A 67 ans, Marie-Agnès PICANON n’a plus rien à perdre. Ni les années, ni la fatigue, ni le silence des institutions n’ont réussi à l’arrêter. Depuis la mort mystérieuse de sa fille transgenre, retrouvée sans vie dans un établissement psychiatrique de Haute-Savoie à 800 kilomètres de son domicile, cette mère se bat seule. Elle cherche des réponses que personne ne veut lui donner. Elle exige la vérité que tous semblent vouloir enterrer.
« Pas un appel. Pas un mot. Pas même une lettre de condoléances de l’EPSM74 » dit-elle d’une voix posée mais glacée par l’amertume. Depuis le jour ou on lui a annoncé le décès de sa fille, elle vit avec la brûlure de l’indifférence. Sa fille n’était pas une patiente parmi tant d’autres, c’était Ève KOUACHE, une femme en lutte, une personne trans, fragile mais lucide, qu’on a enfermée, isolée, dépossédée de tout - jusqu’à la vie -. Internée sous la contrainte, loin de tout repère, loin de ceux qui auraient pu la protéger, les questions Pourquoi ? Par qui ? Comment ? restent sans réponse.
« Quand j’ai appris où elle était, c’était déjà trop tard » murmure sa mère.
Depuis, elle remue ciel et terre. Mais les institutions se taisent. Les dossiers médicaux sont verrouillés. Les journalistes, muets. La Justice, lente. La douleur, elle, est bien présente. Alors elle écrit. Elle appelle. Elle relance. Elle interpelle la presse, les associations, les ministres. Elle a même repris ses études de droit. Elle affronte les préjugés transphobes et le mépris feutré de ceux qui aimeraient la voir lâcher prise.
A ses yeux, il ne s’agit pas d’un simple drame mais de violence institutionnelle. Cette mort aurait pu être évitée si la société savait écouter les plus vulnérables, les plus invisibles. Comme Don Quichotte, elle affronte des moulins qui ressemblent à des forteresses : le système médical, l’administration, la justice. Elle continue, non par héroïsme, mais parce qu’elle n’a pas le choix.
« Ce que je fais, ce n’est pas seulement pour Eve, c’est pour toutes celles et ceux qu’on fait taire, qu’on isole, qu’on enterre sans vérité. »
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