Pourquoi, dans le centre-ville de Lyon, une scène de liesse se transforme en émeutes

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Voici deux témoignages avec photos relatant la soirée festive (et répressive) de jeudi après la qualification de l’équipe de foot algérienne aux 8e de final de la coupe du monde 2014.
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Pourquoi, dans le centre ville de Lyon, une scène de liesse se transforme en émeutes (GALE)

Hier soir, le quartier de la Guillotière est resté pendant tout le match comme à son habitude animé, juste avant le coup de sifflet final les CRS commençaient à se déployer aux alentours de la place du pont (place Gabriel Péri) et du pont de la Guillotière...

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Le match nul de l’Algérie les qualifient, les supporters et habitant-e-s du quartier commencent petit à petit à descendre de chez eux habillé-e-s de la tête aux pieds aux couleurs de l’équipe d’Algérie qui vient pour la première fois de son histoire d’être qualifiée pour les huitièmes de final de la coupe du monde. On peut aisément comprendre la joie de leurs supporters, les chants sont lancés, les gens sautent au milieux de la place, tout le monde a le sourire, les fumigènes sont allumés, les klaxons et les rupteurs des motos mettent de l’ambiance.

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L’ambiance est à la fête, les gens commencent à se diriger vers le centre ville de Lyon, Bellecour, cette fois-ci (lire Rage populaire, à la Guillotière ! Après le match de l’Algérie le 22 juin au soir) les CRS laissent passer mais le cortège de 300 à 400 personnes est suivi de près par les groupe mobile de la BAC, arrivé vers Bellecour tout le monde s’arrête à l’entrée de la rue de la République, une darbouka est transformée en coupe du monde et certains miment une probable remise de la coupe sous les tirs de feux d’artifice et de pétards.

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Les ordres sont les ordres, tout à coup les forces de Police ainsi que les CRS chargent et gazent les personnes venus fêter cette victoire. Sans aucune raison ce sont des hommes, des femmes, des enfants, tout le monde qui subi une attaque à la grenade lacrymogène que cela soit rue de la République ou rue de la Barre.
Les tirs de flashball partent (du tir tendu à moins de dix mètre comme d’habitude). La foule ne répond pas tout de suite et recule rue de la Barre pour continuer à chanter, lancer des feux d’artifice plus loin en dehors des lacrymogènes, mais un énième tir de lacrymogènes viens finir la fête pour les supporters, les larbins de l’Etat veulent faire joujou avec le matériel.

Lassée des violences policières, la foule s’organise et renverse un container de verre et c’est une pluie de verre qui va durer 5 min sur les CRS avant un énorme gazage, l’hélicoptère viens survoler la foule mais ça n’empêche pas plusieurs supporters de continuer à danser autour d’un fumigène et d’un drapeau algérien, les CRS décident que la fête est finie et que l’accès au centre ville aux « dangereux » algériens du quartier populaire de la Guillotière est terminé, ils commencent à fermer certains accès et à rabattre la foule en direction de Saxe à coup de tirs de flashball et de lacrymogène.
Quelques jeunes voulant barrer l’accès de la Guillotière aux camion de CRS avec des barrières de chantier se font tirer dessus aux canons à eau, les voitures circulant se font gazer aisément et doivent tout faire pour se dépêtrer de la situation.
Les flics chargent et visent l’interpellation, s’engagent des affrontements et le jeu du chat et de la souris avec les supporters jusqu’à trois heures du matin, mais des gens se feront poursuivre jusque devant chez eux avec l’aide de l’hélicoptère de la gendarmerie.
Pour ce qui est de l’opération antiracaille des identitaires, un travail de tractage et de rencontre des commerçants, des riverains, des jeunes du quartier par les antifas a été fructueux. Ainsi des militants, libertaires, antifas, étudiants, personnes du quartier étaient présents pour veiller. Ce fut soirée kamikaze pour les racistes, un premier groupe a été repéré juste avant de se cacher derrière un cordon de policier.
Ainsi, ça et là des isolés se sont fait victimiser par tout le monde, pensant passer au travers tous se défendant d’être raciste ou d’appartenir à un groupe facho.

Aujourd’hui la presse se régale à parler d’incidents alors que la violence a bien été du côté des flics, il s’agissait bien d’autodéfense populaire. Les fachos (une vingtaine) ont passé leur soirée à se cacher avec un énorme flop du côté des organisateurs.
On pourra aussi noter un super accueil pour les militant-e-s antifas de la part des supporters algérien ainsi que beaucoup de message de soutien.

Pas de Facho dans nos quartiers,pas de quartier pour les fachos.
Vive le multiculturalisme, à bas le racisme !

La GALE ( Groupe Antifasciste Lyon et Environs )


La vraie répression, au final, ce sera le lendemain dans les journaux

Quelques secondes avant le coup de sifflet, la Guillotière, qui jusque-là retenait son souffle, se réveille. Il est 23h45, l’équipe d’Algérie vient de remporter son billet pour les 8es de finale de la Coupe du monde, pour la première fois de son histoire. Les rues se remplissent, des pétards sont jetés, et le carrefour de la place du Pont devient l’épicentre d’un concours de klaxons, fumigènes et danses autour des voitures. Des slogans aussi « One two three, viva Algérie », mais aussi « Bouteflika, on n’en veut pas ! »

Peu après, sans qu’un signal soit donné, on prend la route de la place Bellecour, de plus en plus en plus nombreux. Les flics sont peu présents, sauf une trentaine de baqueux rue de la Barre, en uniforme et formation regroupée, flashballs pointés sur la foule. Petit instant de panique, mais ils refluent finalement derrière les rangs de CRS sur la place Bellecour. La fête peut vraiment commencer. Pendant une grosse heure, les moteurs ronflent, les gens montent sur les toits des voitures, des feux d’artifice éclairent le ciel. Bonne ambiance.

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Mais des rues sont quand même bloquées pour empêcher tout départ en cortège, vers Perrache par exemple. L’hélico tourne au-dessus, étrange pour un rassemblement festif et tranquille. Et les CRS, casqués et bien protégés, sont étrangement proches d’un rassemblement de plusieurs milliers de personnes qu’ils filment avec leurs caméras portatives, sans que personne ne s’en inquiète trop dans un premier temps. Ils finissent par prendre une petite bouteille. Immédiatement, les flashballs pointent les têtes des fêtards les plus proches. Mouvement de foule pour se
protéger, mais la fête se reforme à quelques dizaines de mètres de là.
Ça ne suffit pas pour les flics, qui aspergent alors copieusement la foule de grenades lacrymogènes. Ça faisait un moment que ça les démangeait apparemment. Faut dire que c’est la BAC à la manœuvre, bien connue pour ses pratiques racistes et violentes.

Tout le monde se replie sur l’entrée du pont de la Guillotière et les feux d’artifice reprennent. Les gens vont et viennent, et finissent par repartir joyeusement vers la place Bellecour. Mais là, nouveaux tirs de grenade lacrymogènes. On déguerpit fissa, les CRS et les baqueux sont en formation, avancent sur la rue de la Barre et semblent décidés à faire cesser la fête en arrêtant et blessant des personnes avec leurs flashballs. Un container à verre est retourné, quelques bouteilles sont lancés pour les contenir. Peine perdue, ils sont à 100 m. Au-dessus l’hélico tournoie. Les yeux piquent. Nouvelle avancée des flics qui repoussent sur les quais ou vers la Guillotière la foule qui continue à chanter et danser au milieu des klaxons, ou à gueuler sur les flics qui gâchent la fête.

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Il est 1h30, le pont de la Guillotière est bouclé côté 7e, avec des canons à eau. Dispositif policier digne de grosses émeutes, prévu pour la répression. Les journalistes préparent leurs gros titres à partir des communiqués de la préfecture, des messages racistes sur les réseaux sociaux et 3 photos de flammes, incapables de comprendre ce que peut être une fête populaire dans les rues et pas devant la télé.

La vraie répression, au final, ce sera le lendemain dans les journaux.

Un lyonnais


Lire également :
- Stop aux violences policières et aux menaces de l’extreme-droite lyonnaise
- Non à l’occupation militaire de la Guillotière et des quartiers populaires

P.-S.

Vos témoignages / récits de cette soirée sont les bienvenus ci-dessous en complément d’infos.

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  • Le 1er juillet 2014 à 23:50, par Massimo tartaglia

    A Lyon, la police c’est la police qui dicte aux medias ce qu’ils doivent ecrire :
    Albert Doutre,le patron de la Direction départemental de la sécurité publique du Rhône « blackliste » les rares journalistes qui ont l’impertinence d’evoquer les bavures de la police lyonnaise et de ne pas se contenter de copie/colles du discours de la prefecture....

    http://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Medias/Le-patron-de-la-police-vire-Lyon-Capitale-d-un-point-presse

  • Le 28 juin 2014 à 14:11, par la gale
  • Le 28 juin 2014 à 12:34, par Complot d’Extrême gauche

    Toute façon c’est un complot, fomenté par l’extrême-gauche, et le FN local l’a bien compris :

    « Il y a pire, des groupuscules d’extrême gauche se sont mélés aux casseurs de la Presqu’Ile pour attaquer les forces de l’ordre » (sic).
    (Boudot dans lyonCapitale)

  • Le 28 juin 2014 à 12:14, par Dans la presse

    J’ai fait le tour de la presse lyonnaise, pour voir un peu comment était couverts les évènements de jeudi soir. On pouvait bien sûr s’attendre au traitement médiatique (la palme à LyonMag, joyeusement vendu au populisme, et dont on aura croisé jeudi soir le condescendant journaliste cigare à la bouche).

    Mais le point qui m’a le plus marqué dans ce traitement médiatique, c’est l’absence de toute recherche de causalité entre les « dégradations » et les charges policières. En gros les journalistes nous disent que les flics ont chargé pour disperser les « dangereux casseurs ». Alors que toute personne présente dans la rue ce soir là pourra attester la chose suivante : La casse (pour produire des projectiles et foutre le bordel) n’a commencé qu’à partir du moment ou les première attaques policières ont transformé la fête en émeute....

  • Le 28 juin 2014 à 09:49, par

    À Marseille, lors des précédents succès de l’équipe algérienne, la foule se déversait sur le Vieux Port avec feux de Bengale et derboukas. Il y avait des chants, des danses et quelques roues arrière mais je n’ai jamais vu une voiture flamber (les dégâts allégués le lendemain par la presse c’était toujours dans un autre quartier, ailleurs, et de quelle main on ne le savait pas).

    Cette année, un cordon de CRS barrait l’entrée du Vieux Port. Les gens ont donc tenté de se regrouper un peu plus haut sur la Canebière où ils ont été chassés par une agression semblable à celle que vous décrivez (gaz lacrymos et coups de matraque, pas d’hélico tout de même, on n’est pas place Bellecour...)

    Et bien évidemment, les malheureux-ses qui avaient subi cet assaut ont fini par se rebeller un peu plus haut cours Belzunce.

    Je n’ai pas connu les « ratonnades » policières de 1961, il ne s’agit sans doute pas du même degré de violence mais il y a quand même quelque chose de sinistrement semblable dans cette manière de traiter le peuple algérien ou algérophile comme une entité adverse, spécialement dangereuse et prioritairement matraquable. Comme si la fierté nationaliste (pour laquelle je n’ai pas grande sympathie) était un trouble à l’ordre public quand elle s’affiche algérienne.

    La vérité est que la liesse populaire a droit de cité quand il s’agit de l’équipe de France, mais pas de l’équipe d’Algérie... À enfoncer le clou on allume le feu !

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