Alerte sur la réalité de l’accueil des mineur.e.s étranger.e.s à Lyon

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Les pouvoirs publics prétendent offrir un « accueil digne » aux migrant.e.s et remplir leurs obligations légales vis-à-vis des mineur.e.s isolé.e.s étranger.e.s. Mais entre le discours officiel et la réalité nous sommes témoins tous les jours, c’est le grand écart. Éclairage sur la réalité de l’accueil des mineur.e.s dans la Métropole de Lyon, par quelques étudiant.e.s solidaires.

La MEOMIE, le service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) s’occupant des mineur.e.s étranger.e.s dans la Métropole, délaisse de plus en plus les mineur.e.s dont elle a la responsabilité. Elle a d’ailleurs délégué une partie de ses fonctions, dont l’évaluation de la minorité, à Forum Réfugié. Après à peine un mois, cette association se retrouve surchargée et contrainte de faire le sale boulot de la Métropole en refusant un certain nombre de mineur.e.s pour rentrer dans ce qui ressemble fort à des quotas.

Jusqu’à mi-avril, quand des mineur.es isolé.es étranger.es arrivaient à Lyon, iels devaient se présenter à la MEOMIE où on leur donnait un rendez-vous deux mois plus tard avec un.e assistant.e social.e pour passer une évaluation. Cette évaluation devait déterminer leur minorité et leur permettre, le cas échéant, d’être pris.e.s en charge. Pendant ces deux mois d’attente, iels étaient livré.e.s à elleux-mêmes, sans aucune forme d’assistance de la part de la MEOMIE : deux mois seul.e dans la rue, en somme. Pour les plus chanceux.ses, avec le recours à une avocate, une mise à l’abri d’urgence pouvait être ordonnée par le juge pour enfants. On leur accorde une place dans un hôtel du Rhône (certain.e.s se retrouvant à Villefranche ou Genas), avec une carte pour manger dans un resto social et une carte TCL.

Désormais, la MEOMIE s’est déchargée du travail de mise à l’abri d’urgence et d’évaluation (c’est-à-dire l’essentiel de son travail), ne s’occupant - en théorie - plus que du suivi scolaire et médical, et de la gestion de l’hébergement. En réalité, nombreux sont les jeunes qui attendent en vain un véritable suivi de leur situation par leur assistant.e social.e, et désespèrent.

C’est comme ça que le 2 mai dernier, un mineur qui voit sa situation stagner depuis plus de 6 mois et qui devait être mis à l’hôtel le soir même, a fini par exploser après avoir patienté dehors toute la journée sans réponse des assistant.e.s social.e.s (parce qu’à la MEOMIE on fait attendre les mineur.e.s dehors, pendant des heures). Vitres cassées, dépôt de plainte contre le jeune, arrêt de la prise en charge par l’ASE et fermeture de la MEOMIE pendant trois jours... La MEOMIE, responsable légal des mineur.e.s, et fin pédagogue, envoie les flics virer un enfant qui s’impatiente d’avoir un toit où dormir. Finalement, ce jeune dormira quelques nuits dans la rue avant d’être accueilli chez une lyonnaise solidaire.
Inutile de rappeler qu’il est illégal pour l’État de laisser dormir un.e mineur.e seul.e dehors...

Les conséquences de cette fermeture temporaire sont multiples. Toutes les évaluations qui devaient être faites ces jours-là et que les jeunes attendaient depuis au moins deux mois, ont été repoussées d’un mois. Pour les mineur.e.s, c’est un mois de plus en galère, toujours sans prise en charge par l’État, contrairement à ce qu’impose la loi. Cela signifie aussi que le suivi médical, scolaire ou administratif est inexistant pendant plusieurs jours. Comme si des parents (et quels parents !) s’occupaient de leurs enfants uniquement pendant les horaires d’ouverture...

Avec le transfert du travail d’évaluation des mineur.e.s à Forum Réfugié, la situation semblait pouvoir s’améliorer mais c’est un nouveau combat qui se dessine. Lorsque le ou la mineure arrive à Lyon, c’est désormais là-bas qu’iel doit se rendre pour l’évaluation de sa minorité. Iels sont pris en charge dans un foyer, par une équipe qui leur propose de nombreuses activités ludiques, un suivi psychologique comme médical, une présence permanente d’éducateur.ices et de bons repas. Une fois le dossier terminé, il est envoyé à la Métropole et c’est là que les choses se compliquent : les agent.e.s de la Métropole reçoivent les recommandations de Forum Réfugié mais sont maîtres de la décision finale. Ces agent.e.s reçoivent un dossier papier et non plus des enfants : c’est tout de suite plus facile de refuser un enfant que l’on n’a jamais vu en face. De nombreux.ses jeunes jugé.e.s mineur.e.s par Forum Réfugié ont ainsi été refusé.e.s par les services de la Métropole, se retrouvant privé.e.s de leurs droits par des personnes qu’iels n’ont jamais rencontrées.

Les refusé.e.s sont alors éjecté.e.s de tous les circuits de prise en charge et orienté.e.s par les éducateur.ice.s de Forum vers nous, un groupe de 7 étudiant.e.s qui soutient, avec d’autres associations, les mineur.e.s de Lyon depuis novembre 2017. On nous appelle le jour même pour venir chercher les refusé.e.s et leur trouver un hébergement d’urgence pour le soir et les mois qui suivent. Car personne d’autre ne semble faire ce boulot avec les refusé.e.s à Lyon. C’est aussi à nous de les prendre en charge et de les accompagner au quotidien dans toutes leurs démarches et tous leurs problèmes (craintes, stress, angoisses, doutes...). Nous devenons les assistant.e.s social.e.s que la Métropole est bien contente de ne pas financer.

Outre les refusé.e.s, nous accueillons beaucoup de primo-arrivants en attente d’évaluation. En ce moment, c’est quelque 60 jeunes que l’on héberge et suit quotidiennement à la place de l’État, et depuis novembre, plus de 330. Devant un tel nombre de mineur.e.s, le système d’hébergement solidaire chez des particuliers que nous avons mis en place fin décembre ne suffit plus. Depuis bientôt trois semaines nous occupons donc un bâtiment vacant qui permet à une quarantaine de mineurs de ne pas dormir dans la rue. Ce lieu est plus qu’un dortoir. Il leur permet de se laver et de manger selon leurs besoins, de se reposer, d’apprendre les maths, le français et la musique, de peindre, de jouer au ballon et de danser... en somme de vivre, autant que faire se peut, la vie que des millions d’autres ados vivent en France.

Ce squat n’aurait pas lieu d’être si les pouvoirs publics prenaient leurs responsabilités et sera légitime à exister tant qu’ils ne le feront pas.

Pour finir avec ce constat dégradé, Sésame, une branche du Secours Catholique chargée de l’accueil des migrant.e.s, qui tient chaque matin une permanence dédiée aux mineur.e.s, devrait fermer ses portes à la fin du mois. Cette association est un repère majeur pour quelque 800 mineur.e.s à Lyon, leur accordant de l’attention, un repas chaud, des cours et des loisirs pour occuper leurs longues journées d’attente. Sésame va fermer car ses dirigeant.e.s nient le travail acharné des bénévoles, pensant que Forum Réfugié avec ses 25 places d’accueil peut s’occuper de plus de 800 jeunes. Les bénévoles de Sésame refusent cette décision insensée et souhaitent maintenir la permanence pour assurer un des rares accueils dignes de migrant.e.s à Lyon. Nous affirmons ici notre soutien à ces bénévoles dans toutes leurs revendications.

Ce que nous demandons aux pouvoirs publics, à la Métropole en particulier, c’est avant tout que de réels moyens, en termes de personnel, de locaux et de budget, soient mis en place pour assumer la réalité de la situation migratoire à Lyon. (Nous parlons ici des mineur.e.s, mais celle des majeur.e.s est aussi alarmante, si ce n’est plus.) Ce ne sont pas les locaux exigus de la MEOMIE à Grange Blanche qui permettent de recevoir les dizaines et dizaines de jeunes qui y défilent chaque jour. Ce ne sont pas les six ou huit assistant.e.s social.e.s qui y travaillent qui peuvent accompagner plus de 1000 mineur.e.s enregistré.e.s à la MEOMIE. La Métropole a les moyens quand il s’agit de contrôler et punir, qu’elle en mette dans l’accueil et l’accompagnement des mineur.e.s. Nous sommes conscients qu’il faudra pour cela qu’elle change de mentalité : qu’elle cesse de les voir comme des étranger.e.s et qu’elle commence à les considérer comme des enfants, et plus largement, comme des êtres humains.

Nous voulons montrer ici l’importance d’être présent auprès de ces jeunes, délaissé.e.s mais rempli.e.s d’énergie et d’espoir, pour les soutenir dans ces moments de lutte décisifs. Nous en appelons également à la solidarité de tout un chacun, de quelque manière que ce soit (organisationnelle, matérielle, artistique...), dans ce combat qui s’annonce de longue haleine.

Une cagnotte en ligne a été créée pour permettre de faire venir les extraits de naissance du pays jusqu’en France. C’est sans doute ce qui est le plus difficile à assumer financièrement. Tout soutien est le bienvenu :

https://www.helloasso.com/associations/les-copains-des-mineurs/collectes/des-extraits-de-naissance-pour-des-jeunes-mineurs-etrangers

La page FB du collectif : soutienmineursisoleslyon
des étudiant.e.s solidaires des mineur.e.s

Appel aux dons pour la maison de mineurs étrangers

Un nouveau lieu de vie accueille des mineurs étrangers et des étudiant.e.s qui les soutiennent. Pour faire vivre cet endroit et ses habitant.e.s, besoin de pas mal de matos et de produits de première nécessité.

15 mai 2018

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