À Lyon, une politique pénale du « deux poids, deux mesures »
Depuis le 23 septembre 2021, sept militants antifascistes lyonnais sont poursuivis par le parquet de Lyon pour une altercation avec des membres du groupe Civitas. Cette organisation catholique intégriste combat notamment le droit à l’avortement et s’inscrit dans la galaxie de l’extrême-droite française qui prend part aux marches contre le pass sanitaire pour y diffuser des discours antisémites et de haine. C’est lors d’une de ces manifestations, le 28 août dernier, que l’altercation a eu lieu.
Le parquet, requérant le placement en détention provisoire de l’ensemble des sept militants antifascistes, a obtenu du juge des libertés et de la détention l’incarcération de quatre d’entre eux immédiatement après leur garde-à-vue, les trois autres étant soumis à un strict contrôle judiciaire.
Dans le cadre de cette affaire, il nous paraît important de souligner plusieurs points :
Le parquet s’est auto-saisi de ces faits et a mené une procédure entièrement à charge contre les militants antifascistes, alors même qu’aucune plainte des supposées « victimes » (pour lesquelles aucune ITT n’aura été constatée) n’a été enregistrée. Les militants de CIVITAS n’ont quant à eux été ni convoqués, ni auditionnés pour s’expliquer sur les faits de violence. Par contre, la police les a bien contactés, sans que l’on puisse comprendre les liens entre les enquêteurs et Civitas, ni même qui a été contacté. Le parquet de Lyon, pourtant soumis au principe d’impartialité et devant veiller à ce que les investigations soient menées à charge et à décharge, apparaît n’orienter les services d’enquête que dans un sens.
Les interpellations sont intervenues après 3 semaines d’enquête et ont donné lieu à des gardes-à- vue d’une durée de 48 heures. Au terme de ces délais, le parquet a utilisé le retard pris par les services de police dans l’exploitation des données téléphoniques pour saisir le tribunal selon la procédure de « comparution immédiate à délai différé ». [1] L’utilisation de cette procédure, dont la création récente a largement été analysée comme visant à faciliter l’incarcération, relève d’une volonté répressive explicite et a permis de balayer les observations des conseils des mis en cause.
Le parquet s’engage ainsi dans un choix politique : apporter la réponse forte et répressive de la comparution immédiate, sans présenter un dossier d’enquête complet permettant à un juge de se prononcer au fond. Et ce, aux dépens de la liberté des mis en cause.
Le traitement judiciaire de cette affaire illustre une politique pénale du parquet de Lyon toute particulière dans ce type d’affaires. Il accumule les poursuites à l’encontre des militants antifascistes, tout en brillant par son absence dans le traitement des violences commises par l’extrême-droite à Lyon, pourtant nombreuses et documentées.
Les nombreux groupes néo-fascistes de Lyon forment une véritable nébuleuse et disposent de locaux ayant pignon sur rue. Au cours des dernières années, ces militants tentent d’imposer un véritable climat de terreur sur la ville.
Lors de la finale de la Coupe d’Afrique des Nations le 14 juillet 2019, ils agressent des supporters algériens aux cris de « sales bougnoules ».
Le 28 juin 2021, en marge du match de football entre l’équipe de France et celle de Suisse, ils agressent de jeunes supporters de l’équipe de France, pas assez blancs à leur goût, utilisant une arme blanche contre un jeune qui devra se faire recoudre la lèvre. Lors de ce dernier événement des militants d’extrême-droite ont été filmés et reconnus par de nombreux témoins. Pourtant, la Préfecture démentira le caractère raciste de l’agression et qualifiera l’événement de « bagarres entre supporters ».
Le 12 décembre 2020, deux militants syndicalistes qui participent à une collecte de jouets sont passés a tabac par ces mêmes personnages devant la librairie La plume noire, dans les pentes de la Croix-Rousse.
Le 20 mars 2021, une quarantaine de militants d’extrême-droite attaquent cette même librairie et brisent ses vitrines puis traversent plusieurs quartiers de la ville avec des barres de fer, cagoulés, sans être inquiétés. Le groupe « Ouest Casual » diffuse avec fierté les vidéos de ces violences en septembre 2021. Mais ne semble pas attirer l’attention du parquet.
Lors de la marche des fiertés lesbiennes du 24 avril 2021 une quarantaine de néo-fascistes tente d’attaquer, sans succès, la manifestation. Le 29 septembre 2021 des militants d’un groupe antifasciste, la Jeune Garde, sont agressés dans la gare de Perrache par des individus armés de cutter et de barres de fer à la sortie d’une conférence sur l’extrême droite.
Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive. Elle ne détaille pas l’ensemble des bris de verre et des tags menaçants à l’encontre de locaux d’organisations de gauche et de syndicats comme le PCF, la CNT ou la CGT, visés a de nombreuses reprises. La radio libertaire Radio Canut a ainsi subi trois attaques de l’extrême-droite au cours de la seule année 2017.
Comment expliquer l’absence de poursuites suite à ces violences multiples de la part de l’extrême droite lyonnaise, documentées, parfois filmées et même revendiquées ? Comment expliquer que trois militants antifascistes dorment en prison pour une altercation n’ayant pas entraîné d’ITT, dont tous les protagonistes n’ont pas été entendus, alors que des agressions à l’arme blanche restent impunies ? Comment expliquer que des groupes dissous par décision gouvernementale, tels que
« Bastion social » et « Génération identitaire », puissent encore se réunir et disposer de salles ayant pignon sur rue ?
Le parquet de Lyon semble engagé dans une politique du « deux poids, deux mesures » qui conforte l’impunité des militants d’extrême-droite.
Nous dénonçons les orientations politiques du parquet de Lyon dans ce type d’affaires et nous nous questionnons quant à la mise en œuvre de procédures gravement attentatoires aux libertés dans le cadre de la procédure initiée le 28 août 2021.
Nous demandons la relaxe des 7 militants antifascistes et la liberté pour les 3 militants encore en détention provisoire, et nous tiendrons à leurs côtés à leur procès du 4 novembre prochain.
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