Gris-Oakland est un livre surprenant. Au premier abord on croit ouvrir un polar, mais il ne s’agit pas de cela, même si le récit nous tient en haleine comme tel. C’est avant tout le récit attachant d’une enfance et d’une adolescence d’un fils d’ouvrier dans l’Amérique des années 60 et 70. Un monde où l’on ne survit que grâce à sa force physique, où la vie d’un ouvrier américain ne vaut pas grand-chose, et celle d’un immigré encore moins.
Sans complaisance, l’auteur nous plonge dans des replis dégradés (caravanes, bâtisses délabrées), où survivent les victimes des crises industrielles successives.
Jamais misérabiliste, Gris-Oakland est une peinture de ces hommes frustres et usés, par le rouleau compresseur d’une économie qui les dépasse, mais qui, malgré cette fatigue, essayent de garder leur dignité et se veulent encore debout.
Écoutons la voix de ces anonymes de l’envers du décor du rêve californien : "Tu vois, les maisons où ils habitent, ces salauds ?" Charlie tendit le doigt "Saloperies de baraques. Et sais-tu qui les a achetées ? Toi et moi et ta mère et même ton père. Ces gens-là gagnent de l’argent comme ceci : ils nous paient moins que ce que nous valons, gardent la différence, et nous, on n’y peut rien."
« Gris-Oakland » de Eric Miles WILLIAMSON, aux éditions Gallimard - La Noire
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