Appel de syndicalistes libertaires pour la défense des retraites

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Appel de syndicalistes libertaires pour la défense des retraites

1. La réforme des retraites en cours s’inscrit dans la droite ligne des précédentes casses du système de retraite. Depuis l’adoption du système par répartition, le patronat n’a eu de cesse de chercher à le liquider par différents mécanismes : assèchement des recettes par les exonérations, transfert de financement du salaire à la fiscalité, baisse des pensions par l’allongement des durées de cotisation et le report de l’âge à la retraite.

2. Cet allongement aggrave la situation des travailleuses qui sont particulièrement touchées par ces réformes du fait de la surprécarité, des salaires inférieurs, des temps partiels et des carrière incomplètes imposées par le patronat comme par le patriarcat. Dans la réforme actuelle, les mesures présentées comme favorables aux femmes, avantagent dans les faits ceux qui ont les meilleurs revenus, les hommes.

3. Ce qui est insupportable au patronat, c’est tout ce qui dans le mécanisme actuel repose sur le fonctionnement collectif et solidaire, c’est tout ce qui échappe à la plus-value, donc à l’exploitation. C’est aussi tout ce qui échappe au marché, à la capitalisation.

4. Ces éléments ont été le résultat d’un rapport de force continu, et imposé par la mobilisation collective et les outils du mouvement ouvrier et syndical : grèves interprofessionnelles, boycott, blocage de la production et de la distribution, sabotage des cadences, manifestations de masse...

5. L’Etat a été le fer de lance du démantèlement du système de répartition. Il a imposé d’abord le paritarisme pour briser le contrôle syndical, supprimé les élections de la sécurité sociale pour liquider tout embryon de contrôle ouvrier, permettre la gestion bureaucratique des caisse sur fond d’accord tacite entre MEDEF et organisation syndicale jaune. Il a également utilisé la loi pour assécher les recettes, baisser les pensions, faire passer du capital au travail le financement par le biais de la fiscalité et des exonérations patronales.

6. Le fait que le gouvernement actuel s’inscrit dans la continuité de cette politique de casse menée aussi bien par la gauche que par la droite n’a rien de surprenant : il s’inscrit dans la longue liste des reniements politiques dont les partis de gauche ont fait preuve au cours de l’histoire du mouvement ouvrier. Cela après avoir prétendu, chaque fois qu’ils avaient besoin de voix, défendre les intérêts des travailleuses et des travailleurs. Rappelons que l’un des architectes de la stratégie de casse en cours est Michel Rocard, qui a préconisé dans son « livre blanc sur les retraites » l’essentiel des tactiques mises en œuvre depuis pour cette liquidation progressive.

7. A l’inverse, tous les acquis sociaux ont toujours été le résultat d’un rapport de force de haut niveau, fondé sur la lutte dans les lieux de travail et la rue.
8. Dans ce contexte, seule la mobilisation la plus large, et le blocage collectif le plus ferme de la production et de la distribution, dans les entreprises et les services, sera à même de faire reculer l’Etat et le patronat.

9. Il n’y a rien à attendre de bon d’une stratégie de lobbying, ou d’une position attentiste qui consiste à espérer le moins pire, pas plus de mots d’ordres radicaux lancé sans se soucier de leur mise en œuvre concrète.

10. Nous pensons que nous devons tout mettre en œuvre pour que les structures syndicales organisent cette lutte de masse.

11. Néanmoins, nous pensons également :

● que c’est à chaque syndiquéEs, à toutes les travailleuses et travailleurs avec ou sans emploi, de prendre en charge l’extension de la grève et son organisation.

● qu’il est fondamental de créer des outils permettant de faire circuler efficacement les informations nécessaire à la mobilisation

● qu’il est nécessaire que tous les syndicalistes conscients de la nécessité de construire un rapport de force se mettent en rapport, s’organisent pour réaliser l’unité syndicale à la base.

12. Pour cela il est nécessaire de mettre à distance toute tentative d’instrumentalisation politique par des avant-gardes autoproclamées, par quiconque souhaite faire du mouvement syndical un marche pied pour les élections. Cela passe par une attention toute particulière à la démocratie syndicale, aux décisions collectives des grévistes, au contrôle des mandats. Cela seulement permettra de créer l’unité syndicale et l’unité des travailleuses et travailleurs autour des objectifs propres de la lutte.

13. Une victoire sur le terrain social reste le meilleur moyen de faire reculer fascistes, nationalistes et réactionnaires qui se nourrissent aussi bien de nos échecs que du contexte de crise.

Nous invitons toutes celles et ceux qui se retrouvent dans cette approche, à nous contacter afin de contribuer ensemble à construire un outil de résistance intersyndical à la base.

Tribune syndicaliste libertaire

tribunesyndicalistelibertaire (at) gmail.com

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Tribune syndicaliste libertaire est animée par des militantes et militants syndicalistes libertaires lyonnaisEs, organiséEs à la CGA ou se retrouvant dans ses conceptions de l’action syndicale et adhérentEs de différentes organisations syndicales. Elle a pour objet la diffusion des propositions que font les militant-e-s syndicalistes libertaires, dans le respect de l’indépendance et de la démocratie syndicale, contribuant au débat en cours dans le mouvement syndical, avec pour but le renforcement du rapport de force en faveur des travailleuses et des travailleurs, par le développement des luttes.

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  • Le 16 octobre 2013 à 17:52, par eugene

    Alors, au risque de me répéter, mais pour formuler différemment :

    Sur la relation théorie / pratique, tu dis que ce qui importe est que les gens en lutte soient le véritable « intellectuel collectif », qui, partant de leurs pratiques, élaborent théoriquement.

    Je n’ai pas dit le contraire ; ni le marxisme.

    J’ai à mon sens juste replacé cette relation dans son contexte : l’histoire longue des luttes de classe, leurs flux et leurs reflux.

    Les bases fondamentales de la théorie communiste, de l’anarchisme, comme d’ailleurs des autres courants du monde actuel qu’ils soient ouvriers, bourgeois ou autres, sont un donné historique. Ce donné a été produit dans les luttes : Marx adhère au communisme au contact des organisations d’ouvriers allemands de l’émigration, pas par une illumination idéaliste. Et, de fait, Marx, Bakounine, Kropotkine existent et il serait non seulement vain, mais parfaitement prétentieux de vouloir réviser nos bases fondamentales à chaque mouvement de grève.

    Donc, oui, les mouvements de lutte sont des intellectuels collectifs en ce sens qu’ils élaborent, sur la base des instruments donnés de la connaissance des luttes passées du mouvement ouvrier et de ses acquis théoriques, un certain bilan, une certaine orientation, à un certain moment. Ceux-ci ne dépendent pas de la pure spontanéité, mais de l’histoire, des rapports y compris politiques dans lesquels la lutte s’inscrit.

    Ce que j’appelle marxisme vulgaire c’est la négation de ce fait évident, c’est l’apologie de la spontanéité qui serait par NATURE révolutionnaire. Mais nulle part je ne défends la position inverse qui induirait qu’elle serait par nature réactionnaire !!!

    Sur l’affirmation de l’anarchisme qui postule la supériorité des organisations sociales, ouvertes à tous/tes sur des bases de classe ; aux organisations politiques programmatiques ; à l’inverse du marxisme qui affirmerait l’inverse : encore une fois, on est dans une forme de caricature.

    Ce ne sont pas les partis qui organisent les révolutions ; ce sont les révolutions qui organisent les partis. Bien sûr, il y a dans ce qu’on appelle le « léninisme », c’est à dire la réduction de Lénine à quelques poncifs ridicules et le refus d’un bilan circonstancié et critique d’Octobre, l’idée inverse qui peut transparaître. Mais c’est à mon sens c’est une idée « philosophique » parfaitement inverse au matérialisme historique.

    Sur les cadres statutaires « démocratiques et fédéralistes » du syndicat, je veux bien. Je crois juste que la question aujourd’hui c’est d’investir les gens dans les syndicats, renouer avec l’esprit de lutte, dans certains lieux face à une bureaucratie syndicale complètement vérolée et sans perspectives. Un militant qu’il se dise marxiste ou anarchiste ou n’importe quoi n’est pas un bon militant si il n’est pas capable de rompre avec le style bureaucratique du syndicalisme, avec l’expertise, la spécialisation, la cogestion et l’obsession des « instances » plutôt que de la lutte. Sur le fond, ce n’est pas une question de statuts.

    Sur l’histoire récente, je comprends pas trop ce qu’à avoir la direction de l’EE avec le marxisme.

  • Le 14 octobre 2013 à 16:05, par S.

    Sur les relations entre théorie et pratique, je te renverrais à ce que disent nos camarades urugayens : "Pour théoriser de manière efficace, il est essentiel d’agir".
    Il n’y a aucun mépris pour la théorie dans notre approche. Simplement la conviction que celle-ci doit être au maximum une construction collective, doit émerger de l’expérience collective des luttes et non être importée par la grâce d’une "avant-garde" se voyant comme "éclairant les masses".
    Ce que tu caricatures comme "matérialisme vulgaire", c’est une vision simplement communiste (et non élitiste) de l’élaboration théorique : celle de "l’intellectuelLE collectif/ve" que constitue les oppriméEs en lutte.
    Il est assez symptomatique que tu considères comme nécessairement improvisée une pratique qui s’inscrit hors des schémas avant-gardiste.
    C’est une approche finalement assez classique de celles et ceux qui ne conçoivent pas l’organisation sans hiérarchie.

    En ce sens oui, pour que l’orientation soit réellement portée collectivement, elle doit se construire d’abord sur une pratique de lutte collective (ici la grève), qui permette d’ancrer les débats d’orientation dans le concret.
    Cela n’empêche pas de s’inspirer des expériences concrètes des luttes qui ont précédé le temps de la lutte en cours, simplement ces expériences prennent alors un sens collectif, et non celui que lui donne une minorité dirigeante ou aspirant à l’être.
    Il est sain que des courants d’idée développent leurs vision de l’expérience, des bilans stratégiques des luttes, et ce de manière ouverte et non dirigiste dans les mouvements sociaux.
    Ce qui pose problème c’est lorsque des fractions transposent une approche hiérarchique et dirigistes existant dans leurs courants politique au sein du mouvement syndical.
    Nous n’avons donc encore une fois aucun problème avec le fait de cotoyer des militantEs marxistes dans les mouvements sociaux (c’est en quelque sorte notre pain quotidien). Par contre nous refusons toute pratique avant-gardiste, et toute logique de fraction, toute atteinte à la démocratie dans les luttes. Cette nuance que tu sembles volontairement ne pas vouloir saisir, fait toute la différence, parce que c’est elle qui rend concrètement possible l’unité d’action ou s’y oppose.

    C’est une différence fondamentale de relation éthique avec les mouvements populaires qui découle directement d’une conception radicalement différente de la transformation sociale.
    Car la théorie léniniste attribue au parti un rôle dirigeant et central dans la transformation sociale, et aborde les mouvements populaires à partir de ce postulat, en considérant qu’il sont par nature des espaces réactionnaires hors de la tutelle du parti, ou qu’ils ne jouent au mieux qu’un rôle secondaire, de force d’appoint dans la dynamique révolutionnaire.
    C’est ce qui fait, oui, que lorsqu’une organisation anarchiste discute de sa politique syndicale cela a, par nature, une signification et un effet différent . Parce que l’organisation spécifique anarchiste ne se fixe pas comme objectif de diriger le mouvement syndical, ni le processus révolutionnaire, contrairement au parti léniniste. Parce qu’elle ne considère pas la plan politique comme supérieur au plan social. Parce qu’elle affirme que ce sont les organisations populaires, le plan social, et non les organisations idéologiques, y compris anarchistes, qui jouent un rôle central dans le processus révolutionnaire, et non, comme le font les léninistes, l’organisation idéologique.

    Pour ce qui concerne la FAI, outre que je ne vois pas à quoi tu fais allusion précisément et que tu fais allusion à un contexte syndical totalement différent du contexte français (pas de tradition d’unité organique dans le syndicalisme), je te suggère d’autres lectures que Broué et Témine... :)

    Ce qui est de l’idéalisme par contre, c’est de faire l’abstraction de toute l’histoire des fractions marxistes (y compris trotskystes) et de leurs pratiques au sein du mouvement ouvrier français (par exemple l’encore récente histoire de l’école émancipée...), qui démontrent continuellement par leurs pratiques la validité de notre critique.
    Car nous avons une véritable analyse sur ce qu’a été le mouvement marxiste (que tu t’obstine à confrondre avec le mouvement communiste), « sa dégénérescence, sa « destruction par le stalinisme. »(sic). Elle n’est juste pas identique à la tienne et celle de tes camarades, en ce sens qu’elle n’épargne pas les pratiques fractionnistes non staliniennes, et leurs échecs.

    Bref, l’unité d’action est souhaitable et nécessaire, mais elle n’est possible que dans le respect des cadres démocratiques et fédéralistes du syndicat...

  • Le 3 octobre 2013 à 00:48, par eugene

    Bon il y a beaucoup de choses dans ta réponse qui du coup mériterait chacune une discussion approfondie.

    Le débat sur la primauté de la pratique vs. la primauté de l’orientation en est un qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui dépasse très largement la question syndicale. Les positions des uns et des autres a souvent été caricaturé, et parfois, caricaturales.

    Ce qui est certain, c’est que le mépris pour la théorie se traduit de manière générale par un mépris pour l’action pratique ; par l’improvisation. Et cela fonctionne dans l’autre sens.

    De manière générale, tout mouvement social à ses énoncés, ses présupposés théoriques, et ses critères d’intervention pratique. Il n’y a aucune raison de faire prévaloir les uns sur les autres, puisqu’ils se définissent, précisément, réciproquement. Dire : la pratique vient avant l’orientation, c’est un matérialisme vulgaire (car les pratiques sont conditionnés par des mouvements de fond historique, par le retour réflexif sur le bilan de la pratique, etc.) ; dire l’inverse, c’est de l’idéalisme. Pour moi, il n’y a pas vraiment de sujet, la question est : quelle orientation pour quelle pratique ; ou, identiquement, quelle pratique pour quelle orientation ?

    De manière plus concrète, dire cela n’empêche pas - mais permet au contraire - de critiquer un certain nombre de groupes (réformistes ou « » révolutionnaires « ») qui peuvent avoir tendance à cet « inventaire à la Prévert » dont tu parles ; ou à énoncer sans rapport à la réalité des soi-disant revendications « révolutionnaires », ou être à côté de la plaque, par rapport à l’état réel du niveau d’organisation des gens, aboutissant à l’inverse de l’effet escompté : dans ton exemple, vider des AG. Mais je crois par ailleurs qu’une attitude consistant à simplement accompagner cet « état réel du niveau d’organisation », pour constater ensuite - comme c’est le plus souvent d’usage - qu’il n’est pas suffisant pour « reconduire la grève », aboutit strictement au même résultat. Si d’un côté on a une sorte d’« idéologisme », je crois que de l’autre ce que tu décris est un plat « économisme », qui passe à côté de l’importance du facteur de l’intervention politique pour pousser en avant la situation.

    Sur les précisions historiques que tu apporte, très bien - mais je ne crois pas qu’elles répondent à mes arguments.

    Pour toi, il y a une sorte de diable, qui serait la « commission syndicale » d’une organisation communiste, et qui du fait même de son existence sèmerait la division de classe - et cela sans véritable analyse sur ce qu’a été le mouvement communiste, sa dégénérescence, sa destruction par le stalinisme.

    Par contre qu’une organisation anarchiste discute de sa politique syndicale aurait, par nature, une signification et un effet différent (comme le montre si brillamment l’exemple espagnol de la fraction FAI et de sa grande sensibilité autogestionnaire). Et du coup je ne pense pas qu’invoquer cette théorie des « contre-fractions », au nom de la « défense de la démocratie et des statuts » face au méchant communisme révolutionnaire assimilé pêle-mêle aux sociaux-démocrates et pourquoi pas aux démocrates chrétiens, soit autre chose que, pour le coup, de l’idéalisme - sinon un tour de passe-passe rhétorique.

    Sur l’éloignement des couches les plus exploitées des syndicats : tu as raison de dire qu’il est lié aux courants politiques qui agissent en leur sein - mais seulement en partie, à mon sens ; mais non pas du fait qu’il s’agisse de courants politiques ; mais du fait de leur politique concrète. Et celle-ci à une base matérielle, et non idéelle. Bien sûr, c’est ce qu’on appelle le trade-unionisme, c’est cette tradition-là ; à laquelle nous comme vous opposons la tradition des syndicats d’industrie, des bourses du travail, des comités de sans-travail, etc.

    Mais, encore une fois, si ce premier modèle a prévalu sur le second, c’est qu’il faut en chercher les causes profondes dans la structure de la société ; et pas dans les méchantes (contre) « fractions » qui, pour l’heure, s’agitent vainement à la surface des choses. Et je répète, c’est de ce point de vue là que les termes mêmes de cette discussion sont sans grand rapport avec le réel ; c’est à dire que la vraie question de la lutte de classe aujourd’hui est de pousser à sa reprise, sur des bases de lutte. A part un sectarisme ridicule (et suicidaire), et indépendamment des analyses portées par les uns ou les autres sur les questions énumérées plus haut, il n’y a aucune raison sinon le folklorisme de courant de créer sur ce terrain là des obstacles à l’action commune des anarchistes et des communistes.

  • Le 24 septembre 2013 à 13:14, par S.

    Une réponse un peu tardive (beaucoup de truc sur le feu en ce moment...).
    Alors premièrement on touche ici effectivement une divergence de taille entre l’approche léniniste des syndicats et l’approche syndicaliste libertaire.
    C’est effectivement un classique des léninistes de donner une priorité à l’orientation sur la question de l’organisation. Le problème c’est justement que ça n’a rien de matérialiste, mais tout au contraire d’une posture idéaliste.
    Bien sur que la question de l’orientation a son importance, mais la question c’est comment celle-ci se construit : est-elle nécessairement amenée « du dehors des syndicats » ou peut-elle être aussi élaborée en leur sein, en lien avec la pratique ? Est-elle un préalable ou peut-elle être le produit d’une pratique commune ?
    Dans un mouvement de grève, ce qui permet qu’une élaboration stratégique collective soit une réalité (et ne soit pas juste un « discours » d’une minorité, sans transcription pratique), c’est le fait qu’elle soit élaborée par le plus grand nombre, en lien justement avec le niveau du rapport de force construit. Donc la priorité dans une phase de construction de la grève n’est pas « le bon mot d’ordre », « l’orientation pure », mais ce qui permet de mettre le plus grand nombre de personnes en mouvement, et de décider collectivement, d’avoir une maîtrise sur la suite de la lutte.
    La plus belle orientation du monde ne reste que des mots si elle n’est juste qu’un discours, même voté de guerre lasse par la majorité d’une assemblée qui se vide petit à petit de toutes celles et tous ceux qui souhaiteraient lutter mais sont pour le moment en désaccord avec des revendications qui au stade de départ d’une lutte leur semble très éloignées du réel.
    C’est exactement ce qui s’est passé à Lyon en 2009 par exemple, ou les conflits sur l’orientation ont réussi à vider des assemblées de centaines de grévistes, qui y venaient avant tout non pas pour discuter pendant des heures d’un inventaire revendicatif à la prévert ou de grandes revendication révolutionnaires, mais pour y trouver des ressources permettant de développer, élargir le rapport de force, en reconduisant la grève, en créant des ponts avec les autres secteurs grèvistes (ce qui a été un peu plus le cas en 2010...)

    Alors que l’engagement dans un mouvement, même sur des revendications restreintes, dès lors que celui-ci est auto-organisé, nous donne à toutes et tous progressivement conscience de notre force collective, et permet d’exiger toujours plus, mais de manière collective, avec un réel rapport de force, et non simplement la satisfaction d’avoir raison, seulEs contre touTEs.

    Sur l’histoire de la division syndicale :
    D’abord parler d’anarchosyndicalisme en 1914 est un anachronisme total. Si le terme existait en russie, ce n’est pas du tout le cas ou c’est le terme de syndicalisme révolutionnaire qui était utilisé, y compris par les syndicalistes libertaires.
    La scission post 1918 a été justement l’effet d’une fraction politique liée à la SFIO et aux partisans de l’union sacrée. A l’époque, les opposant à jouhaux, regroupés dans les CSR, faisaient précisément un travail de contre-fraction, et non de fraction, contrairement à ce que tu affirmes.
    Les CSR regroupaient non pas les partisans d’une organisation politique (même s’il comptait des anarchistes, des partisans des premiers PC, etc...), et c’est pour cela que la CGTU au départ, était une scission imposée par la fraction réformiste/SFIO. En cela les CSR n’avaient rien d’une fraction : ils se regroupaient sur la base d’une plateforme de rétablissement du fédéralisme syndical, de respect des fonctionnements organisques des syndicats.

    Ce n’est que lorsque le PCF, par l’intermédiaire de sa commission syndicale, a a son tour entammé une politique de fraction, que cela a créé une nouvelle scission, poussant des syndicats vers l’autonomie ou vers la CGT-SR)

    Donc oui on peut dire à chaque fois que la division syndicale en France a été le produit de fractions.

    De même, tu as une vision particulière de la période de 36. Ce n’est pas le « front populaire » qui a poussé les syndicats à l’unité, mais la base ouvrière et syndicale qui a obligé OS et parti politique à l’unité (en faisant converger les cortège par exemple), dans un contexte de montée du fascisme.
    Evidemment, les contours de cette unité ont été étroitement limité, encore une fois, par les structures politiques, et c’est bien le mouvement d’occupation d’usine qui a débordé ce cadre, contre la logique légaliste du front populaire. Ce mouvement d’occupation d’usine n’aurait sans doute jamais eu lieu sans la dynamique unitaire, impulsée non au sommet mais à la base. De même que l’unité CGT-CFDT de 66, sous pression de la base, a joué un rôle déterminant dans la dynamique de grève générale de 1968.

    Bref, on peut bien entendu critiquer la Chartes d’amiens comme insuffisante, mais elle à au moins un mérite : d’affirmer la priorité de la construction de l’action syndicale sur la base de la nécessité, des intérêts concrets des classes exploitées, et non avec comme préalable l’adhésion à une idéologie.

    Pour le reste, je répète ce qui distingue une fraction et une contre-fraction, que tu ne semble pas saisir :

    l’une défend l’orientation d’un parti politique dans le mouvement syndical, au mépris des cadres de décisions démocratique, considérant que l’orientation prime sur la démocratie et le fédéralisme syndical.
    L’autre regroupe des syndiquéEs quel que soit leur idéologie avec pour seul programme le rétablissement de la démocratie syndicale et du fédéralisme face aux activités antidémocratiques d’une fraction.

    Après, que chaque syndiquéEs défendent ses orientations, en étant inspiré par des courants idéologiques, c’est une chose saine dans le mouvement syndical, dès lors que le cadre démocratique et fédéraliste est respecté.

    Tu dis
    « qu’une coalition ouvrière pour défendre sa force de travail dans le cadre du salariat - ce qu’est effectivement un syndicat - a une tendance naturelle à coaliser ceux qui peuvent le plus facilement l’être, non pas du fait de sa forme d’organisation plus ou moins démocratique, mais des divisons existantes parmi les travailleurs-ses en terme de condition de travail, de qualification, etc. Les statistiques de syndicalisation sont claires. »
    Or ces statistiques ne prouvent qu’une chose : la division syndicale, entrainée par l’action des fractions politique, éloignent le mouvement syndical des enjeux d’organisationd e tous les secteurs des classes exploitées, pour le diriger vers des problématiques électoraliste et/ou l’intégration de secteurs « hors classe » (exemple les flics, les cadres dirigeants...) puisque ce qui est le liant n’est plus l’appartenance à une même classe mais la « communauté de valeur idéologiques »(sic). Cette prétendue tendance naturelle est en fait historiquement lié au modèle trade-unioniste, et non au modèle syndical. Or le modèle trade-unioniste associe corporatisme syndical, et délégation a des partis de l’action en faveur des intérêts généraux du salariat.

    Le modèle syndicaliste correspond à celui de minorité agissante, et il a justement pour mérite d’associer à la fois respect du fédéralisme et de la démocratie syndicale et recherche d’organisation des secteurs les plus exploités. Nulle besoin d’une « avant garde » pour cela (parce que d’ailleurs, au vu de la composition sociologique dédites avant-gardes (sic), elles ont encore moins fait la preuve que les syndicats de leur capacité à « se tourner vers les travailleurs/ses les plus exploitées », de leur offrir un cadre d’organisation...)

  • Le 11 septembre 2013 à 16:57

    J’ai oublié de répondre sur un autre point : sur l’actualité ou la non-actualité de ces questions, du débat sur les « fractions ». Je me suis peut-être mal fait comprendre : oui, aujourd’hui, il y a dans les syndicats plein de gens qui agissent de manière « fractionnelle », et en premier lieu la « bureaucratie » dirigeante, à la CGT comme ailleurs ; mais également tout un panel d’organisations plus ou moins révolutionnaires ou se proclamant telles.

    Ce que je voulais dire en parlant d’absence d’actualité, c’est que tout cela se passe grosso modo complètement à l’extérieur de la masse des exploité-e-s ; de leurs préoccupations quotidiennes. C’est un peu de l’ordre des habituelles tempêtes dans un verre d’eau du milieu militant.

    Pour que cette discussion corresponde à une petite réalité, il faudrait d’abord ce qu’évoque Raph, une reprise de la lutte de classe, un « vent de liberté », bref, que l’organisation syndicale agissant sur des bases de lutte soit un objet réel, pas fantasmé et pas l’apanage d’un petit milieu. Là, pour le coup, ce serait dans la pratique que la politique des uns et des autres pourrait être vérifié. Ce qui est d’actualité, c’est plus d’agir pour cette reprise de la lutte, de l’organisation économique sur des bases de classe. C’est à mon avis plus du point de vue des besoins de cette reprise qu’il faut discuter.

  • Le 11 septembre 2013 à 11:27

    Je veux bien accepter le terme d’ « éthique », même si à mon sens, si on est matérialiste, il est tout à fait insuffisant pour caractériser une attitude pratique, vis-à-vis du syndicalisme ou d’autre chose d’ailleurs.

    Il faudrait regarder les critères d’action qu’on met derrière cette « éthique ». Grosso modo, le critères d’action que tu énonces, c’est : priorité à l’auto-organisation. Pour le coup, si on parle du syndicalisme, je suis tout à fait d’accord : mais ça n’épuise pas le débat, s’auto-organiser, oui, mais pourquoi faire ? Tout dépendra de l’analyse qui est portée sur la période, sur ses possibilités, c’est à dire d’une orientation qui sera proposée par tel ou tel courant existant, ou par plusieurs.

    Mais dans tous les cas au regard de ces critères-là il faut avoir une analyse un peu fine de l’histoire du mouvement ouvrier, par exemple sur l’histoire de la division syndicale. Tu ne peux par exemple pas considérer que les fauteurs de division syndicale suite à la première guerre mondiale sont à titre identiques les communistes et les réformistes qui ont soutenu l’union sacrée ; les Jouhaux et les Monatte ; les premiers ayant expulsé les seconds, avec les anarcho-syndicalistes et les anarchistes qui avaient lutté contre la guerre. Il n’en va plus de même avec la politique du stalinisme montant qui lui adopte une politique à la fois de refus de l’autonomie organisationnelle des syndicats et de division volontaire.

    Mais de même l’ « unité » n’a pas de contenu positif en soi, on le voit avec la réunification de la CGT en 36 sur la base du « front populaire » qui fixe des limites a priori à la lutte de classe, dans le cadre d’une politique d’alliance en vue de défendre la démocratie bourgeoise menacée.

    Dans chacun des cas on voit que ce qui se passe sur le plan « politique » trouve une traduction sur le plan « social », et réciproquement car c’est le niveau de la lutte de classe qui détermine les rapports de force « politiques ». Dire comme la charte d’Amiens : la politique organisée, hors des syndicats, n’y change absolument rien sinon qu’elle masque ce phénomène réel. Sur le fond, elle ne constitue en rien une garantie du point de vue révolutionnaire : partisans comme adversaires de celle-ci se sont pour la plupart ralliée à l’union sacrée.

    Il est bien évidemment bien plus sain que des « courants » et des « tendances », clairement identifiables, s’affrontent, dans le cadre des statuts de l’organisation syndicale. Toutefois si on regarde l’histoire réelle les « fractions » sont nées de deux phénomènes : les fractions bureaucratiques de la nécessité de lutter contre la révolution ; les fractions révolutionnaires de la nécessité de se prémunir des persécutions, exclusions, dénonciations, auxquels les « réformistes » ont toujours recouru contre l’aile révolutionnaire des syndicats, en période de lutte de classe intense. Mettre sur le même plan ces deux phénomènes, et dire : le « fractionnisme », c’est dans les gênes de tous les courants politiques sauf nous, plutôt que dans la dynamique même de leur affrontement, c’est être de mauvaise foi. Surtout que toi-même tu parle de la nécessité de « contre-fractions ».

    Pour finir, sur le « politique » et le « social », les organisations idéologiques et les organisations d’intérêts : formellement, oui, tu as raison, elles ne se constituent pas sur la même base. Sauf qu’une coalition ouvrière pour défendre sa force de travail dans le cadre du salariat - ce qu’est effectivement un syndicat - a une tendance naturelle à coaliser ceux qui peuvent le plus facilement l’être, non pas du fait de sa forme d’organisation plus ou moins démocratique, mais des divisons existantes parmi les travailleurs-ses en terme de condition de travail, de qualification, etc. Les statistiques de syndicalisation sont claires.

    Il faut donc un certain volontarisme, une certaine politique syndicale pour aller contre ce phénomène d’ « aristocratie ouvrière », pour se tourner vers les travailleurs/ses les plus exploitées, et pour prendre en charge les intérêts plus généraux de la classe travailleuse. Pour proposer aussi des formes d’organisations plus larges qui permettent d’englober, en période de lutte, des personnes que ne touchent pas du fait se sa composition l’organisation syndicale habituellement. De ce point de vue aussi, si le caractère « démocratique » de ces organisations est extrêmement important, il est conditionné d’abord par une politique déterminée, qui va au-delà de la « démocratie syndicale » qui est le cadre de discussion d’une minorité infime de travailleurs.ES, notamment en terme de détermination des revendications.

    Quant à dire qu’aux yeux de cette politique-là l’ « avis des travailleurs-ses » ne compte pas, c’est un peu un procès d’intention.

  • Le 10 septembre 2013 à 09:16, par raph

    Il me semble que la forme organisationnelle importe autant que le contenu « politique » ou « syndical ». D’une part, car la possible réussite révolutionnaire dépend avant tout de l’expérience acquise par le mouvement ouvrier. Expérience qui passe par sa capacité à prendre en main la production, à s’auto-organiser et à se coordonner. D’où l’importance, dès aujourd’hui, des pratiques de démocratie syndicale. D’autre part, tout mouvement révolutionnaire, mué ou non en dictature par la suite, s’est constitué par un mouvement ouvrier relativement autonome (influencé, certes par certaines organisations politiques). C’est le vent de liberté qui amène les salarié-e-s à poursuivre une lutte jusqu’au bout. Et cela passe par d’autres formes d’organisation que celle hiérarchiste ou manoeuvrière, dont nous sommes accoutumés dans notre boîte ou notre ville.

    Je ne connais pas le terme de « contenu réel ». Un contenu reste un contenu, qu’il soit plus ou moins franc du collier : c’est à dire un programme, un ensemble de phrase, une volonté collective abstraite. Je ne dis pas que ce n’est pas important, mais je réfute le terme de « contenu réel ».

    Il ne s’agit pas de monter tel mouvement contre tel autre. L’important, il me semble, est de savoir si l’unité doit se faire derrière un contenu avec des pratiques plus ou moins en phase ( et c’est pas grave car le contenu est juste). Ou si l’on développe des pratiques de démocratie et de lutte émancipatrice et qu’on discute du contenu révolutionnaire de celles-ci et du comment les généraliser.

  • Le 9 septembre 2013 à 20:44, par S.

    Ton propos est tout à fait cohérent avec une vision léniniste classique du courant syndical. Ce n’est pas la nôtre.
    Du point de vue de l’indépendance syndicale, de l’autonomie ouvrière et plus largement des classes laborieuses, il est tout à fait cohérent de renvoyer dos à dos les électoralistes et ceux que tu qualifies de « révolutionnaires », qui sont en fait des avant-gardistes aspirant à diriger « les masses ».
    Les 2 sont facteurs de divisions syndicale, les deux prétendent « éclairer les masses » , veulent diriger, commander pour faire en sorte que les mouvements sociaux servent leurs propres objectifs en se basant sur la maxime « selon laquelle se servir est la meilleure façon de servir les autres ». En ce sens ils ne luttent pas pour le bien collectif des mouvements.

    Je comprends que ça pique de l’affirmer, mais c’est quelque chose qu’il n’est pas compliqué à constater, dans le mépris qu’affichent les deux pour les décisions et la construction collective, la capacité des syndiquéEs de décider, sans la tutelle d’un parti.

    Pour le reste :

    La différence entre le plan social et le plan politique est simple : les organisations du plan social se créent à partir de la nécessité, celles du plan politique à partir l’idéologie. Cela ne signifie pas que les organisations sociales ne font pas de politique, au sens général du terme, ou qu’elles ne sont pas parcourues par des idéologies diverses, mais qu’elles se sont créées sur la base de besoins et non sur celle d’une affinité idéologiques. C’est une différence de nature, qui n’implique pas nécessairement de hiérarchie entre les 2. La différence entre léninistes et anarchistes-communiste partisants de l’organisation spécifique se situe
    d’ailleurs en partie sur ce terrain : alors que les léninistes considèrent le plan politique/idéologique comme supérieur au plan social, et placent le parti/l’orga politique au dessus des syndicats (« incapables de dépasser la conscience trade-unioniste ») ou autres organisations populaires, les anarchistes-communistes et syndicalistes libertaires ne considèrent pas les organisations idéologiques libertaires comme supérieures aux orgas populaires ou syndicales, puisqu’à la différence des léninistes, ce sont les mouvements populaires, et non l’orga idéologique (le parti chez les léninistes) qui jouent le rôle centrale dans les luttes et la transformation sociale. Ceci implique une relation éthique radicalement différente aux mouvements sociaux. Il ne s’agit pas « d’étiquette » mais d’une différence de conception fondamentale, qui se traduit par une différence de pratique dans les luttes. Alors que l’essentiel de l’énergie des léninistes vise à faire adopter, par quelque moyen que ce soit, la « ligne juste », celle du parti, l’énergie des syndicalistes libertaires est consacrée avant tout à soutenir le développement de cadre d’auto-organisation, de décision collective, de débat collectif et de solidarité, visant la participation la plus large aux luttes, et à l’élaboration politique qu’imposent les nécessités de la lutte selon le principe que « la politique est l’affaire de touTEs les oppriméEs ».

    Les organisations syndicales sont nées de la nécessité concrète de s’organiser pour lutter face aux patrons. En ce sens, elles cherchent à regrouper les travailleuses et travailleurs sur la base de leurs intérêts de classe, et non de leur idéologie. Bien sur, elles sont parcourues par des courants idéologiques. Il ne s’agit pas de le nier. Le débat politique est sain dans les syndicats, dès lors que « rien n’est étranger au syndicalisme ». Mais il y a une nuance entre débattre politiquement de l’orientation syndicale, et mener une politique de fraction, se substituer aux fonctionnements démocratique en imposant une ligne par différentes techniques bureaucratiques ou de manipulation de groupe.
    Ce que nous refusons c’est qu’une organisation politique (y compris anarchiste) exerce une relations de domination sur l’organisation syndicale ou l’organisation populaire, cherche à l’idéologiser et à faire de l’adhésion à une idéologie (et non la nécessité) la base de l’organisation collective.
    A chaque fois que des partis politiques ou organisations politiques ont cherché à le faire, le résultat a été la division syndicale, et donc l’affaiblissement.

    Une organisation anarchiste conséquente, à mon sens, ne cherche pas à dominer le mouvement syndical, c’est à dire à lui imposer une ligne. Elle n’aspire pas à prendre le pouvoir dans le syndicat. Elle n’aspire pas à faire du syndicat un « syndicat anarchiste », ce qui n’aurait que pour effet d’en exclure toutes les travailleuses et les travailleurs non anarchistes. Elle prend sa part au débat syndical, mais ne cherche pas à accaparer les postes (à la différence des électoralistes et des avant-gardistes), ni à imposer sa ligne.
    Elle entretient une relation éthique avec le mouvement syndical en ce sens justement qu’elle n’estime pas que la fin justifie n’importe quels moyens.
    Elle ne réalise pas un travail de fraction, mais peut participer à un travail de « contre-fraction » : c’est à dire s’organiser avec d’autres syndiquéEs, non sur la base de l’idéologie, pour faire adopter un programme anarchiste, ou pour prendre la direction d’un syndicat, mais pour défendre la démocratie syndicale face à la volonté d’un parti ou d’une clique bureaucratique de fouler au pied la démocratie syndicale et le fédéralisme syndical (qu’ils considèrent comme « abstraits » ou secondaires car persuadés de savoir « ce qui est bon pour les syndiquéEs ou les classes oppriméEs ». Cette pratique de contre-fraction a été théorisé par l’Alliance syndicaliste révolutionnaire et Anarchosyndicaliste, mais s’inspirait notamment de l’expérience des « comités syndicalistes révolutionnaires » regroupant l’opposition syndicale à la bureaucratie réformiste et ses manoeuvres antidémocratiques dans l’après première guerre mondiale.
    C’est ici que se distingue radicalement la pratique d’une minorité active de celle d’une avant-garde : la relation éthique.
    L’exemple que tu prends pour justifier l’activité fractionniste est d’ailleurs intéressante, en semble ignorante (volontairement ?) des alternatives existantes, qui permettent de structurer une opposition syndicale au chauvinisme sans sacrifier à l’indépendance syndicale : celle des courants syndicaux ou des tendances syndicales, dont la nature est fondamentalement différente de la fraction.

    Quant à dire que les manoeuvres fractionnelles ne sont pas d’actualité, je ne sais pas dans quelle OS tu te trouves, camarade, mais elles existent dans toutes les organisations syndicales et il suffit d’observer un peu attentivement pour s’en rendre compte... Que tu considère la question de la démocratie syndicale comme une abstraction est d’ailleurs révélateur de cette approche avant-gardiste, qui ne voient les syndiquéEs et les travailleurs et travailleuses que comme une masse à éclairer, dont l’avis ne compte pas : une position élitiste tout à fait classique des avatars du léninisme.

  • Le 8 septembre 2013 à 22:02

    Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la conception générale du syndicalisme que tu expose ici, mais la première c’est qu’il n’est pas correct pour un courant de prétention révolutionnaire de renvoyer dos-à-dos dans les syndicats les électoralistes et les autres révolutionnaires, sous le prétexte de la Chartes d’Amiens.

    Sur le fond, cette histoire de « masses à diriger » vs. « organisation de classe » doit s’examiner sur la base de critères pratiques, pas de déclarations formelles. On a vu dans l’histoire du mouvement ouvrier bien des fractions anarchistes dans les syndicats, dont les méthodes ne différaient pas fondamentalement des « marxistes » ou des « sociaux-démocrates » - y compris et jusqu’à un travail secret de fraction. Mais si la question de la méthode a évidemment une importance fondamentale, elle est d’abord conditionné par l’objectif.

    C’est donc de l’objectif révolutionnaire qu’il faut partir et cet objectif interdit justement toute distinction entre un plan soi-disant « politique » et un plan soi-disant « social ». Le courant « chartes d’Amiens » du syndicalisme en demandant aux syndiqués de laisser leurs convictions aux vestiaires crée autant - sinon plus - cette distinction que la conception dite « courroie de transmission » lorsqu’elle politise ARTIFICIELLEMENT le syndicalisme et/ou enfreint par principe son autonomie organisationnelle.

    Mais encore une fois la question fondamentale n’est pas la forme d’organisation, mais son contenu : de ce point de vue là et sous réserves de quelques formulations, je ne vois pas quels motifs seraient recevables pour introduire une division basée sur des étiquettes idéologiques collées a priori (avant-gardistes, blabla) entre les militant.e.s qui pensent qu’il faut bloquer l’actuelle offensive capitaliste.

    Inversement, indépendamment du fait que ce n’est absolument pas d’actualité mais plus une pétition de principe, il faut analyser ce que tu appelle les « manœuvres fractionnelles » (etc.) non pas du point de vue abstrait de la « démocratie syndicale » en général, mais du point de vue de leur contenu réel, sauf à tirer un trait d’égalité entre tout, à adopter une attitude complètement indifférentiste vis-à-vis des courants d’idée qui existent dans le mouvement ouvrier, ainsi qu’à refuser par principe des formes d’action (le dit « fractionnalisme ») que les événements eux-mêmes peuvent conduire à rendre obligatoires (exemple : existence d’une majorité chauvine dans le mouvement ouvrier en période de guerre).

  • Le 8 septembre 2013 à 18:24, par S.

    Alors tout simplement :
    Le mouvement syndical est d’abord composé de très nombreux et nombreuses militantEs qui n’ont aucune appartenance partidaire, ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux et elles d’avoir une pratique de classe, et une pratique respectueuse de la démocratie syndicale et du fédéralisme. Une pratique qui ne considère pas le syndicat comme un réservoir de voix ou comme une masse à diriger, mais comme une organisation de travailleuses et travailleurs ayant pour objectif la défense de leurs intérêts.
    L’immense majorité d’entre elles et eux ne se définissent pas comme anarchistes, et cela n’empêche nullement de se retrouver autour d’une orientation syndicale combattive et démocratique.
    C’est ce que nous faisons au quotidien dans nos syndicats.

    De même, il existe un nombre important de syndicalistes qui, tout en ayant une sympathie partidaire, ou une appartenance à un parti, ne considèrent pas le syndicat comme une « courroie de transmission » du parti, et respectent la Chartes d’Amiens. Ils et elles ne considèrent pas le syndicat comme une « reserve de voix », mais comme un cadre d’organisation commun avec des travailleurs et des travailleuses qui peuvent défendre des options politiques différentes, mais avec lesquelLEs ils et elles souhaitent s’organiser, par nécessité, pour défendre leurs intérêts de classe.
    Celles et ceux-ci ne confondent pas organisation politique et organisation syndicale, ne considèrent pas le plan politique comme supérieur au plan social, n’effectuent pas un travail de « fraction » visant à acaparer les instances de décision syndicale, respectent la démocratie syndicale, et débattent dans les instances syndicales, sans user de manoeuvres visant à promouvoir des intérêts étrangers au syndicalisme.

    Il en est tout autrement de celles et ceux qui subordonnent le syndicalisme à leur action politique, et considèrent le plan politique comme supérieur au plan social. Ceux-là se comportent concrètement en avant-garde auto-proclamée, en voulant imposer une « ligne » au mépris de la démocratie syndicale ou la démocratie grèviste, ou agissent comme le relais concret, les « bras armés » de carriéristes politique qui ne voient dans le syndicat (ou dans les mouvements de grève) qu’un moyen d’accéder au pouvoir.
    Leur action a été historiquement à la source non seulement de la division syndicale, mais aussi d’un affaiblissement de l’action syndicale, les syndicats étant instrumentalisés dans une logique de conquête du pouvoir par un parti. C’est ce genre d’action sectaire et partidaire qui empêche l’unité, et c’est pour cela qu’il n’y a aucune contradiction entre la défense de l’unité syndicale, et la dénonciation de manoeuvres fractionnelles avant-gardistes, électoralistes ou bureaucratiques.

    L’unité à la base se fait donc hors de tout contrôle d’appareils avant-gardistes ou électoralistes, qui ne sont que des sources de division, et qui privent par leur manoeuvres grévistes et syndiquéEs de leur pouvoir de décision.

    Pour quoi faire : en premier lieu, pour mettre en échec l’attaque en cours (ça c’est le consensus minimal des syndicalistes de luttes autour duquel l’unité peut se faire immédiatement) , et en second lieu (et là ce n’est pas nécessairement consensuel, mais c’est ce que nous défendons et proposons à débat dans le mouvement syndical et le mouvement social, dans le cadre des instances démocratiques qui existent ou dont se doteront les grévistes) pour reprendre l’offensive sur le terrain revendicatif autour des axes historiques du mouvement ouvrier : baisse du temps et de la durée du travail (donc des annuités), augmentation des salaires -directs et indirects, dont les retraites- et suppression de la CSG, défense de l’égalité salariale, lutte contre la précarité, défense et extension des éléments de socialisation, combat pour le contrôle de la production et de la distribution par les travailleuses et travailleurs...

    Pour approfondir, on a détaillé tout ça dans notre brochure « les enjeux de la lutte syndicale », disponible à la Plume Noire, à la Gryphe, à Terre des Livres ou auprès des militantEs.

  • Le 7 septembre 2013 à 17:27

    Il y a un truc que je ne comprends pas : d’un côté, il est dit qu’il faut le rapprochement de tous les syndicalistes conscients de la nécessité d’une riposte ; d’un autre, qu’il faut écarter les « avant-gardes » (sous-entendu, les communistes non-anarchistes) et les « marche-pieds électoraux » (sous-entendu, les militants PC/PG etc.).

    Donc, en gros, il faut que les syndicalistes anarchistes fassent l’unité avec les syndicalistes anarchistes ? Et d’autre part, pourquoi faire ? Quel est l’objectif revendicatif et où est-il énoncé ?

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