Il est des phrases entendues par hasard qui vous accompagnent longtemps. En 2007, ce sont quelques mots de Raymond Aubrac à la radio qui nous ont ému, influencé : il exprimait avec simplicité les idées tordues qu’on essayait de formuler pour penser l’organisation, la structuration de nos médias alternatifs :
« Le système de production et de diffusion du journal clandestin c’est le squelette de la résistance »
C’était dans l’émission « Là-bas si j’y suis », lors d’une rencontre avec les époux Aubrac, dans laquelle Lucie et Raymond expliquaient les débuts de la Résistance, faits de gestes évidents et de coups de main anonymes, loin des grands exploits et des tragédies, et qui ont contribué à former ce réseau dense et immense de combat contre les nazis et leurs collaborateurs. Ils y expliquent que l’information était pour eux à l’époque, et aujourd’hui encore, le premier des combats à mener, parallèlement aux pratiques plus concrètes, aux actions directes de sabotage par exemple. Que chacun-e pouvait trouver sa place dans la production et la diffusion d’un journal, etc.
Pour eux, au moment de l’interview en 2006, le combat était désormais évidemment à mener contre le capitalisme, ce que ne rappelleront certainement pas les politicien-ne-s et les journaleux à la mémoire courte et sélective. Lucie Aubrac finissait même l’émission en souhaitant une énorme grève générale. Pour garder une autre idée que la momification de la Résistance du gouvernement, pour conserver vivantes leurs pratiques dans ce monde qui est toujours sous occupation des exploiteurs et des menteurs, de ceux qui attisent les haines et des propagandistes imbéciles, voici cette interview précieuse :
-
- Entretien avec Lucie et Raymond Aubrac
Aujourd’hui, celui ou celle qui colle des affiches dénonçant l’ordre établi risque de finir en taule. Pour être soupçonné d’avoir écrit un livre et retardé quelques trains, on envoie l’antiterrorisme et on espionne votre famille et vos ami-e-s pendant des années. Pour avoir peut-être saboté une dépanneuse, on fait un an de préventive. Et pour n’importe quoi, on vous fiche, dans des dizaines et des dizaines de fichiers, on conserve vos empreintes génétiques pour empêcher, cette fois-ci, toute Résistance à l’ordre établi.
Contre les falsificateurs de la mémoire, contre les oppresseurs de toutes les époques, l’indignation d’un Stéphane Hessel, le vieux résistant qui passe bien à la télé et ne fait peur à personne, fait pâle figure. Réécouter Lucie et Raymond Aubrac, c’est imaginer à nouveau, pour aujourd’hui et demain, des réseaux faits d’amitié, de coups de main, pour, bien loin de la seule indignation ou du vote de protestation, s’organiser pour renverser ce monde qui nous oppresse. D’abord en participant à des organes (clandestins) de contre-information, efficaces, larges, pour ne plus dépendre de la triste propagande chaque jour déversée sur les antennes, dans les journaux, et trouver ensemble des pistes d’action, donner de l’écho à nos luttes et nous coordonner. Pour, enfin, la grève générale insurrectionnelle.
Raymond Aubrac est mort ce matin. Salut camarade !
Des membres du collectif d’animation de Rebellyon de l’année 2006-2007
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info