Nous soutenons nos troupes... quand elles flinguent leurs officiers !!!

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Retour sur un procès jugé en assises il y a peu… Mais cette fois il ne s’agit pas de camarades !!! Le 5 mars 2004, la mosquée d’Annecy et la salle de prière kurde de Seynod étaient incendiées, comme un point d’orgue sur la montée du racisme islamophobe en France. Ces incendies criminels perpétrés par des militaires et des activistes d’extrême-droite illustrent l’inversion idéologique sur le thème de « l’expansionnisme musulman », en pleine période de réhabilitation de l’imaginaire colonial. Variations autour d’un fait pas divers.

Bienvenue à Annecy, une paisible cité bourgeoise et touristique où il fait bon vivre, les pieds dans l’eau du lac et à l’ombre des montagnes… quand on a les moyens. Les moyens d’oublier des antagonismes sociaux surdéveloppés, car plus il y a de riches, plus il y a évidemment besoin de pauvres. Le centre-ville et les zones résidentielles des campagnes alentours puent le fric et s’exhibent aux yeux des quartiers pauvres cachés dans la proche banlieue : Cran, Meythet, Seynod…

Bienvenue à Annecy, son régiment de chasseurs alpins. On savait déjà que Valence était parfois hantée par ses spahis, groupes d’élite stationnés-là quand il ne faisaient pas les pitres dans le désert lors de la première guerre du Golfe. Les spahis sont un corps colonial fondé par le maréchal Lyautey alors qu’il pacifiait le Maroc en rasant les villages insurgés. Ils vouent au fonds de leur caserne un culte à leur fondateur, boucher considéré encore aujourd’hui comme un héros national. Comme à Valence, on se satisfait rarement à Annecy de croiser les défenseurs de la patrie bourrés dans un bar. Ce ne sont pas moins de trois militaires qui ont été impliqués dans l’incendie de deux lieux de culte musulmans de l’agglomération, en plus notamment d’un supporter du P.S.G.. Des portraits se dressent dans un entrecroisement de trajectoires, du sous-prolétariat blanc aux maisons de redressement, de fils de pieds-noirs racistes en peines de prison, des bastons d’après le match au militantisme nationaliste… Jusqu’aux casernes du régiment de chasseurs alpins.

La fin du service militaire obligatoire a été un étouffoir pour le mouvement anti-militariste. Des évènements comme ceux-ci nous montre la nécessité de le renouveler. L’armée française est en ce moment même engagée dans de nombreuses expéditions de type colonial et impérialiste (l’Afghanistan, les Balkans et toutes les anciennes colonies d’Afrique Noire : le Tchad récemment, la Côte-d’Ivoire ou a été envoyé le bataillon de gendarmerie mobile de Bourgoin-Jallieu…). Elle flatte notre chauvinisme grâce à ses campagnes de communication sur l’humanitaire et la sécurité. Son retour sur des terrains d’intervention civils (patrouilles dans les lieux publics, etc…) est préoccupant car il rappelle que l’état d’exception (et les moyens d’une répression qui lui est adéquate, c’est-à-dire impitoyable) est permanent pour nos classes dirigeantes. On préfère savoir le kaki fermé à double-tour dans ses baraquements, car lorsqu’ils sortent, même en civil comme à Annecy, on voit ce que ça donne sans la moindre appréhension !

De plus, hormis ses rôles sécuritaire et colonial, l’armée a fréquemment assumé une fonction pour laquelle elle est particulièrement sollicitée à l’heure actuelle. Cette fonction est de drainer une partie de la jeunesse précarisée et paupérisée, surplus humain dont notre société ne sait que faire… Privé-e-s de ressources, de formation, chômeureuses exclu-e-s du droit à être exploité-e-s, héritiers et héritières de parcours houleux, jugé-e-s instables psychologiquement et associaux : leur avenir c’est la prison ou la caserne ! Le discours des incendiaires d’Annecy en est la parfaite illustration. Ils déclarent volontiers avoir trouvé dans l’armée, outre un moyen de survie matérielle, un cadre, une « famille »… L’armée, c’est une assistante sociale avec de la poigne : elle participe au dressage des jeunes un peu turbulent-e-s par l’ultra-nationalisme et la virilité. Des valeurs auxquelles ont les pousse à adhérer alors qu’elles sont centrales dans l’oppression qu’ils et elles subissent. Sans compter la mise au pas psychologique, la dépossession de sa personne quand on devient instrument d’une abstraction : la france.

Bienvenue à Annecy, sa police judiciaire. La mosquée et la salle de prière flambent dans la nuit du vendredi 4 mars au samedi 5 mars 2004. Nos nazillons, fidèles à la longue tradition de crétinisme des Alpes sévissant chez les militaires, sèment aux quatre vents derrière eux : des S.M.S. envoyés en masse depuis les lieux du crime ; l’utilisation de leur voiture personnelle sans changement de plaque d’immatriculation ; des témoins oculaires ; l’étiquette d’un bidon d’essence acheté le jour même avec la carte bancaire d’un des membres du commando ; de nombreuses fanfaronnades après les faits… Mais c’est le 8 février 2005 qu’interviendra l’arrestation. Non pas grâce au travail acharné des fins limiers lancés aux trousses des chemises brunes : élémentaire mon chers Watson. Mais grâce à une dénonciation, par le voisin de l’un des quatre fascistes, qui se plaignait de ce que les chants nazis qu’il entendait brailler en dessous de chez lui nuisaient à la quiétude de son sommeil. Dénonciation intervenue en novembre 2004.

Si les cons volaient, le ciel serait-il kaki ou bleu marine ? En sachant qu’il faut presque un an à un officier de police pour interpeller des pyromanes d’extrême-droite, qui peut me dire combien de millièmes de secondes lui faut-il pour dégainer son arme de service contre un jeune de la communauté musulmane pour une suspicion de délit mineur ? De plus, au moins l’un des chasseurs alpins aux allumettes était déjà connu des forces de l’ordre et avait effectué une peine de prison : pour avoir détourné des armes de son régiment ! Le même qui avait des responsabilités pendant un temps au Front National, qu’il a quitté parce qu’il ne les trouvait pas assez radicaux… Bienvenue à Annecy, sa cours d’assises. Où l’Etat raciste joue la comédie de sa justice, implacable quand elle se sent doublée sur sa droite. Et de l’exemplarité des peines requises, jugées trop sévères y compris par le responsable de la mosquée brûlée. Ce qui ne trompera personne alors que si l’on cumule la durée de détention préventive aux remises de peines accordées, les prévenus sont libres ou le seront bientôt. Alors que nombre de camarades antifascistes incarcérés se voient refuser toute indulgence quant à l’aménagement de leur sanction (on pense aux Francs-Tireurs Partisans à Marseille, qui avaient détruit des locaux du Front National dans les années 90). Tout ceci nous donne à penser que la lutte contre le racisme et l’extrême-droite ne trouvera pas d’aboutissement sur le terrain juridique sans un rapport de force politique sur le terrain et dans les esprits.

Que penser en effet d’un Etat qui rafle les sans-papiers, abat fréquemment des jeunes Noirs et Arabes, et parallèlement se sert de quatre trimards comme boucs-émissaires pour faire croire à son impartialité sur la question du racisme ? Que penser d’une cours de justice qui semble minimiser tout au long des débats l’activisme et les convictions fascisantes des incendiaires, présentés comme des paumés et des imbéciles ? Que penser d’un régiment qui abrite des militants d’extrême-droite organisés, et semble très préoccupé par ce procès ? Toutes les questions engageant la responsabilité de l’armée dans le passage à l’acte des prévenus ont été éludées. L’un d’eux est allé jusqu’à déclarer qu’il n’était pas libre de parler. A-t’il été nécessaire d’intimider ces militaires pour ne pas entacher la réputation du contingent, baignant dans une ambiance de purification raciale à la testostérone ? D’autant que l’enrôlement massif de jeunes issu-e-s de la colonisation, poussés par la misère et la ségrégation, doit contribuer à une ambiance explosive dans les casernes…

Cette triste affaire renforce notre mépris pour le travail de la police. Elle nous pousse à boycotter la médiation juridique dans le combat interminable contre l’extrême-droite. Elle incite à nous donner des moyens d’intervention sur la question de l’armée, de ses beaux discours, de son rôle concret dans la société et du climat qui y règne. Renouer avec une pratique anti-militariste, c’est parvenir à détourner la jeunesse de la carrière des armes, soit en rendant l’armée idéologiquement infréquentable par les classes populaires, soit en favorisant et en soutenant les actes d’insoumission et la désertion. Pendant la guerre du Vietnam, le militantisme acharné en direction des bidasses, en particuliers par les groupes Noirs comme le Black Panther Party, a permis le retournement à grande échelle du contingent contre l’état-major (avec une quantité insoupçonnée d’assassinats d’officiers). Ce qui a largement contribué à l’échec de la campagne impérialiste américaine en Asie du sud-est, de même qu’une telle mobilisation pourrait permettre de perturber la politique coloniale de la France outre-mer ; et d’éviter de voir dans des temps prochains l’armée ouvrir le feu sur les jeunes insurgés des quartiers populaires alors que la plupart de ses membres en proviennent…

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  • Le 25 août 2007 à 09:01

    L’article n’est pas dénué d’intérêt et de bon sens, mais il est emprunt de militantisme. J’ai suivi le procès des Mosquées de très près, puisque chargé de la défense d’un militaire. Ce qui reunit et caractérise ces criminels, c’est avant tout la perte des repères identitaires suite à la mort (SAVINO), l’absence (GUEGAN - GALLAUD), ou la violence (PAZ) des parents.

    L’armée est souvent recipiendaire de ces jeunes gens que la vie abandonne, ce que souligne bien l’article.

    La France est leur nouvelle identité.

    La France, pour l’armée, c’est la France de 1870, 1914 et 1940, la France pour laquelle elle s’est battue.

    Une France de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion catholique.

    Le premier aumonier musulman des armées françaises a été nommé en ..... 2005 ....

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