Violences policières, violences étatiques

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La réaction violente et à première vue désordonnée de la jeunesse des banlieues ne peut surprendre que celles et ceux qui avaient choisi de croire au mythe républicain de l’Égalité.

La réaction violente et à première vue désordonnée de la jeunesse des banlieues ne peut surprendre que celles et ceux qui avaient choisi de croire au mythe républicain de l’Égalité. En effet, la simple oppression policière, entre autres violences sociales imposées aux personnes vivant dans des quartiers populaires, suffit à elle seule à expliquer la flambée de « violences urbaines » qu’a connu le pays ces dernières semaines. Les habitants du 1er arrondissement (et des autres) qui ont
eu affaire aux forces de l’ordre à différents niveaux, du simple mépris au tabassage et menaces de mort, peuvent se faire une idée de ce que c’est que de subir cela au quotidien.

Ce que révèle le comportement policier, qui est l’expression du rôle assigné à la police par l’État, c’est que celui-ci ne s’exprime principalement que dans un seul langage, la violence.

Les émeutes ont eu le mérite de mettre en relief que la violence est aussi le seul langage que l’État, et en général toutes Autorités, comprennent. Et il faut vraiment être le dernier des éditorialistes pour
reprocher aux émeutiers de ne savoir parler que celui là.

Ainsi a-t-on vu ces derniers temps :

- des médias, d’habitude si prompts à stigmatiser les classes « dangereuses », s’interroger sur les raisons sociales d’une telle manifestation d’agressivité, qui vient troubler le ronron républicain du "dialogue-avec-les-partenaires-sociaux".

- une institution judiciaire qui, craignant l’extension des émeutes, a condamné moins sévèrement un jet de cocktail molotov qu’elle ne le fait en temps normal pour un crachat sur "personne dépositaire de l’autorité publique".

- des politiques qui réaffirment la nécessité d’injecter de l’argent public dans les banlieues pour assurer un semblant de paix sociale, et qui redécouvrent les vertus des associations.

- des policiers suspendus de leurs fonctions et même écroué pour des faits de violences, alors que ce genre de sanctions pouvait se compter sur les doigts d’une main ces dernières années.

Mais que cela ne nous leurre pas, la compréhension, toute relative d’ailleurs, disparaît avec le retour au calme - tant réclamé par toute la France bien-pensante, qui après avoir rapidement proclamé la relative légitimité des émeutes, s’empresse de demander à l’arbitre de siffler la fin du jeu - comme en témoigne les condamnations sans réelle preuve auxquelles on a pu assisté [1] (plusieurs mois ferme à chaque fois). C’est pourquoi il est nécessaire de soutenir les personnes arrêtées, qui risquent aujourd’hui de payer très cher le plus grand des outrages :
celui d’avoir fait plier l’État, celui d’avoir « remis en cause l’ensemble de notre organisation sociale » [2], et peu importe d’ailleurs qu’ils soient coupables ou non, l’ordre sera rétabli par les condamnations « pour l’exemple ». De plus l’autorité s’est doté de nouveaux moyens de répression, en officialisant la criminalisation
d’actes qui jusqu’ici nécessitaient d’habiles ruses judiciaires pour être réprimés (comme l’outrage ou rébellion qui justifie a posteriori une interpellation) : couvre-feu, interdiction des rassemblements, du
transport de matière inflammable, etc.

Parce que c’est sur les condamnations des jeunes arrêtés ces dernières semaines que se fonde le renforcement de l’ordre répressif et sécuritaire, l’état d’urgence permanent, qui nous concerne tous, nous devons réagir ensemble, et organiser ensemble leur soutien.

Notes

[1Pas toujours d’ailleurs : plusieurs personnes demandant à rentrer dans le palais de justice pour suivre les procès ont été repoussés manu militari par la milice du Capital, sans autres raisons que le refus de la commissaire.

[2l’expression est d’un procureur requérant contre un émeutier.

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