« Le traitement en temps réél » de la justice...

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Le 11 juin au tribunal correctionnel de Lyon,
Monsieur L, 35 ans, villeurbannais, passait en comparution immédiate, accusé d’outrages à un agent de transport TCL, d’outrages à 4 policiers en fonction, puis de violence et de menace sur un policier. Il présente un grave trouble de la santé mentale.

Le samedi 9 juin au matin lorsqu’il décide de sortir de chez lui, Monsieur L opte pour aller faire un tour en métro, sans savoir où exactement ; une fois installé dans la rame, il s’allume une cigarette. Un usager ne se retient pas longtemps pour aller satisfaire son envie de délation auprés d’un agent TCL. Obligé, l’agent TCL rentre dans le wagon et demande à Monsieur L d’éteindre sa cigarette. J’ai payé, je fais ce que je veux lui répond celui ci.

Plutôt que d’attendre que la cigarette s’éteigne, l’agent des TCL se sent investi à ce moment là d’une mission cruciale qui consiste à défendre l’image des TCL, qu’il sent grandement atteinte. Il décide que pour accomplir sa mission il a même le devoir de faire appel à la police.

Pressentant que la république est en danger, les policiers accourent jusque dans la station où le métro arrive ; ils demandent immédiatement au futur gardé à vue de sortir de la rame, celui-ci refuse et argue en toute logique qu’il a sa carte d’abonnement à jour.

La suite est terriblement classique, ils « font usage de la force », le futur condamné résiste et les policiers inscrivent dans leur procès verbaux qu’ils ont été insultés et violentés. Ils l’embarquent au commissariat, le mettent en garde à vue jusqu’au lundi où il passe devant le Tribunal et découvre de quoi il est accusé.

Jugé en quinze minutes, comme d’habitude

Au tribunal, comme d’habitude : le dossier est incomplet, l’avocat est commis d’office et le procès dure 15 minutes. Qu’à cela ne tienne, ça ne gêne ni le Tribunal, ni les parties civiles ni le procureur. Ça ne les gêne pas, ça les arrange : pas de certificat médical au dossier ? Parfait, le prévenu ne peut pas s’abriter derrière une incapacité psychiatrique déclare le procureur.

Pendant l’audience le prévenu répétera que ce jour là il n’avait pas pris ses cachets qu’il doit prendre quotidiennement et que ça a été plus fort que lui, qu’il n’a pas pu s’empêcher de résister, de se débattre et de vociférer. Il évoquera ses nombreux séjours à l’hôpital psychiatrique du Vinatier, son traitement sous injection une fois toutes les 3 semaines, ses consultations mensuelles avec un psychiatre mais rien n’y fera, il n’y a pas de certificat médical au dossier, les dires n’ont pas pu être vérifiés du fait que ça s’est passé le week-end dira le président du Tribunal. Et qu’ils sont jugés le lundi, peut-on rajouter.

Pour les parties civiles les seules choses qui comptent ce sont les sous et les sous. Peu importe l’état psychiatrique du prévenu, peu importe que ses ressources se limitent à l’allocation adulte handicapé : au contraire ! Ses maigres finances sont l’occasion d’en demander d’avantage : Compte tenu du fait que le prévenu n’a pas de revenus, les dommages et intérêts demandés sont de 400 euros pour l’agent TCL en plus de 500 euros pour les frais de justice et compte tenu des ressources du prévenu l’avocat des flics demande 450 euros par fonctionnaire de police. C’est à dire que compte tenu des ressources du prévenu qui est reconnu handicapé à 60% depuis 10 ans, ils demandent 2200 euros de dédommagements en tout, plus les amendes.

L’avocate plaide des troubles psychiatriques d’une particulière gravité

L’avocate de monsieur L évoque au sujet de son client des troubles psychiatriques d’une particulière gravité, des séjours psychiatriques en UMD qui sont des unités de soins très lourds, elle précise aussi qu’il est reconnu invalide à 60% en catégorie 1. Elle plaide pour un suivi psychiatrique un peu plus intense mais insiste sur l’impossiblité pour son client de s’affranchir de soins psychiatriques réguliers et demande la plus grande clémence au tribunal et certainement pas un emprisonnement tout en faisant remarquer que les dommages et intérêts demandés seraient difficiles à recouvrir.

Odieux délibéré

L’audience a duré 15 minutes et le délibéré aura permis au Tribunal de reconnaître entièrement coupable cet homme victime de troubles psychiatriques d’une particulière gravité. Le Tribunal l’a condamné à six mois de prison dont quatre avec sursis et à une mise à l’épreuve pendant 2 ans (obligation de soins et d’indemniser les parties civiles). Avec un mandat de dépôt, c’est à dire que monsieur L part directement du tribunal à la prison pour deux mois ferme. Et il devra payer en plus 1200 euros à tous ces cerbères, pour s’être allumé une cigarette !

L’agent TCL aura gagné 150 euros, chacun des quatre policiers 150 euros et l’un d’entre eux touchera encore 300 euros en dédommagement ; à cela il faut ajouter 100 euros de frais de justice pour l’agent TCL, 100 euros pour chacun des 3 policiers au titre de l’article 475-1, et 150 euros au même titre et en plus pour le plus grand spolieur de l’audience qui empoche 600 euros (!) de prime pour la journée du samedi 9 juin.

P.-S.

Une étude épidémiologique très poussée sur la santé mentale des détenus a été menée
conjointement par la direction générale de la santé (DGS) et l’administration pénitentiaire sous
la direction du Professeur Bruno Falissard, biostatisticien et épidémiologiste, et du professeur
Frédéric Rouillon, psychiatre. Environ un millier de personnes détenues dans 23
établissements pénitentiaires et constituant un échantillon représentatif de la population
carcérale, ont été interrogés entre juillet 2003 et septembre 2004. Les résultats sont alarmants.
Huit hommes incarcérés sur 10 présentent une pathologie psychiatrique et plus de 7 femmes
sur 10. La grande majorité en cumulant plusieurs.

Source : Ruptures, de Serge Portelli, téléchargeable librement (PDF, 604ko).

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  • Le 29 juin 2007 à 07:09, par Weissmandel

    Ne pas oublier que cette situation a été préparée par
    la gauche bien-pensante, celle qui a mis Sarkozy au pouvoir ( Rappelez-vous la célérité du P.S. dans l’affaire Clearstream pour virer de Villepin en raison de sa position sur l’Irak mais pas un mot adressé à Sarkozy sur ses rafles et autres provocations en tous genres dont ils furent particulièrement complices, complices aussi de son accession au pouvoir pour lui avoir tracé la voie en bien des domaines et aussi celui de la folie. Il y a quelques années, souvenez-vous des manifestations et du battage médiatique au sujet de fous ayant commis des meutres dont on exigeait la comparution devant les tribunaux au nom des pauvres victimes qui sans ça n’auraient pas pu faire leur travail du deuil, oui ils auront tout mis au travail nos chers bourgeois, même le deuil. C’est sous ce prétexte qu’on vit de pauvres fous trainés devant les tribunaux et déclarer : « Une voix m’a dit qu’il était mauvais, il faut le tuer. » Et si ce n’était une voix, c’était D.ieu lui-même ou la vierge Marie. Contents de l’aveu du fou qui n’avait d’ailleurs jamais nié son crime tout en ayant l’impression que ce n’était pas lui qui l’avait commis mais une force en lui, ils allaient tous ces braves gens, lestés de quelques subsides, ça aide en la matière, pouvoir faire leur travail de deuil : cette imposture ! Au nom de laquelle l’irresponsabilité civique qui protégeait les fous reconnus comme tels allait peu à peu s’effriter avant de totalement s’effondrer pour mieux recriminaliser la folie, ce à quoi allaient s’employer les aboyeurs patentés du systèmes, la triste engence qu’on appelle journalistes qui nous firent, à chaque fois qu’un fou était impliqué dans un fait divers, des crises d’hystérie dont ils ont le secret en faisant un ramdam de tous les diables Entre autre exemple ce fou qui avait tué une infirmière dans un hôpital du sud de la France, événement qui doit arriver une fois tous les dix ou vingt ans, les fous étant bien plus souvent victimes que bourreaux mais ça on éviterait de le dire, le mal était fait, ils avait réusi à criminaliser la folie, comme ils alllaient culpabiliser les parents d’enfants handicapés, en les manipulant pour qu’ils portent plainte contre leurs géniteurs de les avoir fait naître handicapés, comme si c’était une volonté consciente et voulue de leur part et surtout comme si n’avait le droit de vivre que ceux qui étaient « normalement » constitués. Et ce fut au tour des parents d’handicapés d’être traînés devant les tribunaux, où leurs enfants manipulés plaidèrent pire que leur propre mort leur droit ( sic) à la non-existence. Au nom de la normalité, l’eugénisme renvoyé par la porte des camps de concentration allait rentrer par la fenêtre des tribunaux. Car, il va de soit que la race supèrieure judéo-chrétienne qui a aujourd’hui remplacé l’Aryenne d’hier ne saurait être maculée d’aucune tare même si la civilisation judéo-chrétienne s’érige sur une tare fondamentale celle d’avoir placé la vie sous l’égide de la faute du péché de la culpabilité. Quand il y a un déficit du politique et de la démocratie il y a un retour de la religion et avec elle son cortège de réaction et d’abomination. Ce que Foucault a démontré de façon magistrale : le fascisme enfant légitime du monothéisme.Il y a d’l’Un auxquels tous doivent se conformer, se soumettre ou se démettre. Sarkozy après Hitler comme Hitler en est plus qu’un spécimen : l’archétype ! Le paranoïaque chronique et son pendant féminin l’hystérique, le comble de l’exemple à suivre ! Que dis-je l’exemple : la Thora !

  • Le 14 juin 2007 à 21:56, par raf

    Le role du juge et celui du procureur, est de s’assurer d’abord sur la santé des prevenus, ou meme de voir ses entecedents, internement, ou autre, et tout ca, ce fait au nom de la loi, donc je diarai que aux yeux de la loi, y’a un deni de justice quelque part puisque on s’interesse meme pas a la santé des justiciables, ce qui fait que la justice est sur les traces de l’interieure, quitte a pietiner la loi mais faut faire du chiffre, bravo sarko, t’as reussit avec ton populisme, a faire croire aux francais de compagne et autre que la france est menacée

    un sans papier de luxe, ex etudiant

  • Le 14 juin 2007 à 18:05, par Rehan

    Très bon compte rendu, hélas. Sincèrement effrayant.

    En lisant ce compte rendu de plus, je me dis que ces condamnations de personnes malades doit avoir un sens… Je ne comprends pas pleinement cette attitude du pouvoir, mais je propose, à chaud, à l’arrache, une hypothèse d’analyse (parce que c’est impératif de comprendre ce dont nous faisons les frais, d’analyser la domination).


    Hypothèse sur une des explications possibles :

    Outre la bêtise hargneuse des parties civiles mais surtout vénales et de leurs amis procureurs, outre le fait que c’est moins coûteux et plus sûr, il y a peut-être un intérêt politique plus structurel pour le pouvoir à mettre les fous en prison, et pas des centres de soins.
    Banaliser les sanctions pénales contre les fous créé une confusion, dans les représentations collectives de la délinquance. Puisqu’il y a plein de fous en prison, et on commence à s’en rendre compte, celui qui commet le moindre délit (fraude TCL par exemple) finira par paraître un peu fou. Cela brouille les frontières entre normal et pathologique. On mélange les vrais souffrants (personnes atteintes de déficiences mentales explicites, voire de tumeurs au cerveau, etc.), avec des délinquants qui sont surtout des victimes du système économique, et trouvent la force de se rebeller, ou ne trouvent pas celle de se soumettre à la vie normée.

    Vu que les prisons sont remplies de fous (de vrais fous, encore qu’il faudrait définir, mais c’est pas la question ici), il faut bien l’être un peu pour commettre une délit.

    L’accusation de folie contre tout contestataire (et de fait, les délits sont souvent une contestation du système politique en place) est une arme redoutable, bien connue des régimes autoritaires.

    Entretenir la confusion en punissant des souffrants, est peut-être une forme subtile de cette stratégie. Dans le contexte actuel de tension politique, la répression devient un enjeu majeur pour le pouvoir. Il multiplie les délits et les peines (la moindre sortie nous expose aujourd’hui au risque de se retrouver dans des situations dramatiques : outrage et suite du scénario). Donc c’est aujourd’hui essentiel pour les dominants de pouvoir réprimer, prononcer des peines, AVEC le soutien de l’opinion, sans que celle-ci soit choquée.

    Or, en condamnant pêle-mêle souffrants et non souffrants, le pouvoir entretien une confusion, et l’opinion considère d’autant plus facilement chaque délit comme un acte de folie, alors que c’est généralement une révolte, consciente ou non, contre la domination.

    Bon c’est pas encore très clair et précis dans ma tête, mais j’essaierai peut-être d’affiner, à partir de Foucault bien sûr. Il faudrait savoir si la part de fous (j’emploie ce mot sans aucun mépris normatif, pour parler sans détour, mais il est évident que croire qu’il y a des « fous » en soi, c’est reprendre l’idéologie de la pathologie) dans les prisons a augmenté, ou si c’est stable et structurel.
    J’ai l’impression que ça augmente depuis la généralisation des comparutions immédiates : ils semblent ne plus avoir aucun scrupule à envoyer au trou des personnes explicitement malades. C’est sans doute parce que j’y connais rien, mais j’ai l’impression qu’ils étaient peut-être un peu plus compréhensifs dans le passé. Là, on dirait qu’un pas odieux a été franchi.
    Si c’est le cas, il faut comprendre pourquoi et comment leur est venue ce plaisir d’envoyer les malades en taule. Sans bien sûr prêter d’intentions trop stratégiques à "un pouvoir", maléfique, caché, qui aurait donné des directives. C’est toujours beaucoup plus compliqué, et donc difficile à combattre.

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