On a du mal à croire qu’elle se termine, cette année 2024 où l’on ne compte plus les mois qui passent. Des gouvernements qui s’enchaînent, le fascisme aux portes du pouvoir un peu partout dans le monde, une année sans réel mouvement social d’ampleur, une pandémie qui continue, des subventions radiophoniques qui s’envolent, le génocide à Gaza qui s’aggrave, la pression de la métropole sur les ex-colonies… Bref, une année bien chargée, qu’on a accompagnée parfois de près et parfois de très loin avec nos micros pour vos oreilles.
Retour en janvier, où l’on démarrait l’année avec une plongée radiophonique dans les projets routiers avec la Déroute des routes. Comme de nombreuses autres fois dans l’année, on a tendu le micro à des luttes écolo locales d’un peu partout en France. Que ce soit les giga-bassines auvergnates en mai ou en embarquant avec la traversée des luttes de l’eau en septembre, face au changement climatique global, on a suivi de près celles et ceux qui luttent pour le renversement du système capitaliste fossile dans lequel nous étouffons.
Nos petits cœurs de géographes ne nous ont pas portés que sur des luttes contre l’aménagement de zones rurales mais aussi sur les transformations liées à la production de l’espace dans les métropoles. Il a notamment été question des projets de rénovation urbaines menés de manière autoritaire dans les quartiers nord de Marseille avec un collectif de locataires en bras-de-fer avec l’ANRU pour sauvegarder leurs logements, mais aussi des jeunes du quartier de l’Alma-Gare de Roubaix, qui luttent pour protéger leur lieu d’habitation des démolitions. Comme l’aménagement du territoire est à la fois utilisé pour reléguer les classes populaires dans les quartiers, il est aussi utilisé pour perpétuer un racisme structurel contre les « gens du voyage », installés dans des aires d’accueils que nous a présenté au micro William Acker. S’attaquer aux transformations des métropoles nous a aussi mené à couvrir avec d’autres camarades de Canut une semaine de lutte contre toutes les expulsions à Lyon. Finalement, la métropole et l’aménagement du territoire, on a fini par s’y perdre et par décider de leur faire un pied de nez en tendant le micro à celles et ceux qui font parler leurs murs.
Celles et ceux qui écoutent Minuit Décousu depuis un moment le savent, on a nos petites marottes qui reviennent, émission après émission. La taule en fait largement partie et 2024 n’aura pas fait exception. Après avoir terminé l’année 2023 en écoutant le récit intime de premiers parloirs, 2024 a commencé par revenir sur les conséquences pénales des révoltes contre les violences policières qui ont suivi la mort de Nahel Merzouk en juin 2023. L’année a aussi fait la part belle aux fameuses « alternatives » à la prison ferme, dont le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire s’entichent de plus en plus. Enfin, on a pris un peu de hauteur sur tout ça en causant de l’histoire de la pensée de l’abolition du système pénal, des prisons et de la police, avec Shaïn Morisse.
Comme la prison n’est pas le seul moyen de gestion des populations, on a aussi fait chauffer nos enregistreurs pour s’intéresser à l’enfance et à ce que notre société et la domination adulte qui la sous-tend fait aux gosses. On a commencé par revenir au début des années 70 pour exhumer l’histoire d’un collectif de fugueureuses qui ont trouvé refuge dans la fac de Vincennes. Jamais très loin de la taule, on a adapté l’histoire du jeune Milot, un gamin des faubourgs de Paris au début du 20e siècle, qui est trimballé de prison en prison toute sa vie. Quand on cherche à comprendre l’enfance, il est difficile de ne pas se pencher sur le cas de l’école et d’écouter les élèves qui y vivent la plupart du début de leur vie, mais aussi de s’intéresser à celles et ceux dont l’école cherche à se débarrasser et à ségréguer, notamment les élèves handicapés.
On l’a vu et entendu cette année, le validisme ne se limite pas à l’école, comme l’a largement démontré la proposition de loi sur l’euthanasie, dite « loi fin de vie ». A notre habitude, préférant l’avis des personnes étant directement concernées par cette mesure visant à « soulager les soignants » (dixit Caroline Fiat, LFI), on a tendu le micro à Elisa Rojas pour nous aider à en découdre avec le sujet. On s’est aussi éloigné·es de l’actualité pour parler plus généralement des vies handies et leurs particularités dans une société faite par et pour les personnes valides, avec Zig Blanquer. Les plus attentives et attentifs auront remarqué que cette année non plus, les micros du studio n’auront pas été épargnés par les bruits de nos masques en studio, l’occasion de revenir à nouveau en profondeur sur la question de l’autodéfense sanitaire vis-à-vis du Covid-19 avec des collectifs en lutte sur la question, mais aussi avec l’apport historique d’Act-Up Paris.
On essaye coûte que coûte de faire rentrer nos émissions dans des grandes boîtes alors qu’on passe notre temps à découdre des choses. Minuit Décousu en 2024 ça a donc été aussi plein d’autres sujets, formats, discussions et créations. Pêle-mêle : ça a été des frontières à la fois en Méditerranée mais aussi sur le plateau de Retors, des plongées dans les cuisines, du vol à l’étalage, des vieux en colère, du marchandage d’armes international, des fous-folles qui écrivent des journaux, des choses qu’on écrit pour soi et pour les autres, une lettre d’amour radiophonique à la plus rebelle des radios, des nuits décousues qui ne s’arrêtent plus et finalement une 200e, la famille qu’on retrouve ou dont on se sépare et enfin la mort qui nous attend toustes au tournant.
Et surtout, on a eu le plaisir de lancer notre série-doc’ Le cul entre deux chaise , diffusée en feuilleton chaque fin d’émission. Une histoire intime de l’immigration Yougloslave, qui occupera avec nous la fin de grille du mardi jusqu’à la fin de la saison !
L’année 2024 se termine, mais on a encore plein de matériel radiophonique dans notre besace, de quoi faire de belles émissions toute l’année à venir. On se retrouve en janvier !
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