I.T., 25 ans, a dû quitter la Tchétchénie en juin 2005, fuyant une guerre qui se poursuit depuis plus de 6 ans, où les civils tchétchènes sont victimes de persécutions (tortures, disparitions forcées, exécutions sommaires, arrestations arbitraires...) de la part des forces de l’ordre russes et tchétchènes pro-russes. Il a alors cherché à rejoindre sa soeur qui vit avec sa famille depuis 2001 dans le Rhône, où elle s’est vue reconnaître le statut de réfugié en 2003.
Contrôlé à la frontière polono-biélorusse, il fut contraint de donner ses empreintes digitales et dès lors, sans que le choix lui soit laissé, considéré par la Pologne comme demandeur d’asile. Il fut sommé par les autorités de rejoindre un centre de demandeur d’asile en Pologne. Mais il souhaitait rejoindre sa famille et continua son voyage jusqu’en France.
Arrivé à Lyon courant juillet 2005 il se présenta immédiatement à la préfecture pour entamer une procédure de demande d’asile. On lui délivra alors un titre de séjour temporaire qu’il devait faire renouveler tous les 15 jours. Il commença à apprendre le français, à revivre sans peur et à se reconstruire, avec sa famille.
Le mercredi 1er février 2006, il se rendait comme tous les 15 jours à la préfecture du Rhône pour le renouvellement de son titre de séjour, accompagné par une membre du comité Tchétchénie de Lyon le soutenant dans ses démarches et pour la traduction. Là, on lui signifia que la préfecture avait, conformément aux réglementations européennes en matière d’immigration, demandé à la Pologne de le reprendre « puisqu’il y avait déjà entamé une procédure de demande d’asile », et on lui délivra l’accord écrit des autorités polonaises de le réadmettre sur leur territoire et d’examiner sa demande d’asile.
Il fut alors arrêté par des policiers qui lui passèrent des menottes malgré son calme et son absence totale de résistance, puis conduit au centre de rétention administrative de l’aéroport St-Exupéry où il passa une nuit avant d’être renvoyé en Pologne.
Mais arrivé à Varsovie il fut longuement interrogé par la police polonaise qui l’accusa de ne s’être pas présenté au centre pour demandeurs d’asile et d’avoir en juillet 2005 franchi illégalement la frontière. Sommé de choisir entre la prison et l’expulsion, il accepta par écrit de quitter le territoire de Pologne. Les policiers polonais l’ont alors expulsé vers la Belarus. À Brest, les douaniers biélorusses l’ont interrogé, puis laissé partir.
Aujourd’hui, I.T. se trouve en Belarus, dans une situation d’impasse : il lui est impossible de rentrer en Russie où il risque des persécutions accrues du fait qu’il a vécu en Europe, et ne peut plus demander l’asile dans un pays de l’Union Européenne sous peine d’être de nouveau renvoyé en Pologne, puis expulsé.
Nous considérons comme très grave cette situation où un ressortissant d’un pays en guerre craignant pour sa vie peut séjourner pendant 6 mois sur un territoire de l’Union Européenne sans avoir la possibilité de demander l’asile. Nous rendons responsable de ce manquement, outre la Pologne, la France qui était tout à fait en droit d’instruire sa demande d’asile et qui n’a pas pris toutes les garanties nécessaires auprès du pays destinataire.
Nous demandons par conséquent à l’État français :
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- de s’engager par sauvegarde à examiner la demande d’asile de I.T. et le cas échéant de mettre en place les conditions nécessaires à son retour en France.
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- l’arrêt des expulsions de demandeurs d’asile vers la Pologne compte tenu de l’absence de garanties dont cette expérience rend malheureusement compte.
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- la fin de tels traitements des drames humains par l’administration et les autorités.
D’autre part, nous remettons en cause la réglementation européenne en matière d’asile d’une manière générale. Elle nous apparaît foncièrement injuste puisque l’instruction d’une demande d’asile dépend du premier lieu de passage dans l’espace Schengen du demandeur d’asile, alors que chaque pays utilise ses propres critères pour accorder ou non l’asile (la Slovaquie l’accorde à moins de 1% de demandeurs tchétchènes, l’Autriche à plus de 90%, et la Pologne à 8%).
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