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La direction du groupe agrochimique Bayer Crop-Science à Lyon-Vaise envisageait de mettre à disposition de ses salariés un numéro vert permettant de dénoncer, de façon anonyme, tout comportement d’un collègue employé estimé répréhensible. Lors d’un Comité central d’entreprise qui s’est tenu à Lyon, le vendredi 22 juillet 2005, les syndicats ont voté contre une délation institutionnalisée au sein de l’entreprise.
Le vote syndical n’étant que consultatif, la direction ne se désespèrait pas de faire passer ce qu’elle appellait son "programme de conformité légale et de responsabilité professionnelle" en invoquant la sécurisation des marchés boursiers et une loi existant aux USA, la loi Sarbanes-Oxley, votée à la suite des affaires Enron afin de moraliser les entreprises et lutter contre les scandales financiers.
Il s’agissait, selon la direction, puisque cela était possible aux USA, d’adapter ce "programme mondial" à la France. Saper la solidarité entre les employés, diviser pour mieux régner, créer de la défiance au sein du personnel et mettre une ambiance totale de méfiance semblaient être plutôt la volonté de la direction. Il est évident que ce numéro vert anonyme ne servirait pas uniquement à dénoncer des malversations financières, car les dénonciations calomnieuses, les règlements de compte entre collègues auraient pu aussi s’opérer librement.
On pouvait lire dans ce "programme" :
"Des rapports peuvent être établis de manière anonyme. Par exemple par une ligne d’appel téléphonique."
"Tout collaborateur doit prendre conscience que son comportement peut être attribué à l’entreprise et donc affecter la réputation de Bayer à l’extérieur comme en interne."
"Les salariés doivent être polis, objectifs et justes dans leurs rapports avec leurs collègues et les tiers."
"Les salariés concernés par une enquête de justice ne doivent coopérer avec les autorités judiciaires qu’après consultation du service juridique de l’entreprise."
La justice vient de mettre à bas tous ces projets néfastes pour les libertés individuelles de chaque salarié.
Historique
Ce "programme" applicable autoritairement au 1er septembre 2005 et devant les dangers pour leur liberté qu’il représentait pour les salariés, la CGT Bayer CropScience, a décidé immédiatement de contester ce texte devant le Tribunal de grande instance de Lyon.
En janvier 2006, l’inspection du travail rejoignait les arguments de la CGT et demandait à la Direction de Bayer CropScience d’éliminer 80% des dispositions car « non conformes à la loi ».
Le 14 février 2006, la Direction présente au Tribunal son intention d’extraire du règlement intérieur ces dispositions illégales.
Lors de l’audience de juin 2006, Bayer CropScience stipule ainsi au Juge que le « Programme de conformité légale et de responsabilité professionnelle » est devenu une « charte unilatérale de l’employeur », donc sans valeur juridique. De plus, cette « charte » est dépouillée de la ligne de délation anonyme obligatoire ainsi que de l’obligation d’être « polis, objectifs et justes avec les tiers ».
Le jugement du 19 septembre 2006 prend acte de l’existence de cette charte et réaffirme la primauté de la Loi qui protège les libertés publiques. Malgré tout, le Tribunal exige que soit retiré de ce document l’obligation faite aux salariés de consulter le service juridique de l’entreprise avant de coopérer avec les autorités judiciaires et juridiques.
La Loi a réaffirmé sa primauté sur les codes imposés par les multinationales remettant en cause les droits des salariés !
Aujourd’hui, la direction de Bayer CropScience, après avoir dû dépouiller son projet initial en l’extrayant du règlement intérieur, suite à l’action juridique de la CGT et les interventions de l’inspection du travail et de la CNIL, veut entretenir la confusion dans l’esprit des salariés.
Les sessions de formation du personnel, prévues par les prédicateurs de Bayer, ne seront que l’énonciation de principes moraux à partir d’un texte qui n’a plus de valeur juridique.
La CGT Bayer CropScience est satisfaite d’avoir rempli avec succès son engagement pour la défense des intérêts moraux des salariés. Mais, le syndicat appelle l’ensemble des salariés à garder une vigilance absolue sur les droits qui protègent leurs libertés.
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