Néo Boss, cyber Boss : Le néolibéralisme à l’heure du cybercontrôle

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Analyse sur la conjonction dangereuse entre le néo libéralisme et le cyber système de gestion et de contrôle des vies. Depuis les plus grandes institutions jusqu’aux actes quotidiens le recours systématique au numérique nous fait entrer dans un système où le capitalisme peut non seulement gérer nos vies mais rentabiliser toutes les activités au nom du profit.

Neo Boss, cyber Boss

Le brûlant point de ces jours, c’est la très dangereuse conjonction entre le néo libéralisme au pouvoir qui impose inexorablement ses lois antisociales, et le cyber système de gestion et de contrôle automatisés des hommes, qui devient désormais largement opérationnel.

Ce système combinant capitalisme effréné, et mise en place progressive d’un contrôle absolu des individus, impose peu à peu à tous la connection au système centralisé d’Internet, pour toute question de survie quotidienne, en rapport avec les administrations, (préfecture, poste, Ursaff, Msa, SS, Pôle emploi, Caf, impôts, etc.), les employeurs, les sites marchands, façonnant la soumission à cet ordre là. Que ce dispositif apporte des réponses logiques aux usagers obligatoires n’est pas tout à fait la question. On va juste vous faire connaître qui commande votre vie.
En exemple Parcour$up, dont la page version 2018 [1] s’ouvrait sur l’image d’un petit être à deux jambes en train de courir avec une roue à la place de la tête, et sur la question : Comment ça marche ?

Le S de Parcour$up était barré verticalement d’un seul trait. Mais l’œil en rétablissait par réflexe sur le champ un second, de sorte que le symbole « Dollar » clignotait en avertissement, affichant sans complexe la logique de ce système : rentabilité, compétition.

Le nom de ce système de tri évoque d’emblée le parcours du combattant, (ce qu’il a d’ailleurs été pour une bonne partie des troupes). Il résume tout, ce dessin sommaire d’un personnage accablé, petit robot dont la tête est une roue dentée au centre creux. Tête vidée. Quiconque entre (par contrainte, pas d’alternative) dans ce parcours obligatoire, devient rouage du système, un « ça » prisonnier tournant dans la mécanique générale.

Ces fonctionnements abstraits, ces mécanismes, processus, procédures, imposent à chacun, de gré ou de force, de s’affronter isolé au traitement qui lui est appliqué. Ils organisent la compétition permanente et soumettent leurs « clients » au tri mécanique de ce qui est nommé « compétences », en éjectant ceux qui ne sont pas conformes, condamnés au rebut. En prononçant aussi d’aberrants verdicts, laissant assommés sur le carreau ceux qui avaient cru « accéder ».

Parcour$up, qui n’est qu’un exemple du développement en cours de la plus puissante oppression, commande d’abord la perte de sens, et laisse chacun nu devant les menaces de ce système et ses cyberdécisions.

Par un tel système s’installe la gestion hors sol des humains. Dans la fracture avec la réalité prospère Ubu Roi, distribuant ses ordres et ses contre-ordres aberrants, désarticulant chacun de la compréhension du présent, interdisant toute possibilité d’action et d’ouverture vers la création d’un sens collectif. Interdisant d’abord d’être ensemble.

D’où la sourde inquiétude qui gagne tant d’entre nous, avec le sentiment écrasant de la privation et de la dépossession. D’où les interrogations désespérées sur le sens de ce qui est vécu, individuellement, collectivement.

Ces questions là, ce sont celles qui ont affleuré sur les lointains ronds-points, et aussi dans les villes. Car la colère sociale permet de se parler de nouveau, de parler enfin de la réalité, en s’arrachant des illusions permanentes délivrées en perfusion par les politiques et leurs médias. Par exemple d’interroger ces politiques qui ont décidé de la « Taxe carbone », pesant sur le tout un chacun qui va bosser, tandis que le ronflant kérosène ou Google grand dévoreur d’oxygène sont exemptés.
Mais la violence de cette prétendue démocratie apparaît dès que l’on fait collectivement un pas
de côté. On voit que s’élever contre les ordres et l’ordre létal que l’on nous impose effondre
les apparences.
Les armes quasi de guerre (interdites ailleurs en Europe) utilisées par la police contre les manifestants, la nature et la gravité des blessures infligées, mutilations (mains arrachées, yeux perdus, mâchoires fracassées,...) montrent que la police a l’ordre de viser le haut des corps, pour faire peur et faire très mal.
Le Monde diplomatique de janvier 2019 cite un haut responsable de la police : « C’est nous, l’institution, qui fixons le niveau de violence de départ. Plus la nôtre est haute, plus celle des manifestants l’est aussi ».
A ceux qui gouvernent, il ne suffit pas que tant de nous autres soient déjà bien cassés par le système marchand ?
Mais les médias retiennent d’abord l’offense à la marchandise (la casse !) et le ciment abimé de la statue de Rude, sans poser la question fondamentale de la brutalité de la répression.

Cette violence de l’ordre devient éclatante lorsque, comme maintenant, l’on s’écarte du cours imposé de l’existence. Le vote récent des lois les plus répressives contre les manifestations montre que l’Etat veut faire peur, en condamnant tout contrevenant à de lourdes peines, pour que plus rien ne bouge.

Ce qui se joue en ce moment pour nous, c’est que la mise en place de ce nouveau monde s’accélère, permettant peu à peu l’installation « durable », pour ne pas dire définitive, d’un cyber pouvoir : il n’est pas loin le temps où vous recevrez sur votre portable la notification d’une amende salée pour participation à manifestation non autorisée, avant même la fin de celle-ci. Par exemple.

En attendant, les sémillants petits costards, avec leur regard de Verreco (ou Duralex), agents plein d’assurance vous réassurant les yeux dans les yeux, la main sur le cœur, les crocs plantés dans votre cou, organisent par internet leur questionnement à thèmes. Mais ces faux débats sont bien pris pour ce qu’ils sont : de l’enfumage pour qu’on se fasse encore payer de mots, et pour éteindre le feu de la révolte.
« Néo-libéralisme et dialogue », c’est comme « Nazisme et dialogue », ça ne marche pas.

Dans l’air étouffant de cette fabrique de l’absurde, les problèmes qui nous concernent vraiment, et en premier lieu, celui de la suite de la vie sur terre, ne sont jamais posés. Les débats sont pré-construits pour que la seule réponse soit celle qui est déjà prête, pré-cuisinée, prête à emboquer.

En exemple, le danger reconnu des pesticides a entraîné le vote successif de lois les interdisant dans des délais de 3 ans.
Ces moratoires renouvelés laissent juste le temps aux fabricants de cette mortelle chimie d’épuiser leurs stocks, et d’inventer un produit au nom nouveau, tout aussi dangereux. Il aura seulement changé d’identité en arrivant sur le marché, échappant ainsi à la loi précédente. Pendant ce temps abeilles, insectes, oiseaux disparaissent, et les hommes en meurent, eux aussi.

On se rend compte alors que ces discours qui annoncent tout et leur contraire, tout le temps, relèvent de techniques de bordélisation, bien rôdées par les politiques et leurs relais divers : il ne s’agit pas de résoudre quoi que ce soit de fondamental, mais de bloquer toute action qui s’oppose à la productivité forcenée, et à ses réjouissantes conséquences.

Si les problèmes ne sont jamais réellement posés, si les solutions sont toujours inadaptées, c’est que la finalité de la « restructuration » partout en cours ne paraît pas au jour : à savoir la réalisation généralisée du cyber contrôle, après désorganisation de toutes les formes anciennes et leur destruction programmée [2].
Ainsi est en cours d’effacement toute différence entre les modes de gouvernement, unifiant le monde sous le contrôle de pouvoirs sans réplique, qui prendront localement le costume de la « démocratie » libérale, ou d’autres visages.

Comme celui de la Chine, qui affiche aujourd’hui les charmes de la dictature la plus performante, avec ses millions de caméras, les permis civiques accordés si l’on montre suffisamment de soumission, les permis de circuler retirés à quiconque s’écarte des normes algorythmées de la police.
Ainsi est mis en place le contrôle au maillage le plus serré qui fut jamais imposé aux vivants : individualiser la menace, casser les liens vivants entre les êtres, bloquer l’action, l’étouffer sous cette chape de plomb qui nous maintient à la fois dans l’exaspération et l’impuissance. Laissant chacun nu et seul devant l’autorité et ses absurdes diktats, les prononcés définitifs de la machine.

En silence s’installe le grand camp de concentration virtuel que devient la Terre, avec ses sinistres injonctions : « Marchandise über alles », et « Arbeit macht frei ». Sous les grands vents interstellaires du climat en folie.

Pétrole noir aux cours cosmiques, tandis que la banquise blanche s’effondre en boucle sur les écrans. Un réflexe de survie instinctif nous gagne comme une marée montante, dans l’inquiétude et la confusion. De ce monde là, qui nous est imposé par force, ruse, tromperie, nous autres n’avons pas voulu.

Nous échapper de l’espace artificiel de leur « économie », où le temps n’existe pas. Où seul règne le désordre destructeur et mortel du contrôle, à l’inverse de la vie, à l’inverse de l’ordre vivant, créateur, qui pousse ses branches, ses feuilles, ses arborescences, sous le vent.

Toutes les embrouilles, toutes les faussetés, deviennent visibles, et insupportables à qui garde le moindre bon sens. Elles font monter la résistance à toute forme de manipulation.

Dans l’espace des artifices, le fil du temps rompu égare la conscience. Les liens se renouent dans la révolte en cours. Avec le désespoir et le courage qu’il faut pour s’élever contre l’ordre des choses, contre un ordre inhumain.


Nous autres, mars 2019

Notes

[1En 2019, la page d’accueil de ParcoursSup 2018 a été remplacée par une version moins ouvertement cynique.

[2En exemple ce qui se passe dans les hôpitaux, et la détresse de tout le personnel hospitalier, sage-femmes, infirmières, médecins, aide-soignants, qu’ils soient ou non urgentistes.

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