaire entre les humains et les monstres” (Albert Jacquard, Je suis absolument contre la compétition, L’Express-l’Expansion le 12/09/2013).

    On a besoin des autres pour se construire. C’est la différence de l’autre qui enrichit mon évolution dans la société en la rendant plus complexe. Ce sont les autres qui me font exister. "Je suis les liens que je tisse" (Albert Jacquard, Éloge de la différence, 1981).
Quand on est en compétition on ne tisse plus de liens on les détruit. Toute compétition est un suicide social, une entreprise de déconstruction où les gagnants sont les plus conformistes et les plus antisociaux, car ils détruisent ce qui nous relie les uns aux autres.

    Nous survivons dans le culte de la performance individuelle, où l’on doit se prendre soi-même comme une marchandise à promouvoir sur le marché des apparences. Il faut soigner son image, se montrer à son avantage, être visible et reconnu. Ce “chacun pour soi” incite à mettre la pression sur les autres pour se mettre en avant. La présence de l’autre est alors vécue comme un danger. Tout le monde ment, magouille et fraude éperdument, l’hypocrisie et la fourberie sont devenues normalité.
Le pouvoir des uns sur les autres est partout. Il est construit sur l’élimination de la concurrence. Cette compétition, guerre sans merci, isole, réduit et conditionne les comportements. C’est une restriction arbitraire à la liberté de choisir. Elle se construit sur la règle intransigeante, celle qui s’oppose à tout changement de règles, imposant une situation conflictuelle étouffante dans une méfiance généralisée envers l’ennemi qui est partout.
Dans cette société autoritaire, ce sont toujours les membres déviants, considérés comme anormaux, qui lui permettent d’évoluer et de ne pas se scléroser dans une uniformité immobile constituée d’interdits généralisés, sans aucune issue, dans une impasse qui lui serait fatale. C’est parce que cette société individualisée est construite sur l’isolement et la compétition, sans coopération ni sociabilité, que l’inadaptation aux règles de la normalité est le signe d’une bonne santé mentale et sociale.

    Le sport est l’opium du peuple, il n’exprime que la soumission à l’ordre établi. "Rouleau compresseur de la modernité décadente, le sport lamine tout sur son passage et devient le seul projet d’une société sans projet" (Marc Perelman, Le sport barbare, 2008).
L’entreprise football, par son conditionnement massif, ses slogans répétitifs, son affairisme publicitaire, sa fureur nationaliste, est une servitude volontaire qui envahit tout l’espace public dans “une vaste opération de chloroformisation des consciences” (Quel Sport ? n° 30/31). L’unanimisme tapageur de cet empire affairiste et mafieux n’autorise que des comportements de supporters chauvins, spectateurs exaltés, abrutis et asservis. Cette entreprise de diversion et d’enfumage permet de dissimuler la dégradation des conditions de notre survie, et une misère sociale effrénée.
"Derrière le matraquage footballistique de l’espace public se profilent toujours la guerre en crampons, les haines identitaires et les nationalismes xénophobes. Et derrière les gains, transferts et avantages mirobolants des stars des pelouses, promues “exemples pour la jeunesse”, se cachent les salaires de misère, le chômage, l’exclusion, la précarité et l’aliénation culture de larges fractions de la population invitée à applaudir les nouveaux mercenaires des stades comme naguère les foules romaines étaient conviées par les tyrans aux combats de gladiateurs. Le football-spectacle n’est donc pas simplement un “jeu collectif”, mais une politique d’encadrement pulsionnel des foules, un moyen de contrôle social qui permet la résorption de l’individu dans la masse anonyme, c’est-à-dire le conformisme des automates" (Jean-Marie Brohm et Marc Perelman, Le football, une peste émotionnelle, 2006).

    L’exploitation du travail, sa marchandisation est une aliénation de l’activité humaine. Le temps du non-travail, c’est-à-dire celui des loisirs et de la culture de masse est le domaine de la crétinisation volontaire, de l’automutilation librement consentie. Le sport est le pilier de cette culture qui n’en est pas une et n’est en fait que l’expression de son absence, affirmation ostentatoire de sa soumission à une conformité normalisée.
"La saturation de l’espace public par le spectacle sportif atteint aujourd’hui des proportions démesurées. (...) Le spectacle sportif apparaît comme une propagande ininterrompue pour la brutalité, l’abrutissement, la vulgarité, la régression intellectuelle et pour finir l’infantilisation des foules solitaires" (Jean-Marie Brohm, Le spectacle sportif, une aliénation de masse, Mediapart 2013).

    Clos sur lui-même, le stade, centre et ciment de la communauté, agrégateur de solitudes, est un espace de concentration où chacun est tout le monde. C’est une masse en fusion, l’unité sonore d’un monde sourd à lui-même, l’assourdissement devenu réalité. "L’institution sportive est organiquement, incorporée au système de production capitaliste dans lequel elle s’épanouit. La diffusion et l’emprise planétaire du sport, l’olympisation du monde vont accompagner l’expansion impérialiste du système capitalisme" (Jean Marie Brohm, Le sport, l’opium du peuple, 1996).
Le sport c’est la mort des feignasses, l’apologie de l’effort et du sacrifice, l’adoration du travail dans le respect des règles et la servitude à l’ordre en place. Le sport n’est plus que spectacle, publicité suprême du corps marchandise, image de l’adhésion totale à la marchandisation de la vie.

    Lukas Stella, juillet 2016

  • Le 14 juillet 2018 à 10:41, par François Remetter (l’auteur)

    Salut, ici l’auteur.

    J’ai lu le bouquin de Mickaël Correia.
    Et je ne lui dénigre pas l’angle critique sur certains aspects. (j’aime salué ses qualités dans le PS de fin, et je comprends bien que son angle d’attaque soit pas la mien, sans que je n’ai à le lui reprocher).

    1. L’impression que tu as est que cet article attaque M. Correia ou seulement M. Correia, j’imagine que c’est parce que j’ai cité le tweet. En fait, il attaque une ambiance actuelle sur le sujet. C’était peut-être pas le plus pertinent de citer M. Correia mais il s’insère dans une ambiance qui est sacrément dégueu sur le ton du « mépris » (on se marre notamment bien quand plein de gens un peu connus (pas Mickaël) s’en prennent à Poutou pour cette critique en lui reprochant de l’élitisme et du mépris de classe). Globalement c’est devenu l’« argument barrage » n°1 quand on critique le cirque actuel « tu fais du mépris de classe ». C’est pratique, c’est un argument d’autorité, ça tue le débat. C’est surtout stupide (cf. mon texte) et hyper énervant, particulièrement quand ça vient de camarades. D’où ce texte écrit en 1h et des brouettes.

    2. Je suis en désaccord avec le fait de scinder strictement le foot-business et le foot amateur. C’est à mon sens le cœur du propos de ce texte, même s’il aurait peut-être pu être plus resserré. D’où les exemples de l’école et des petits clubs (j’aurais peut-être dû raconter ça avec moult détails ou décrire le lien institutionnel entre la fédération de foot, le foot scolaire et les clubs pros, et aussi comment cela a été politiquement pensé pour nourrir l’élite (au il y a Malraux sous De Gaulle, pour tous les sports, pas spécialement le foot). Je sais bien qu’il existe des façons alternatives de faire du foot, mais, soyons honnêtes, elles sont marginales. Quand bien même, le fait d’avoir été dégoutté par ailleurs du foot tout jeune ne permet pas à de très nombreuses personnes de le découvrir.

    3. On peut être critique de l’attitude des supporters sans que cela se réfère à du mépris de classe. C’est pas un terme que j’utilise mais « beauf » n’est pas nécessairement un qualificatif social, ça matche aussi avec le petit patron du coin ou les étudiant·es d’école de commerce qui s’avinent devant les matchs dans les bars du centre de Lyon. Ou avec certains de mes proches quand on les met devant un écran...

    4. Quant à l’argument sur le cinéma... si ça vise à dire qu’il ne faudrait donc pas critiquer le foot si on ne critique pas le cinéma, c’est assez idiot. Si c’est pour évoquer le fait qu’il y ait des activités socialement légitimes, valorisées, et d’autres qui le sont moins alors pourquoi pas. Il y a quelques années, il semble que la posture à gauche ou chez les libertaires était de dénigrer le foot en tant que caricature de la société du spectacle, et de dénigrer alors ceux qui le regardent. Aujourd’hui, la posture c’est de dire qu’on aime le foot, qu’on le revendique, sans honte d’aimer une activité « populaire », avec surtout l’idée que c’est valorisant vu nos idées politiques d’être proches du « peuple » (un ensemble dont on ne sait pas bien qui c’est). Sauf que, 1. comme je l’ai écrit, c’est un essentialisation débile du populaire. 2. et surtout c’est une posture morale toute aussi dénuée de sens que la précédente.

    François Remetter

  • Le 13 juillet 2018 à 19:37, par La Drache

    Ce serait bien de lire le bouquin de Mickaël Correia et de recontextualiser son tweet avant de raconter n’importe quoi.

    Concernant le livre, l’introduction est une critique puissante du foot-business et de ses aspects peu reluisants. La dernière partie de son livre est entièrement consacrée aux luttes, notamment féministes, contre le football marchand et son monde. Il ne met pas ça de côté mais au contraire ils montre comment dès sa naissance, le foot a été et est toujours sujet à un rapport de force entre dominants et dominés.

    Sur son tweet, il s’est expliqué qu’il revenait sur les gens qui déversaient gratuitement leur haine contre les amateurs de ballon rond qualifié de stupides et de beaufs. Ce n’était pas dirigés envers celleux qui n’aiment pas le foot mais celleux qui disent comme d’hab « pourquoi les pauvres vont voir des millionnaires taper dans un ballon ».

    Au passage, le cinéma, c’est aussi des pauvres qui vont voir des millionnaires derrière un écran, et la musique, c’est aussi des pauvres qui écoutent des millionnaires chanter...

  • Le 13 juillet 2018 à 16:10, par

    Vous pourrez débattre autour de ce thème en octobre 2018 à la librairie La Gryffe, rue Sébastien Gryphe, Lyon , lors de la rencontre/débat prévue avec Mickaêl Correia autour de son livre Une histoire populaire du foot

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