La vérité tue ! Nous n’oublierons pas Anna Politkovskaya

2119 visites

Ce sont une soixantaine de personnes qui, à l’appel du comité Tchétchénie de Lyon, sont venues place des Terreaux ce mardi 10 octobre 2006 pour rendre hommage à Anna Politkovskaya, la courageuse journaliste russe de Novaya Gazeta assassinée samedi soir à Moscou par un commando.
Voir aussi l’article précédent de Rebellyon.

JPEG - 424 ko

Voici le texte du discours prononcé par Bleuenn Isambard [1] :

Anna Politkovskaya condamnée au silence à perpétuité


Anna Politkovskaya réduite au silence pour avoir parlé.


La vérité tue.

Comment pourrait-on exprimer tout ce qui bouillonne en nous : la colère, le désespoir, la tristesse, la rage, le sentiment d’impuissance ?

Comment dire cette envie d’hurler et en même temps cette pesanteur, cet engourdissement de la volonté devant une telle violence, devant un tel arbitraire, une telle impunité ?

Quels mots pour raconter le dégoût que nous inspirent la guerre en Tchétchénie, les morts, les disparus, les destructions, et, terrible, le déni de cette barbarie, les plaies vives recouvertes d’enduit, de peinture et de plâtre dans un Grozny transformé en chantier géant ?

Car les mots sont des armes, c’est bien connu, et ils peuvent tuer, ou plutôt condamner à mort. Ils l’ont prouvé, samedi dernier, le 7 octobre, en plein centre de Moscou. Une femme qui venait de faire ses courses portait ses sacs de provisions dans son appartement. Mais à la sortie de l’ascenseur l’attendait un meurtrier. Une balle dans la poitrine, une autre dans la tête. Vivante, morte.

Elle était journaliste. Immédiatement, quelques minutes après la découverte de celle qui n’était plus une femme vivante mais déjà un cadavre, l’information était transmise, publiée — et on ne parlait d’Anna Politkovskaya plus qu’au passé...

Elle était journaliste. Elle était courageuse. Elle était surprenante. Elle était dérangeante. Dès 2000 elle a ouvert non pas une autoroute, mais un chemin, un sentier pour les journalistes et les autres, avides de vérité, vers la Tchétchénie dévastée une deuxième fois en 10 ans par la guerre. Elle a montré que c’était possible d’y travailler en dehors des sentiers battus, à ses risques et périls, bien sûr, mais de parvenir tout de même à recueillir la vérité et la restituer, à briser le huis-clos dans lequel les autorités voulaient maintenir le conflit.

Elle a prouvé que l’humain, avec toutes ses faiblesses et avec toute sa grandeur, peut résister à la machine infernale, au rouleau compresseur du pouvoir armé et décidé à en finir avec l’ennemi auto-proclamé, en l’occurrence avec les Tchétchènes dans leur ensemble. Elle a sans relâche dénoncé les crimes commis par l’armée russe en Tchétchénie contre des civils, au nom de la lutte anti-terroriste, mais aussi par les combattants tchétchènes, puis par les hommes de Ramzan Kadyrov, l’homme fort de Tchétchénie depuis plusieurs mois maintenant, premier ministre, autocrate et héritier de son père Akhmad Kadyrov, président tchétchène pro-russe assassiné en mai 2004 à Grozny, devenu un mythe fabriqué de toutes pièces.

Que nous reste-t-il devant ce crime ? Evitons de pleurer sur notre sort, pensons plutôt aux proches, à la famille et aux collègues d’Anna Politkovskaya. Et tâchons d’apporter tout notre soutien à ceux qui, comme elle, se battent pour que la vérité soit dite, sorte, éclate. Pour que les meurtriers, leurs commanditaires, et tous ceux qui avaient intérêt à ce que cette femme se taise pour toujours ne dorment pas sur leurs deux oreilles. Pour dire à ceux qui ne se disent pas concernés combien il nous semble vital de se battre pour la justice. Et contre la barbarie. Pour que ce meurtre, la mort de cette grande femme ne reste pas impunis, faisons en sorte de ne jamais l’oublier, de convertir la rage qui nous emplit aujourd’hui en un désir toujours plus accru de savoir.

Comité Tchétchénie de Lyon
Contact : 06 82 45 60 28

JPEG - 446.3 ko

P.-S.

Voir aussi La dernière interview d’Anna Politkovskaya sur Indymedia-Toulouse

Notes

[1Bleuenn Isambard : membre de Médecins du Monde, co-auteur de « Tchétchénie, 10 clés pour comprendre », éd. La découverte.

Publiez !

Comment publier sur Rebellyon.info?

Rebellyon.info n’est pas un collectif de rédaction, c’est un outil qui permet la publication d’articles que vous proposez. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment être publié !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail contact [at] rebellyon.info

Derniers articles de la thématique « Médias » :

>Comment étouffer un homicide policier

Flagrant Déni livre un dossier sur le silence qui entoure les homicides policiers. A partir de différentes affaires, il explore les différents mécanismes par lesquels policiers, procureurs et journalistes concourent à priver les victimes du droit à la vérité.

>Mobilisé.es pour la guerre froide ?

Avouons-le, on a frissonné, enfants, devant la mine patibulaire du méchant russe dans James Bond. Plus tard, on s’est excité.es sur nos manettes dans les jeux vidéos américains où les zombies avaient des accents arabes ou latinos. Puis on a grandi. On s’est aperçu.es que le monde était un peu...

>Faisons taire les voix de l’extrême droite

Action du Comité de Lutte Lyon devant le siège de BFM Lyon ce mardi 9 pour dénoncer la participation active des groupes de médias privés à la diffusion des idées d’extrême-droite.

› Tous les articles "Médias"

Derniers articles de la thématique « Militarisme / Armements » :

>Appel à désarmer l’empire Bolloré !

Alors que l’Arcom étudie ce lundi 15 juillet la réattribution des fréquences TNT pour la chaîne Cnews, une centaine d’organisations syndicales, antiracistes, féministes et écologistes lancent une campagne d’action contre le groupe Bolloré.

› Tous les articles "Militarisme / Armements"