3es Rencontres Nationales des Luttes de l’Immigration : 25-26-27 novembre 2011 à Créteil

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Rendez-vous aux Rencontres des Luttes de l’immigration pour poursuivre le travail de fédération des luttes des quartiers populaires et de l’immigration initié il y a deux semaines au Forum Social des Quartiers Populaires à Saint-Denis.

Le Forum Social des Quartiers Populaires (FSQP), qui s’est tenu les vendredi 11 et samedi 12 novembre 2011 à l’Université Paris VIII à Saint-Denis, réunit chaque année depuis 2007 des militants associatifs et de collectifs, des personnes autonomes et quelques élu-e-s, tou-te-s préoccupé-e-s par la situation des quartiers populaires et de ces habitant-e-s.

Cette année, parmi les intervenant-e-s on retrouve le Mouvement Immigration Banlieue de Paris (MIB), le Tactikollectif organisateur de la 8e édition d’Origines Controlées qui se déroulent du 19 au 25 novembre 2011 à Toulouse, AC LEFEU (Association Collectif Liberté Egalité Fraternité Egalité ensemble unis) de Clichy, le FSQP de Grenoble, Diversité et la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie(CRI) de Villeurbanne, la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), la liste Emergence du Val de Marne, la Brigade Anti Négrophobie, les Indigènes de la République, et les initiateurs-trices des 3es Rencontres Nationales des Luttes de l’Immigration qui se tiennent les 25-26-27 novembre 2011 à Créteil.

En 2011, le FSQP s’était fixé deux objectifs : établir un constat sur la situation des habitant-e-s des quartiers populaires, et essayer de fédérer la myriade associative et insoumise autour d’objectifs communs. Après deux jours de présentation et de débat, une nouvelle organisation a semblé possible. Un premier article a été écrit et tou-te-s les participant-e-s se sont donné-e-s rendez-vous au 3e rencontre des luttes de l’immigration pour construire cette nouvelle fédération.

Les principaux constats

- La politique d’urbanisation des quartiers populaires se fait au détriment de ces habitant-e-s

Pierre Didier Tchétché Apea de Divercité rappelle qu’ « en 1995 le MIB diagnostiquait une gestion coloniale des quartiers populaires. Aujourd’hui la Politique de la Ville affiche des objectifs que personnes ne peut contredire pour améliorer les conditions de vie des habitants (logement, emploi, éducation, aménagement urbain), mais les chiffres et réalités montrent l’effet inverse. Les municipalités prétendent améliorer la participation des habitant-e-s, mais elles augmentent le clientélisme : pour les associations, celui qui ne fait pas allégeance au maire n’obtient aucun financement. Elles prétendent autonomiser les citoyens, mais quand des initiatives sont prises par des habitants elles sont disqualifiées et considérées comme inopérantes ». Il explique que l’histoire des politiques d’urbanisation des quartiers populaires s’articulent autour du rapport police/jeune : « Le scénario se reproduit plusieurs fois dès 1976 : un jeune est tué par la police, les habitants se révoltent et on envoie la police, puis une politique visant à améliorer les conditions de vie des gens est décidée. Tout le monde est d’accord pour refaire des logements. Mais la question est qui va habiter dans ces logements ? Quelle est la logique pour faire habiter ces logements ? On pense que le bâti va changer la vie des gens. Cela masque les vraies questions d’accès aux droits, et d’inégalités politiques ».

Mourad Henni, élu sur une liste autonome à Vaulx-en-Velin et ancien du MIB, fait le même constat : « Les pouvoirs publics veulent faire une politique d’exception pour des gens au ban, mais il n’y a pas de concertation avec les habitants. Ils vendent de la ville à des promoteurs privés, alors que des bâtiments ont été payés par les loyers des prédécesseurs. Les municipalités disent « faut faire de la mixité sociale » : ils veulent déraciner les habitant-e-s des quartiers populaires. La force des habitant-e-s c’est d’être là pour 30 ans, assigné-e-s à résidence. Il faut bloquer la rénovation urbaine telle qu’elle existe actuellement. »

Comme exemple de « réussite » d’un blocage, Khalid El Hout présente la lutte des habitant-e-s du quartier du Petit Bard à Montpellier pour s’opposer à un plan de rénovation urbaine décidé à la suite d’un incendie de cage d’escalier en 2005. Aujourd’hui le résultat est là : « le bâtiment Arthur Young devait être rénové et la municipalité prévoyait d’y reloger 20 familles du Petit Bard et 20 familles d’ailleurs. Mais les familles du Petit Bard ont exprimé leur désaccord (occupation de la Maison pour tous pendant un mois et demi, etc…) et ont obtenu le relogement de 40 familles du Petit Bard. Les pouvoirs publics n’ont jamais pu faire ce qu’ils veulent. Maintenant les habitant-e-s s’invitent dans les conseils municipaux et sont vigilants. L’association du Petit Bard est reconnue comme un interlocuteur représentatif. On ne rentre pas dans une logique de clientélisme. Ils ont un problème de plus-value, mais l’association leur a appris une nouvelle définition de la plus-value. »

Enfin pour comprendre un peu mieux la mécanique, Zouina Meddour présente la naissance du Collectif des femmes de Blanc Mesnil. En 2002 on lui confie le poste de directrice du centre social de Blanc Mesnil. « L’objectif affiché est de travailler sur la participation des habitant-e-s. C’est écrit sur la charte nationale des centres sociaux. Maintenant le discours doit être mis en application ». Elle explique comment les femmes se sont approprié l’espace après six mois de cuisine et couture qui les ont mis en confiance, et une réunion pour qu’elles expriment ce qui les intéressait vraiment : se réunir. En parallèle Zouina Meddour restructure le conseil d’administration du centre social pour que les usagers-ères puissent y siéger après un entrainement à la prise de parole et au conflit en public, pour qu’elles et ils soient en capacité d’agir. Après ça des projets incroyables ce sont mis en place : la création d’un journal, le montage d’une pièce, puis d’une autre, tout ça sur fond de révolte et de front politique des habitant-e-s des quartiers populaires à proximité de Villiers-Le-Bel en 2005, après la mort de Zyad et Bouna.

- L’islamophobie

A travers le monde et en France, depuis la chute des communismes s’est construit une figure menaçante du musulman. En France elle se situe dans le prolongement historique de la figure menaçante de l’immigrée (années 70), de l’arabe (années 80), du sauvageon (année 90), de la racaille (année 2000), qui replace une partie des habitant-e-s des quartiers populaires en situation d’éternel d’étranger, même s’ils sont nés en France. Abdelaziz Chaambi (Divercité) s’emporte : « Aujourd’hui c’est Alain Soral et les Identitaires qui draguent les habitant-e-s des quartiers. L’islamophobie est un fond de commerce. Dans la majorité des cas, on occulte le problème. On est en train d’étouffer l’expression populaire comme l’ont fait les dictateurs mais avec une vitrine démocratique. Beaucoup d’entre nous sont complices de ce qu’il se passe. Beaucoup d’entre nous rejoignent soit les identitaires, soit les parties de gauche qui ne prennent pas en compte les revendications posées par le FSQP. Marre de l’hémorragie au profit de l’extrême droite, au profit des salafistes, des wahabites. Marre qu’il n’y ai aucune place pour les musulmans progressistes. Ils sont décrédibilisés ». Il prend l’exemple d’un acte islamophobe emblématique à mettre sur le compte des Verts. Le maire Vert du IXe arrondissement de Lyon, Alain Giordano, a soutenu son adjointe, Fatiha Benahmed, qui a exigé d’une candidate musulmane au mariage qu’elle se dévoile avant d’officier (http://lyoncapitale.fr/journal/univers/Actualite/Polemique/La-mariee-devait-elle-se-devoiler).

- Les violences policières

Autre emblème, l’affaire du meurtre de Hakim Ajimi. Le jeune homme de 22 ans, est décédé le 9 mai 2008 à Grasse, à la suite de son interpellation par des policiers de la Brigade anticriminalité (BAC) et de son transport par des policiers municipaux (http://www.fsqp.fr/Justice-pour-Hakim-2.html). Les deux policiers de la BAC, responsables de l’interpellation de Hakim Ajimi, comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Grasse pour homicide involontaire du 16 au 20 janvier 2012 (http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4705). Le MIB et le FSQP donne rendez-vous à tous leurs militant-e-s pour assister au procès, soutenir les proches, et manifester leur volonté que la justice rende une décision impartiale.

La question du féminisme

Quand la hiérarchie des couleurs intervient… les mots blanc-che-s, noir-e-s, arabes, vietnamien-ne-s sont utilisés ici parce que nous sommes tou-te-s « racisé-e-s » par le regard de l’Autre, particulièrement lorsqu’on n’est pas blanc-che, et qu’une grille de lecture prenant en compte la classe, le genre, la race est intéressante pour décrire la situation des habitant-e-s des quartiers populaires. Voici mon point de vue de féministe blanche, émancipée de ma classe populaire pour une plus aisée, et gentiment éclairée par mes camarades féministes arabes.

Les tribunes étaient majoritairement masculines. Une jeune femme blanche a fait remarquer cet état de fait. On pourrait dire qu’elle a envoyé une tarte à la crème. Pourquoi n’ont-ils pas invité une femme sur cette tribune ? Pourquoi ont-ils tendu le bâton pour se faire battre ? Sans doute qu’ils ne sont pas encore assez stratégiques. Pourquoi une femme blanche se permet-elle de rappeler implicitement aux femmes arabes et noires qu’elles n’interviennent pas ? C’est violent. Cette jeune femme blanche a obligé les militantes arabes, noires à se justifier de ne pas intervenir alors qu’elles ne se sentent pas exclues du débat, ni des prises de décisions.

La question est délicate. Les femmes dans les luttes des quartiers populaires subissent une double discrimination, celle fondée sur la classe et le genre. Beaucoup d’entre elles sont noires ou arabes ou vietnamiennes, et sont exposées en plus à une discrimination raciale qui les cantonne dans des images dociles ou exotiques ou sérieuses (variable selon la couleur). Celles qui affichent qu’elles sont musulmanes en portant un foulard sont perçues comme des victimes. Une partie d’entre elles met en place des stratégies de réussite pour échapper à ces discriminations, pour éviter de rester pauvre et en banlieue, éviter de rester trop longtemps en famille.

Les hommes des quartiers populaires subissent au moins une discrimination, celle de la classe. Beaucoup d’entre eux sont arabes ou noirs ou vietnamiens, et sont exposées en plus à une discrimination raciale. Son expression est visible et violente, et peut aller jusqu’à la mort sous les coups de la police. Ce lourd tribu qu’ils payent de leur vie parfois, leur fait oublier toutes les violences ou les menaces de violence que les femmes subissent lors de leur déplacement dans la rue, à la maison, au travail, dans la société en général. Les études sociologiques rappellent aux hommes qu’ils ont moins de réussite que les femmes, et ils ont compris que l’Etat français instrumentalisait le féminisme et les femmes pour faire d’eux des machistes, des barbares qui battent leurs femmes. C’est injuste, et c’est une violence supplémentaire qui leur est faite. Mais se sont-ils vraiment intéressés à la condition de leurs sœurs, de leurs mères, de leurs copines, de leurs voisines ? Sans doute ni plus ni moins que les hommes blancs dans les mouvements politiques de gauche et anarchistes, c’est-à-dire assez peu.

Cela n’enlève rien à leur condition à eux, insupportable. Ils ne sont ni meilleurs, ni pires. Mais tant que les femmes blanches leur feront remarquer qu’ils ne sont pas meilleurs que les hommes blancs en relevant leur machiste comme elles le font avec les hommes blancs anarchistes ou des mouvements de gauche (croyant probablement que les situations sont comparables), elles obligeront les femmes noires, arabes, et vietnamiennes à choisir et à se solidariser soit avec les hommes (en renonçant à une parole autonome de femme) soit avec les blanches (en renonçant à une parole autonome de noire, d’arabe, de vietnamienne).

Aux femmes racisées comme Zohra ou d’autres, féministe arabe pro-palestinienne qui milite contre la loi du 15/03/2004 (dite loi du foulard), de rappeler la transversalité des dimensions de classe, de race, de genre, et de permettre l’émergence d’une parole féministe autonome des femmes des quartiers populaires et des femmes racisées. Mais ce n’est pas à nous femmes blanches, et encore moins si nous ne vivons ni ne travaillons dans des quartiers populaires, d’ouvrir la bouche. En aparté, Malika Talata parle de la valabilité et de l’urgence d’une lecture du sexisme qui s’exerce à l’endroit des garçons arabes. Un racisme/sexisme historique, décliné, intrinsèque à la constitution organique de l’Etat français. "De la restauration des Pères comme remède au parcours prison-Vinatier-cimetière des fils ", songe t-elle.

Un pas vers la structuration

Samedi matin, huit intervenant-e-s des associations et collectifs cités plus haut présentent leur « profession de foi ». Noredine Iznasni (MIB, FSQP) rappelle les difficultés : « il va falloir faire des efforts sur soi-même, penser qu’on est pas incontournable, penser qu’on n’est pas seul à se battre. Le MIB a toujours dépensé de l’argent pour qu’on se rencontre. Et quand tu créées pas la chose, tu as du mal à rentrer dedans. Tu ne seras pas forcement le porte-parole. Ça tiens pas debout, on n’est pas des millions de militant-e-s. Mais on a mis sur la place publique des questions sur la double peine, les violences policières, les prisons. Que les jeunes des quartiers populaires viennent parler de la misère c’est un fait, mais qu’on continue à faire des ronds de jambes, c’est peut-être qu’on en a rien à faire de nos quartiers populaires ? Comment ils font les pauvres pour militer pour se poser des questions, alors qu’ils doivent penser à manger, à se soigner. Ben ils font une dépression. Ils sont allés dans plein de quartiers. Rentrer dans un parti ça ne m’intéresse pas : on n’y est sacrifié ».

Samedi 19h30, après cinq heures de débat, le but parait atteint. Les associations, les collectifs et les individus qui ont participé à ce forum ont écrit une déclaration commune :

« Les participantes et les participants de la 4e édition du Forum Social des Quartiers Populaires, réunis en Assemblée Générale les 11 et 12 novembre 2011 à St-Denis, actent :

- La création d’un Front Uni Politique Autonome des Quartiers Populaires et des Immigrations pour défendre les intérêts et les droits moraux, civiques, matériels, culturels, sociaux, économiques et politiques des habitantes et des habitants qui y vivent.

Ce mouvement politique n’a pas vocation à remplacer les associations et les organisations existantes mais d’être l’expression politique de notre identité commune. »

« Les participantes et les participants de la 4e édition du Forum Social des Quartiers Populaires, réunis en Assemblée Générale, les 11 et 12 novembre 2011 à St-Denis, ont déclarés se donner deux semaines pour :

- Mettre en discussion - au sein de leur organisation (avec leur base / réseau), leur engagement et la validation (signature) de cette déclaration et de cette démarche politique commune.

Le dimanche 27 novembre, le dernier jour des 3es Rencontres Nationales des Luttes de l’Immigration (25-26-27 nov. à Créteil), nous nous retrouverons, organisations et militantes, de 9h30 à 12h lors du débat qui s’intitule « Vers un front uni des organisations de l’immigration », afin de poursuivre cette démarche commune initiée durant le 4e FSQP.

Lors de cette prochaine rencontre, les Organisations et militant-e-s se déclareront officiellement signataires de la déclaration commune de création d’un Front/Mouvement Uni Politique et Autonome.

Nous pourrons alors mettre en marche sa diffusion publique et déterminer ensemble les nombreuses modalités qui encadrent son adhésion, son engagement, son/ses action(s), son fonctionnement, etc. »

Mouvement Immigration Banlieue : http://mibmib.free.fr/
Tactikollectif : http://www.tactikollectif.org/
Forum Social des Quartiers Populaires : http://fsqp.fr/FSQP-2011-4eme-edition.html
ACLEFEU : http://aclefeu.blogspot.com/
Divercité : http://divercite.free.fr/
Coordination contre le racisme et l’islamophobie : http://www.crifrance.com/
Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives : http://www.citoyensdesdeuxrives.eu/better/
Brigade Anti Négrophobie : http://fr-fr.facebook.com/pages/Brigade-Anti-N%C3%A9grophobie-page-officielle/226672420682372
Les Indigènes de la République : http://www.indigenes-republique.fr/
Rencontres Nationales des Luttes de l’Immigration : http://luttesdelimmigration.org/?p=59

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  • Le 26 novembre 2011 à 01:56, par antifa

    À propos de ces troisièmes rencontres nationales des luttes de l’immigration, qui ont lieu en ce moment : comment se fait-il que, parmi les premiers signataires du texte de soutien à ces rencontres (voir ici), on trouve Bruno Drewski ?

    Pour rappel :
    - Bruno Drewski vient du Réseau Voltaire ;
    - Bruno Drewski a soutenu l’initiative Axis For Peace en 2005 (tout comme le complotiste Thierry Meyssan, Dieudonné, Michel Collon, le leader de Solidarité & Progrès Jacques Cheminade, Helga Zepp-Larouche, la stalinienne Annie Lacroix-Riz, etcetera) ;
    - Bruno Drewski est l’auteur d’un mail contenant des allusions antisémites envoyé à la revue « Militant » (voir ceci).

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