Dans la droite ligne du LMD, cette loi s’inscrit dans une logique de privatisation de l’enseignement supérieur et de la recherche par le biais du désengagement financier de l’État. Mais au-delà de la rhétorique d’État, l’oeil de lynx du syndicaliste cénétiste a su lire entre les lignes pour dégager trois axes majeurs de mobilisation.
La LRU ou comment priver l’université de ses moyens de fonctionnement financiers et finir de détruire l’enseignement supérieur le plus accessible possible.
Concentration du pouvoir = démocratie universitaire fantoche.
La démocratie universitaire est dite représentative : inutile de vous dire que ce modèle n’est pas le nôtre, et ne nous inspire que le mépris ! Mais, la LRU accroît l’illégitimité du modèle actuel.
Le fonctionnement du Conseil d’Administration (CA) prend pour modèle les CA d’entreprises : vote à la majorité absolue (et non plus aux deux-tiers) ; fin du quorum d’une moitié d’élus nécessaires ; voix prépondérante du président pour le partage des voix. En plus, le CA concentre les pouvoirs : il décide des créations et suppressions de filières, gère la répartition des crédits, entre autres... Mais surtout, l’avenir de nos universités se trouve assuré par une poignée d’oligarques. Le nouveau CA est restreint (on passe de 60 à 30 membres à Rennes 2) avec une proportion réduite d’étudiants et de salariés, pour faire la part belle aux « partenaires extérieurs » nommés par le président : représentants des collectivités locales et surtout du patronat.
De plus, le président de l’université se voit attribuer de nouvelles compétences. Toujours garant de la sécurité, il devient responsable de l’embauche du personnel et attribue les primes et affectations. Le président devient un PDG chargé de gérer au mieux « son » université.
Ce court exposé montre la dérive réactionnaire que cette loi entérine. Moins de places pour les acteurs de l’université, ceux qui la font vivre tous les jours, étudiants et personnels. Et surtout plus de places pour des mandarins avides de pouvoir et des personnalités extérieures. L’idéal de démocratie directe à l’université s’éloigne encore !
Le statut des personnels : un ouvrage de grosse démolition.
Le président de l’université devient un manager. Il peut embaucher en contrat de droit privé une proportion beaucoup plus grande de salariés : personnels administatifs, techniques, enseignants et scientifiques. La présence dans nos services, dans nos amphis des personnels administratifs ou enseignants vacataires se trouvent confirmée. Certains nous affirmeront que des nécessités « ponctuelles » (hausse de travail administratif à la rentrée, remplacement d’un enseignant,...) obligent à cette flexibilité.
Nous leur répondrons que l’exigence de qualité du service public universitaire passe par des personnels recrutés sur concours, embauchés avec des contrats de droit public afin de leur assurer la plus grande sécurité possible dans le travail. En s’attaquant aux salariés, c’est le service public universitaire en entier que l’on attaque. Or, l’État se désengageant, le président de l’université devra obligatoirement avoir recours à ces contrats privés. Cette loi doit être l’occasion de revendiquer à nouveau la fonctionnarisation de tous les personnels précaires de l’université, seule condition pour avoir un service public de qualité.
La recherche et la formation : à bas la recherche fondamentale et indépendante, à bas la validité des diplômes !
La recherche est bien malmenée par cette loi. Les crédits alloués aux équipes de recherche dépendent de l’accord du CA et des présidents d’université. Ainsi, les acteurs extérieurs de l’université au CA influenceront les projets de recherche. Cette disposition menace la recherche fondamentale en la soumettant aux impératifs et à des critéres de rentabilité économique.
Dans la même perspective ; que doit-on penser du droit de regard du président sur le recrutement des chercheurs ? On risque d’assister à la mise en place d’un système clientéliste dans lequel certains chercheurs seront bénéficiaires des largesses des équipes de direction. Cette loi n’est donc pas celle qui réussira à remettre sur pied une recherche déjà bien malade et n’empêchera pas la fuite des « cerveaux » dont certains gouvernants se plaignent.
Le principal danger qui guette les étudiants au quotidien est la validité des futurs diplômes. Dans une université dont les formations sont financées par des partenaires privés, ceux-ci demanderont des retours sur investissement... en termes humains. En bref, la formation de travailleurs adéquats, formés au besoin de l’entreprise qui paye la formation ! À ce propos, on peut légitimement s’interroger sur l’avenir des filières d’art, de lettres et de sciences humaines et sociales...
Et surtout, quelles valeurs auront nos diplômes ? En encourageant les acteurs économiques à investir dans les formations, le risque est de n’offrir que des débouchés économiques locaux. Par exemple, à l’IGR de Rennes, il existe un Master surnommé « Carrefour » car il ne forme que des cadres commerciaux pour cette entreprise, même si cette entreprise n’embauche qu’une minorité à l’obtention du diplôme... Ainsi, cette loi parachève la casse des diplômes entamée par le LMD.
On parle souvent de la hausse des droits d’inscription, certaines personnes affirmant que des garanties existent. Et en effet, elle existent... pour cette rentrée. L’État ne voulant plus financer les universités, qui devra payer pour faire fonctionner l’Université ? Fin de la sélection pédagogique, vive la sélection sur critères d’origine sociale ! Sachons tout de même que l’Université Rennes 2 pratique cette année 20 € de frais d’inscription illégaux à l’inscription dans certains Master 2. Allez les réclamer si vous êtes concernés !
Exigeons que nos universités nous assurent des formations aux débouchés les plus larges possibles.
De plus, nous devons tous pouvoir accéder à l’enseignement supérieur, sans sélection, qu’elle soit pédagogique ou sociale. Mais surtout, ce haut-lieu d’éducation qu’est l’université doit avoir aujourd’hui pour objectif l’émancipation des étudiants, l’indépendance des formations et de la recherche enfin de permettre des projets scientifiques innovants.
Il est maintenant clair que la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités est la dernière offensive en date pour faire de nos universités la chasse gardée du patronat.
Libertés ? Cette loi ne rend libres que les intérêts économiques locaux, libres d’investir dans la formation de futurs salariés pour les besoins de l’entreprise.
Responsabilités ? Les établissements universitaires deviennent responsables de leurs budgets, locaux, personnels. Mais cette responsabilité est confiée aux irresponsables au pouvoir depuis des lustres qui sont incapables de proposer des évolutions innovantes pour l’Université.
Notre université ne pourra se transformer qu’en étant gérée par et pour ses acteurs, qu’ils soient salariés administratifs, techniques, enseignants ou qu’ils soient étudiants. Notre lieu de travail et d’étude nous appartient, prenons-le en mains.
Seule la mobilisation pourra être efficace contre cette loi. Elle est nécessaire et surtout obligatoire car la LRU n’est que la version universitaire des réformes libérales, menées actuellement par le gouvernement. À cette loi s’ajoutent les baisses programmée de fonctionnaires, ce qui se ressentira sur les postes au concours. La LRU s’ancre dans un contexte de destruction de tous les services publics et assurances sociales acquises par tous les travailleurs.
CNT - Rennes
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