NON ! En tout cas pas à Lyon. Le non-lieu est confirmé. Décision de la Cour d’Appel de Lyon de ce jour, jeudi 26 octobre 2006. La justice à Lyon donne donc aux policiers le permis de tuer. Cette décision est en contradiction avec les doutes soulevés par la Commission Nationale de Déontologie qui se demande même si on peut parler de légitime défense... La famille se pourvoit en cassation. Mais la famille, déjà durement éprouvée, ne saura vraisemblablement pas avant plusieurs années si l’audience aura bien lieu. (mise à jour du 26/10/06)
L’avocate de la famille de Nicolas Billotet a fait appel à la chambre de l’instruction sur l’ordonnance de non-lieu dont ont bénéficié en mars dernier les six policiers présents lors de la fusillade qui a mis à mort ce jeune homme de 23 ans, dans le quartier de St Rambert (Lyon 9ème) le 13 mars 2003. Cette demande a été vue à la Cour d’Appel de Lyon le mardi 10 octobre 2006. Le résultat a été connu le 26 octobre.
Un jeune est tué par des policiers
Le 13 mars 2003, vers 19h, à Lyon 9ème, sur le parking des résidences « Périades » et « le Côteau », situé rue Docteurs Cordier, dans le quartier de Saint-Rambert-le-Haut, six policiers surveillent une voiture. Cette voiture, une Audi S8, a été déclarée volée. Les six policiers qui font partie du GAPP (Groupement d’Appui de la Police de Proximité) du 9ème, dont les missions sont identiques à la BAC (Brigade anti criminalité), sont arrivés au moyen de deux véhicules banalisés. Après une planque de plus d’une heure, les policiers du GAPP du 9ème s’aperçoivent qu’un jeune homme, Nicolas Billotet, garçon sans histoire, vient récupérer cette voiture. Ils lui laissent prendre le volant de cette Audi, puis ils tirent huit coups de feu notamment sur la tête et sur la poitrine de Nicolas Billotet, y compris quand le jeune homme a cherché à sortir du véhicule. Il est mort le lendemain à l’hôpital Lyon-sud.
Intimidations
Personne, ni de la police, ni de la justice n’est venue rencontrer la famille. Bien au contraire, comme pour en rajouter à leur immense douleur, les parents de Nicolas Billotet ont reçu plusieurs lettres d’injures, des intimidations pour qu’ils se taisent et ne cherchent pas à savoir la vérité sur la mort de leur fils.
Dédain de la justice
Cependant la famille de Nicolas Billotet a porté plainte pour homicide. Il a fallu déjà attendre plusieurs mois pour qu’un juge d’instruction soit désigné. Et c’est seulement le 11 octobre 2005, c’est-à-dire deux ans et demi après, qu’une reconstitution des faits sur les lieux a pu être obtenue.
Les policiers affirment que la voiture aurait pu toucher l’un de leurs collègues.
Contrairement à ce que les six policiers prétendent, la reconstitution a fait apparaître de nombreux doutes sur l’état de « légitime défense » dont ils se parent, d’autant plus que les conclusions de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), du 24 mai 2004, sont extrèmement sévères pour les policiers du 9ème arrondissement de Lyon qui ont tué Nicolas Billotet.
Cela n’a nullement attiré l’attention du juge d’instruction qui, en totale contradiction, a clôturé le dossier en mars 2006 par un non-lieu.
Appel du non-lieu, pour un vrai procès
Les parents et la compagne de Nicolas Billotet, qui désirent qu’une réelle justice soit rendue dans cette tragique affaire, ont alors fait appel de cette ordonnance de non-lieu. La chambre de l’instruction s’est réunie le mardi 10 octobre 2006 sous le présidence du juge Azoulay, et donnera sa réponse le 26 octobre. Maître Castelli, l’avocate de la famille, a pu ainsi prouver que la thèse de la légitime défense ne tenait pas. Les proches de Nicolas Billotet espèrent qu’un procès équitable, auquel ils ont droit, pourra enfin avoir lieu pour que l’action judiciaire aille jusqu’au bout et fasse connaître toute la vérité.
« Nicolas aimait vraiment les belles voitures. Je suppose qu’il a voulu juste l’essayer. C’était un gamin qui travaillait, il n’avait pas besoin d’argent. » avance son père Georges Billotet, dans la salle des pas perdus des 24 colonnes, la Cour d’appel de Lyon, au milieu des journalistes et de personnes qui soutenaient la famille au sein d’un collectif à l’initiative du Cirdel. Il continue : « Les six policiers n’ont eu aucune sanction, n’ont jamais été suspendus. Je demande que les assassins de mon fils soient sanctionnés à leur juste mesure, sinon je n’arrêterai pas de le réclamer tant que je serai vivant. Le juge d’instruction Lalex, quand il m’a convoqué, a fait un mauvais procès à Nicolas plutôt que d’effectuer une véritable enquête sur les policiers qui l’ont tué. C’est scandaleux de les couvrir comme ça avec un non-lieu. »
Conclusions du rapport de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
> AVIS
La Commission relève que cette opération, qui ne présentait aucune difficulté particulière et qui a entraîné la mort d’un homme, a été totalement improvisée. Elle a été réalisée en dehors de tout encadrement, sans que des instructions aient été données, à l’initiative et sous l’autorité d’un gardien de la paix qui, malgré ses dix années d’ancienneté ne paraissait pas disposer de l’expérience et de la compétence nécessaire pour le mener à bien.
Cette affaire pose la question de l’utilisation des GAPP (groupes d’appui à la police de proximité) pour des missions identiques à celles des BAC, et de la formation de leur personnel.
La Commission observe qu’aucun travail d’environnement du propriétaire du véhicule 4x4 n’a été effectué. Les renseignements recueillis auraient cependant vraisemblablement permis de demander aux personnes qui étaient à proximité du véhicule de quitter les lieux. Un dispositif de surveillance efficace aurait alors pu être mis en place, afin de permettre l’interpellation de l’utilisateur de ce véhicule, avant qu’il ait eu le temps de le faire démarrer.
La Commission relève que les constatations effectuées par l’Inspection Générale des Services sont incomplètes. Le procès-verbal ne permet pas de déterminer si la voiture a été atteinte par huit ou sept balles. Il n’est pas précisé si la vitre du conducteur était ouverte ou fermée (les photographies font cependant apparaître qu’elle était fermée). Il n’est pas précisé si ce véhicule était équipé d’une boîte manuelle ou automatique, alors que, seule une boîte manuelle aurait permis d’effectuer les poussées successives qui ont été décrites par un des policiers. Par ailleurs, aucune prise de sang n’a été effecuée.
> RECOMMANDATIONS
La Commission recommande instamment de rappeler, lors des formations dispensées aux personnels de police, que l’usage des armes de service n’est permis par la loi qu’en cas de légitime défense, cette exigence devant également être strictement respectée en présence du conducteur d’un véhicule qui refuse d’obtempérer aux sommations.
L’appréciation de l’existence d’une situation de légitime défense et de la proportionnalité de l’usage des armes de service par rapport au danger qu’il aurait permis d’écarter, relève en l’espèce de la seule compétence des autorités judiciaires saisies du dossier.
La Commission demande que soient consignées et rappelées les méthodes permettant d’éviter qu’un véhicule repéré comme volé puisse être mis en marche avec les risques que cela comporte pour les fonctionnaires devant l’intercepter comme pour le ou les voleurs.
Adopté le 24 mai 2004
Le président de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité
Pierre Truche
De nombreuses questions restent posées
depuis mars 2003
Pourquoi aucune prise de sang pour contrôler l’alcoolémie n’a été effectuée sur les policiers qui ont tiré, alors que cela doit être fait quand il y a au bout la mort de quelqu’un ?
Pourquoi les policiers n’ont-ils pas neutralisé la voiture pour l’empêcher de démarrer, alors qu’ils effectuaient une surveillance depuis plus d’une heure ?
Pourquoi les policiers n’ont-ils pas procédé à l’interpellation de Nicolas Billotet quand il montait dans la voiture, alors qu’ils l’ont vu actionner la télécommande, prendre le volant et démarrer ?
Pourquoi les policiers n’ont-ils pas tiré dans les pneus, alors que sur les huit balles tirées, aucune n’est arrivée à la hauteur des pneus, tandis que sept sont passées par les vitres ou la carosserie ?
Pourquoi les policiers ont-ils tiré sur le conducteur, alors que celui-ci n’était pas armé ?
Pourquoi lui avoir tiré au moins une balle dans la tête, semble-t-il, alors qu’il tentait de sortir de la voiture, celle-ci étant immobilisée ?
Pourquoi les policiers ont-ils tiré dans la tête et dans le thorax, s’ils n’avaient une réelle intention de le tuer ?
Ces questions sont posées de façon publique dès le 15 mars 2003, journée mondiale contre les violences policières, où l’association Témoins, Maurice Rajsfus et d’autres interviennent de l’esplanade de la Croix-Rousse pour dénoncer la mort, sous les balles des forces de l’ordre, de trois jeunes dont Nicolas Billotet. Elles sont posées lors de son enterrement où la foule est si nombreuse qu’elle ne peut entrer toute dans l’église de Genay, près de Neuville. Elles sont posées encore d’une manière poignante lors d’un rassemblement de 300 personnes sur les lieux-mêmes de la fusillade, à St Rambert, le 4 juin 2003. Lors des conférences de presse du Cirdel, elles sont encore là. Quand pourront-elles être élucidées ?
La famille est traumatisée.
La compagne de Nicolas Billotet était enceinte au moment de sa mort : son fils est né le 5 septembre 2003 et il ne l’aura jamais vu !
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