A 6h30 sur le piquet de grève de Gerland, une prise de parole énergique est acclamée par des cris, des klaxons, et des pétards qui explosent. On mange quelques gâteaux, on va se prendre un café à la station-service voisine et on raille les quelques non grévistes qui partent en tournée. A 8 heures, une centaine d’égoutiers arrivent en tenue de travail (bleu, lampe frontale sur casque de chantier, grandes bottes-cuissardes). De nouveau, des pétards et des cris !
Ce qui les énerve plus que tout, les éboueurs, ce sont les dénigrements : « ils disent qu’on gagne 1700 euros net en début de carrière, j’ai 31 ans d’ancienneté, je suis à 1600 euros » raconte Alain. En effet la presse a sorti des chiffres dont ne sait où. Le préfet en a remis une couche « On ne peut pas vouloir travailler moins quand on travaille déjà pas beaucoup, on ne prend pas une ville en otage. »
Alain réplique « on a l’avantage du "fini parti", mais faut pas rêver on commence à 6 heures et les tournées s’allongent, on finit souvent à midi et ça du lundi au samedi ». Pourtant en 2003, les syndicats avaient obtenu de travailler seulement un samedi sur deux. Une disposition qui n’a été appliquée qu’aux « chefs ». Certains travaillent le dimanche, les jours fériés, il y a aussi des astreintes.
Mais la grève de ce mois de mars ne concerne pas les conditions de travail rappelle Hamid : « on va pas réclamer des sous alors que c’est la crise, nous on est contre la privatisation, on a bien vu comment ça c’est passé ailleurs, y avait pas de suicide à la poste quand elle était 100% publique ».
La revendication centrale du mouvement n’a rien de radicale. La privatisation opérée par le grand lyon en 2007 n’est pas remis en cause, ils veulent simplement ne pas échanger leur tournée avec Véolia.
En effet, en 2007 le Grand Lyon a donné 50% du « marché du ramassage » à Véolia. Dans le lot obtenu, on trouve une partie des endroits les moins urbanisés, les extrémités de la communauté de Commune, là où il y a le moins d’ordures au km, et donc là où la rentabilité est moindre pour le groupe. C’est cette injustice envers l’entreprise du CAC 40 que Gérard Collomb a décidé, seul, de rectifier. Refiler les arrondissements les plus juteux à Véolia en échange des moins rentables pour les cantonniers publics. Bref c’est le vieil adage : privatiser les profits et mutualiser les pertes.
On imagine les suites, quand les pertes seront trop importantes, on privatisera le tout, et l’entreprise privée pourra augmenter les charges des riverains des zones « les moins bien desservies ».
« On est venu pour soutenir nos copains », raconte un égoutier, « on sait très bien que la privatisation va nous toucher nous aussi prochainement, faut qu’on montre qu’on est unis ». Les collègues de l’assainissement accompagnent les éboueurs du piquet de grève de Gerland jusqu’au Grand Lyon : Manif sauvage, corne de brumes, pétards, et slogans sont salués par plusieurs chauffeurs de bus le long de l’avenue Jean Jaurès.
L’ambiance monte encore quand ces quelques centaines de manifestants, rejoints par le piquet de Villeurbanne investissent le hall du Grand Lyon, les pétards continuent de péter, des clopes se fument, le groupe entonne « mais il est où, mais il est où... Gérard Collomb ». On aimerait bien voir la tête du sénateur maire si tout ce monde envahissait son bureau pour taper du point sur la table mais non. Les leaders syndicaux recadrent leur troupe « on est des gens responsables, on vous demande de garder votre calme, pas de pétards, pas de klaxon, pas d’insultes, pas de débordements, c’est l’intersyndicale qui gère ». Un gréviste un peu déçu demande « on peut chanter quand même ? ».
Les représentant syndicaux se passent le mégaphone et annoncent qu’ils vont être reçus. Mais « la rencontre avec la direction de la propreté n’a rien donné. » nous dit Le progrès.
Si les éboueurs ont choisi d’aller gueuler sous les fenêtres de Gérard Collomb, c’est que le Gé a fait dresser une liste par des huissiers de justice. Il s’agissait pour lui d’avoir des noms de gréviste à déférer devant le parquet pour « entrave à la liberté de travail ». « Et ça se dit socialiste » raille un éboueur, « C’est la première fois en 40 ans que notre hiérarchie touche à notre doit de grève : il met des intérimaires pour remplacer le personel gréviste et il nous attaque en justice ».
L’audience a eu lieu hier et le verdict est tombé cet après-midi : les sept syndicalistes ont été condamnés pour entrave à la liberté du travail. Cette décision a deux conséquences directes : d’abord l’obligation pour les grévistes de tenir leur piquets de grèves hors des dépôts, et surtout la possibilité pour le Grand Lyon de faire intervenir la flicaille contre les grévistes qui tiennent leur piquets dans les dépôts.
Mais le mouvement continue pourtant de plus belle, la solidarité s’organise, cet après midi, des étudiants ont fait une table d’information et une caisse de soutien à l’ENS.
Pour aller les soutenir, le plan en bas cet article
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