Leur arme secrète pour cette année : les
terrasses de café. Ou plutôt une réglementation
stricte quant à leur installation :
pas de matériaux trop inflammables, pas
de végétation d’une hauteur supérieure à
1m30 (dès fois que des peaux rouges tenteraient
de s’y embusquer). La déléguée
au commerce et à l’investissement prévient
: « il y aura un renforcement de la
sécurité et des contrôles avec l’aide de la
police municipale ». Sécurisation des terrasses,
donc, mais aussi sécurisation par
les terrasses. « L’objectif est d’uniformiser
l’ensemble des terrasses dans la ville. C’est
une question d’esthétique mais aussi de
sécurité. Elles sont là pour dynamiser les
quartiers, encourager l’activité commerciale.
Elles permettent aussi de sécuriser
certains endroits de la ville en attirant du
monde ».
Et si le coup des terrasses ne suffi t pas,
il reste la bonne vieille police. On la voit
débarquer en masse ces derniers temps,
multiplier les contrôles et les patrouilles
dans tous ces secteurs qu’il s’agit explicitement
de « reconquérir ». Devant le Clip, le
gros immeuble moche de la place du Pont,
les voitures de fl ics et les camions de CRS
se succèdent de façon quasi ininterrompue
pour empêcher les vendeurs ambulants de
faire tourner le marché sauvage de la place
Ballanche. En cause : la lutte contre les trafics et le risque de « tension inter-raciale » ;
en attendant, en matière de « tensions
raciales », on voit les flics de la République
Française faire la chasse aux Rroms et aux
Arabes qui squattaient là d’habitude.
A quelques centaines de mètres, les berges
du Rhône font aussi l’objet d’une campagne
de sécurisation spécifi que : en plus des
descentes de fl ics régulières, en plus de la
chasse aux voitures discothèques (les petits
malins qui viennent vendre des bières aux
jeunes en balade sur les berges), les élus
appellent directement les riverains à la
délation. « Vous voulez plus de contrôles ?
alors appelez le commissariat, toute la nuit
s’il le faut ». Un protocole spécifi que a été
mis en place avec les commissariats du
3e et du 6e arrondissement qui prévoit
en particulier la saisie des instruments
de musique en cas de tapage. Et Thierry
Phillippe, le nouveau maire du 3e arrondissement,
a encore plein d’idées pour faire
régner l’ordre sur ses berges : il envisage
l’installation d’un système d’arrosage automatique
des gradins ou la mise en place
d’auto-pompes alimentant des lances à eau
à actionner pour faire dégager la faune trop
bruyante des quais. Un peu comme on nettoie
la merde…
Autre quartier bien connu pour sa vie
nocturne agitée : les pentes de la Croix-
Rousse. Le préfet se félicitait récemment de
l’évolution de la situation pour cette zone :
« l’ordre et la sécurité sont en train de revenir.
Mais la vidéosurveillance ne permet
pas d’obtenir de résultats suffi sants ». Et le
préfet Gérault de réclamer une plus grande
collaboration avec la police : « ça n’est
pas de la délation. On est entre citoyens
libres, majeurs et responsables. Appelez
le commissaire pour qu’on puisse faire des
fl agrants délits. Ce sont des réseaux, des
chaînes. Les informations doivent nous
parvenir très vite pour qu’on puisse faire
des photos, vérifi er les identités ».
Le problème, selon lui, c’est que jusque-là
les réquisitions du procureur n’autorisaient
les contrôles que de 7 heures à minuit.
Heureusement grâce à son intervention on
devrait vite aller vers du 24/24. En prime
les autorisations d’ouvertures des établissements
de nuit de la rue Sainte-Catherine
ont été ramenées de trois heure à une
heure du mat’, et les contrôles devraient
devenir « obsessionnels » dans les épiceries
soupçonnées de vendre de l’alcool la
nuit, quitte à « verbaliser toutes les dix
minutes ».
Avec toutes ces mesures, les services de la
ville ou la préfecture ne cherchent évidemment
pas à interdire la fête. D’ailleurs il y a
des boites pour ça, et toute une économie
en dépend ; c’est l’occasion de s’éclater,
de décompresser après une semaine de
taf, et avant de replonger dans la routine
et l’exploitation. Non pas interdire la fête,
donc, mais l’encadrer, en gérer les débordements,
les extases. En faire un secteur à
part entière de l’économie, la marchandiser.
Et empêcher surtout qu’elle n’allume autre
chose, que la joie prenne un tour offensif.
Comme lors des émeutes du jeudi soir
à Rennes, au début des années 2000. Ou
comme à Barcelone, le grand modèle des
décideurs lyonnais, avec ses ramblas qui
se transforment régulièrement en terrain
d’affrontements entre les fl ics et les sauvageons
du cru, mêlés aux fans du Barça et
aux étudiants à la dérive.
Beucoup d’alcool, pas mal de frustrations
rentrées, et il ne manque que l’étincelle.
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