Quand j’ai découvert la culture militante, j’étais une gamine queer à la rue et en quête d’un foyer : une adolescente terrifiée, en colère, suspicieuse, cynique et naïve à la fois, dont le désir le plus inavouable était d’avoir une famille qui durerait toujours et qui m’aimerait quoi qu’il se passe. Et, en même temps, je savais qu’une telle famille ne pourrait jamais exister – du moins, que ce n’était pas pour moi. Tu vois, j’avais un autre secret : malgré mon air bravache de queer punk radicale en pleine croisade pour la justice sociale, je savais que j’étais un déchet. J’étais sale et indigne d’amour, j’avais fait des trucs moches pour survivre, et j’avais blessé des gens. Parfois, sans même savoir pourquoi. Du coup, quand j’ai découvert la culture militante, ses idées puissantes sur le privilège et l’oppression, sa rage bouillonnante et explosive, ce fut l’ivresse. Je pensais que je pouvais purger ma haine de moi avec cette rhétorique fougueuse et me créer la famille que je désirais tant autour de liens tissés par les traumas que nous avions en commun.
La justice sociale était un ensemble de règles qui, enfin, donnait au monde un sens qui me parlait. Si seulement je pouvais utiliser exactement le bon langage, faire assez d’action directe, être assez critique des systèmes autour de moi, alors je pouvais enfin être une bonne personne. Tout autour de moi, j’avais l’impression que ma communauté d’activistes faisait la même chose. Nous nous jettions à corps perdu dans la « Révolution », nous épuisant jusqu’au burn-out, nous surveillant les uns les autres pour traquer les mauvaises pensées et les mauvais comportements, se dénonçant les unes les autres avec férocité.
De temps en temps – rarement – des types étaient jetés hors de la communauté parce qu’ils étaient « malsains ». Mais la plupart du temps, nos tentatives de mettre les gens face à leurs responsabilités, en les dénonçant publiquement ou en les excluant, dégénéraient juste en grosses engueulades sur Internet ou en dramas IRL qui laissaient encore des traces profondes dans la communauté des années après. Seuls les plus vulnérables (dont les cercles d’amis n’étaient pas assez larges ou qui manquaient de stabilité sociale) étaient exclus définitivement.
>Manœuvres d’intimidation contre Flagrant déni : devant la justice, l’État joue la montre
Il y a deux ans, nous avions lancé deux procédures judiciaires suite aux manœuvres d’intimidation dont nous avions fait l’objet, depuis une adresse IP du ministère de l’Intérieur. Depuis, l’attente perdure.
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