Une terrible ineptie perdure

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Si dans le passé aller à l’usine signifiait la pauvreté, maintenant il faut être riche pour y entrer : 12 euros pour voir, dans le cadre de la biennale de Lyon, des œuvres d’Art contemporain à l’usine T.A.S.E ! Parmi elles un enclos aux formes biscornues où s’ébattent des poulets attifés de plumes colorées…

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Gala chicken and gala coop de Laura Lima est une des attractions de la biennale d’Art contemporain de Lyon (Une terrible beauté est née est le titre de cette édition) que l’on peut voir donc à l’usine T.A.S.E, un des quatre lieux de la manifestation, à Vaulx-en-Velin, en banlieue.

Le guide indique, car sinon ce n’est pas sur qu’on le devine soi-même, qu’il s’agit d’une « métaphore de l’ordre social et des normes qu’il impose » et que « réalisée à plusieurs reprises depuis 2004, l’œuvre a en effet permis à l’artiste d’observer de nombreux changements chez les poulets : les animaux timides deviennent flamboyants, d’autres changent de genre… »

L’on ne montera pas ici sur ses ergots (cela aurait été pourtant de bon aloi comme le coq est le seul animal à chanter les pattes plantées dans le fumier) pour dénoncer la maltraitance psychique dont les participants involontaires de cette œuvre seraient victimes si l’artiste disait vrai. C’est une idée trop éloignée du sens commun pour que celui-ci puisse s’en alarmer (pour encore combien de temps ?). Aussi ne nous y étendons pas. Je mettrai néanmoins en avant le fait que, de toute façon, les poulets de cette soit-disant allégorie de l’aliénation sont réduits à l’état d’objets. Et que cela soit d’objets d’art ne change rien à cette position dans la mise en scène composée par l’artiste. L’image de l’aliénation se mord ainsi la queue : elle est elle-même aliénation réelle. Elle pratique ce qu’elle entend critiquer. Et elle est d’autant moins vouée à troubler le regard du spectateur de façon autre que…coq-uasse quand on sait la cruauté extrême avec laquelle le poulet d’élevage est traité dans notre société…

Ceci, bien sur, puisqu’il ne s’agit que de volatiles méprisables dont la peau ne vaut que quelques euros, un artiste, surtout d’Art contemporain, étant beaucoup plus précieux sur le marché des vies terrestres (qui n’épargnent certes pas non plus les êtres humains entre eux), il ne faut pas compter sur les journalistes culturels pour le remarquer. Les recherches sur le net laissent entrevoir, par la récurrence des mêmes formules, que certains, comme de plus en plus souvent dans les médias, se seraient en fait contentés du dossier de presse et du guide de la biennale pour en parler...

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Que l’on me pardonne de profiter (moi aussi, tout est pourri décidément !) de la situation de ces êtres dégradés pour m’exprimer un peu sur l’Art contemporain en général. C’est une de ses ambitions que de vouloir prendre à revers, d’étonner, de bousculer le spectateur, ne fut-ce qu’au niveau des sens, alors qu’il est, au fond, une affaire institutionnelle et économique, autrement dit conforme (je ne dis pas conformiste) à la société où il s’est intégré harmonieusement. Je dis ceci en pensant à L’homme unidimensionnel, ouvrage fort intéressant rédigé dans les années 60 par Herbert Marcuse dont je poursuis ces jours-ci la lecture. A partir de celle-ci on pourrait considérer que l’Art contemporain fait corps avec notre société totalisante qui a assimilé les contestations de façon à les déjouer (et ainsi continuer de croitre, de croitre, de croitre, de croitre sans fin parce-que croitre est le tourbillon, le trou noir qui l’aspire irrémédiablement…) Si l’Art contemporain veut avoir une dimension critique ce n’est que superficiellement, il ne s’attaque qu’à l’écorce des choses (les ravages du fluo !), non pas à leur racine. S’il se prétend libre il est à l’affut des dernières modes (les ravages des écoles de beaux-arts ! Comme dans le bon vieux temps finalement !), des dernières bulles créées pour et par les amateurs fortunés qui veulent en avoir pour leur argent !

De telles productions ne peuvent pas être concrètement nuisibles à la société, mais seulement pour la forme, pour le vernis, le vernis brillant de l’anticonformisme éclairé qui recouvre du toc. Elles constituent une expression dont l’essence est l’impuissance, branche morte de leur ancêtre explosif, l’Art moderne, qui, des expressionnistes jusqu’au tournant de la seconde guerre mondiale, causa, lui, véritablement scandale. L’Art contemporain ne produit que des pétards mouillés.

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Cet Art épuisé est aussi subversif vis-à-vis des ordres établis que, je ne sais pas, disons, le quotidien Le Progrès à l’égard de la mairie de Lyon ! On pourrait le désigner comme l’Art officiel de la société de consommation. Là où les cauchemardesques élevages en batteries voient les poulets s’entredévorer, dans l’installation dérisoire de l’usine T.A.S.E ils confondent leur sexe.

P.-S.

Mon blog : lelapinsauvage.blogspot.com

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  • Le 18 octobre 2011 à 14:15, par fuck -the-official-art

    C’est de l’art officiel , comme tu le dis si bien...
    De la subversion très superficielle récupérée pour devenir à son tour marchandise à vendre et participant de l’aliénation et de l’exploitation en place.

    Je crois qu’en tant qu’anarchistes (et donc révolutionnaires..) , nous nous devons de dénoncer l’Institution Artistique au mème titre que toutes les institutions participant au système d’exploitation mis en place.

    Il n’y à qu’à voir la pub faite à Lyon au sujet de la Biennale d’Art Contemporain, les vidéos installées autour des « ’oeuvres » en plein-air à l’entrée et tout ce dispositif
    rendant les oeuvres d’art totalement « déifiées » et les artistes devenant des « stars »
    surpayées et imbues de leur personne , voire carrément mégalomaniaques (BEN).

    Ce n’est pas pour rien que le Musée d’Art Contemporain est proche d’INTERPOL.
    Ce n’est pas pour rien non plus que trois manifestantes ont été gravement blessées
    après une charge de CRS à proximité de ce Temple de la consomnation et de l’Illusion de la contestation qu’est le Musée...

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