Vendredi soir à 2 heures du mat’, on sort d’un bar célèbre sur les
pentes de la Croix-rousse et passons par le Jardin des Plantes. Ambiance baba-cool,
accordéon, chanson française. C’est très sympa, je prends la guitare et
joue un morceau avec les gens présents. J’entends des crissements
de pneus et vois surgir 3 brassards oranges qui se dirigent vers nous d’un pas rapide. Je comprends, je pose la guitare et annonce qu’il va falloir se tirer rapide. Les gens sont un peu étonnés des moyens employés, on est mis en joue par un flashball, un agent de la BAC fait tournoyer son tonfa, l’autre montre son envie de se servir de sa gazeuse lacrymo.
Mais les jeunes sont très compréhensifs et respectueux de l’ordre et s’éloignent. L’un de nous demande des explications à un type de la BAC, celui qui parait le plus calme et entend dire qu’il y avait des
plaintes et qu’ils sont obligés d’employer la force pour dissuader. Jusque
là, "comme d’habitude".
C’est alors qu’une deuxième voiture de la BAC arrive et 4 policiers foncent
dans les 10 jeunes restés là (qui étaient en train de partir le plus calmement du monde).
Changement radical de ton. Bousculade des jeunes, expulsion des
curieux à base de « restez pas là ! vous êtes ivres ! vous dégagez ou c’est
12 heures de garde à vue ! » [1].
On obtempère, prenant la menace au sérieux. On est très énervé d’autant
plus que pour le groupe de jeunes ça chauffe. Ils se font gazer sur l’allée centrale du jardin des plantes et les tonfas voltigent (est-ce qu’il y’a eu des coups ? Impossible à savoir). Une autre voiture de flics (en uniforme) arrive et fonce dans le tas aussi !
Important à préciser : le tas n’est pas une émeute, simplement des
sportifs à brassards qui répandent leur testostérone à coup d’insultes et de matraques à des jeunes apeurés qui se sauvent et finissent par protester, du genre « non, c’est pas juste, vous avez pas le droit ». Ecoeuré, j’ai la mauvaise idée de lancer un slogan antisécuritaire (« le tout sécuritaire ne nous fera pas taire, qui sème la
misère... »), j’insiste sur la mauvaise idée car si ça m’a défoulé moi, ça
a encore plus tendu la situation [2]. Mais on reste en marge pour éviter de se faire fracasser ; les flics m’ont repéré grâce à mon goût prononcé pour le slogan, il faut se casser...
On entend crier au Jardin des Plantes, c’est une copine qui pète un
cable. Une autre personne est au sol, maintenue par les culturistes à
gazeuse et elle a l’air de pas mal dérouiller. On se rapproche pour aller chercher la copine. Et on fait connaissance avec une brigade de 4 flics en uniforme avec des chiens !
Leur mission est de faire évacuer les lieux et d’empêcher un nouvel
attroupement (il ne restaient plus qu’une dizaine de personnes à ce moment). On récupère la copine qui hurle et se met en danger, ainsi qu’un autre pote prêt à se faire embarquer avec son ami. Plus de sommation, les flics nous tapent à coup de matraque et les chiens (muselés et en laisse) nous grimpent dessus en aboyant. Je n’avais jamais connu ça, mais il me semble que l’usage des chiens comme instrument de terreur
est un des trucs les plus redoutables que j’ai jamais vu. Je flippe et fait
semblant d’appeler un avocat pour les impressionner (encore une idée à la con). Un deuxième chien met ses pattes sur mes épaules et aboie dans mes oreilles. J’ai peur, je perds mon portable. Je crie, je veux mon téléphone.
Situation absurde : le type qui me harcèle avec son chien estime que ma
dignité est en jeu, ramasse mon téléphone et me le tend. Qu’est ce qu’elle est humaine la police française !
Il n’est plus temps de traîner, et notre statut de calmeur de jeu nous
permet d’emmener les potes qui deviennent dingues, hurlent et s’exposent trop près des matraques. Ca nous permet aussi nous de nous dégager jusqu’au bout de la rue, presque chez nous. Je me demande encore si j’ai eu raison de calmer des gens qui avaient le droit d’avoir des explications. Mais la violence et la haine des pandores n’ont
pas permis la réflexion (« le côté obscur trouble la vision » disait maître
Yoda).
Une chose est sûre, aujourd’hui à tête reposée : nous avons fait les frais
d’un entraînement en temps réel, d’une répétition générale du dispositif anti émeute mis en place à la veille de la demi finale de la coupe du monde de rugby. Tout y était : coordination des équipes avec des équipes qui interpellent, un dispositif anti attroupement et dispersant avec les chiens.
J’espère que d’autres ne feront pas ce genre de mauvaise rencontre dans les jours à venir.
Il y a mieux à faire que passer notre vie à subir !
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