Depuis des décennies, la lutte contre le Lyon-Turin fait rage en Italie avec une intensité qui l’a durablement ancré dans la mémoire militante italienne. La lutte « NO TAV » est à l’image de ses sœurs françaises contre l’aéroport de NDDL, celles contre les routes anglaises ou les mines allemandes.
Mais de ce côté-ci des Alpes, malgré des décennies de bras de fer juridico-politique, force est de constater que la mayonnaise de ne prend pas. Et pourtant, une simple visite en Maurienne où un premier tronçon est en chantier depuis 20 ans donne toutes les raisons de se révolter devant l’ampleur des dégâts dans cette vallée-chantier.
Ici, l’état crache du cash par milliards pour effacer les reliefs dans un élan viril de bétonneur à qui tout est permis. Sur place, personne ne sait rien, les mairies abdiquent par républicanisme déconcertant et le voisinage direct des chantiers se résigne grâce à la propagande badigeonnée dans les torchons locaux.
Il n’y a guerre d’espoirs sur le tronçon Maurienne-Val di Susa qui s’est barricadé sous des rangées de barbelés défendues par une gendarmerie devenue boite de sécu privée. Les leviers d’action sont particulièrement complexes à envisager et plus personne ne se risque à évoquer une quelconque perspective légaliste pour ces 115km de tunnels.
Mais il nous est permis d’espérer, un peu. Le projet est « saucissonné » comme iels disent. En France, le bac à sable fait 120km de la banlieue Lyonnaise jusque dans la Chartreuse et la Belledonne. En Italie, c’est aussi du grand n’importe quoi avec 65km quasi tout en tunnel. Des tunnels, ça veut dire des millions de camions ou des tapis roulants dans toutes la vallée pour re-faire des montagnes à partir des gravats excavés. Pour celleux qui pense comme nous que l’eau c’est cool, le projet rime aussi avec la destruction des réseaux hydriques, le tarissement de certaines rivières et leur évidente pollution par les poussières et hydrocarbures de chantier.
À l’ouest des Alpes, la bataille s’organise autour des collectifs et des associations locales qui se focalisent sur un travail de fond et d’information. Au programme : le « gaspillage d’argent public », le « déni démocratique » et autre « destruction de l’environnement ». La lutte apparaît fade comme nombre d’autres luttes locales qui ne parviennent pas à sortir des construction politiques intrinsèques à leur classe sociale.
Ce conservatisme-républicain d’une pseudo-gauche-écolo priorise les mains tendues aux réac’, aux racistes, aux mascus, aux élu.es dociles et carriéristes. C’est la défense du statu quo avec l’espoir vain de mobiliser « tout le monde » dans une tactique du « propre-sur-soi », cette stratégie tourne délibérément le dos aux militant.es qui pourraient gratter là ou ça fait mal. C’est par là même l’affirmation d’une identité bourgeoise et d’« ancien.nes » bien installé.es dans leur patrimoine et leurs sociabilités locales.
Cette volonté de mobiliser TOUT le voisinage dans un mythe de soulèvement populaire occulte la critique de l’état, la matérialité du capitalisme dans le sale monde du BTP et plus largement tout discours anti-autoritaire, décolonial, anarchiste & féministe radical.
En dehors des concidérations morales, cette posture politique est doublement perdante. D’une part, elle a conduit à un échec sans appel sur le tronçon transfrontalier en cours, là où les No Tav ont obtenus des, certes maigres, mais réels sursis et modifications de tracé. D’autre part, elle ne participe d’aucune manière à consolider le rapport de force national contre les artificialisations et le développement des flux, là où d’autres luttes auront au moins été dissuasives pour de nouveaux projets.
Aujourd’hui, l’heure est à l’agitation. En France, Wauquiez s’est couché aux conditions de l’Europe : il a payé juste avant le gong ce qu’il fallait pour engager les études environnementales. Autrement dit, l’hécatombe va commencer, les écologues vont établir une liste noire des espèces bientôt bousillées par les engins histoire de coller aux quelques clauses de bonne conscience du code de l’environnement.
Sans trop s’attarder sur les détails administratifs et la petite tambouille du dossier, les chantiers pourraient commencer en 2027/2028 dans 3 ou 4 villages avant de s’étendre à l’ensemble du tracé. D’ici 2 ans, ce qui sera un des plus grands chantiers du siècle pourrait commencer dans un silence sidérant et une docilité fascinante.
Ce texte est donc une invitation à se rendre visible dans notre diversité, avec nos passions et nos partis-pris politiques radicaux. C’est un appel à nous mobiliser et mobiliser autour de nous sur ce futur chantier. Bientôt, le projet sortira des cartons, des PowerPoint et de la vallée de la Maurienne.
Préparons baudriers, gants et masques : la chasse est bientôt ouverte.
Anonyme.
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