Aux supers Croix-Roussien(ne)s

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Devant les réactions très nombreuses de Croix-roussien(ne)s qui nous expliquent où les gens devraient se battre : « dans le 6e pas chez moi ! car chez moi, les pentes, c’est coool et on a beaucoup voté Ségo », une grosse envie de pousser un coup de gueule, complété par une deuxième clameur : "Et en plus, on croit quoi ?".

C’est bizarre car j’ai entendu une femme qui habite rue de la Ré dire la même chose « pas chez moi mais dans le 6e ! »

Je me rappelle avec « amusement » les mêmes conseils en novembre 2005, pendant les émeutes, où le même genre de balourds moralistes qui se croient en plus représentatifs ou du moins dans le vrai, nous expliquaient que le jour où il y aurait des émeutes en centre-ville chez les bourges, ils les soutiendraient... ah ! ah ! ah !

Tous ces gens au lieux de râler auraient dû descendre de leur appart’ pourri ; débrancher leur télé pourrie ; et se frotter un peu aux flics...

Ils auraient dû voir la convergence pratique entre jeunes « nanars » et les lascars-loustics du quartier qui étaient morts de rire. Loin des grands discours consensuels de « rapprochement-de-la-jeunesse ». Le rapprochement s’est fait dans la rue dans l’odeur acre de la lacrymo et de la poudre... Dans des pratiques communes.

Un moment, il faut arrêter de dire :

« Il faudrait que ces jeunes sachent ce qu’ils veulent. »
« Il faudrait qu’ils aient des revendications. »
« Il faudrait qu’ils aient une conscience de classe... »

Mais ils ne nous ont pas attendu pour cogiter, pour savoir ce qu’ils représentaient dans ce pays et pour savoir qui sont leurs ennemis...
Avec votre discours petit-bourgeois et pacifiste-gnangnan ne venez pas vous plaindre si dans quelques mois vous vous faîtes taper votre portable ou i-pod nano dans une manif car ils auront bien compris qu’ils n’ont rien à attendre de vous, de nous...
Si on veut que la jeunesse converge il faut peut être aussi s’intéresser aux problèmes de tout le monde et aussi aux différents moyens d’exprimer notre révolte.

De plus les Croix-roussiens bobos ne se sont jamais dit que si des poubelles ont brûlé, que si des voitures se sont retrouvées au milieu de la route c’est que les « émeutiers » ont pris des coups depuis Bellecour, des tirs de flash-balls, des lacrymos,... ? Et qu’il y a un moment quand tu as 50 CRS devant prêts à charger il faut bien se défendre !
Non ?

C’est presque criminel d’appeler à la passivité dans ces cas là.
De plus on ne va pas non plus faire un flan pour 3 vitrines pétées montée de la Grand’Côte. Je trouve personnellement que pour 2 heures d’affrontements sur les pentes c’est un bilan relativement léger même si évidement c’était pas malin d’attaquer des petits commerces associatifs et/ou solidaires. [1]

Mais qui parle des agences immobilières qui se sont faites péter rue des Capucins ? Et tous les magasins de gros bourges qui se sont fait claquer en centre ville ? Alors là c’est bien car c’est pas chez moi...
Franchement je ne supporte pas cette Croix-rousse boboïfiée.

Et si vous n’êtes pas contents allez vivre dans le 6e ou à Ecully.
Vous êtes les mêmes qui faites chier pour trois jeunes bourrés qui braillent dans la rue la nuit car trop alcoolisés (moi aussi quand je me lève le lendemain ça me gave mais fondamentalement c’est pas grave).


Les mêmes qui trouvent le hip-hop suuuper !!! mais qui ne veulent pas voir un tag sur leur mur.


Les mêmes qui râlent quand une voiture est mal garée mais qui se mettent en double file pour vider leur coffre.


Les mêmes qui trouvent super les fêtes chez eux mais pas chez leur voisin à cause du bruit...


Les mêmes qui adorent l’esprit de la Croix-rousse mais qui ne tolèrent pas l’affichage sauvage.


Les mêmes qui achètent du café équitable du Chiapas pour soutenir la lutte armée de là-bas (« que c’est exotique ! » et surtout c’est loin de chez nous)


Les mêmes qui célèbrent les canuts mais qui se terrent chez eux dès qu’ils entendent un coup de flashball.

"-La lutte violente ???
- Oui mais pas chez moi, pas à la Croix-rousse, de toute façon j’ai voté Ségo alors..."

Je pourrais continuer un bon moment car je vis dans le quartier depuis longtemps et que je connais bien cette pseudo-jeunesse "rebelle-beaux-artsdeuse" pas contente de se faire virer par la BAC quand ils boivent leurs bières au Jardin des Plantes mais qui ne lèveront jamais le petit doigt s’ils assistent à une interpellation...

Donc oui il y a eu des émeutes (gentilles) il y a eu quelques dégradations mais franchement pas méchantes non plus. Et oui ! Vous devriez être solidaires de ça. Car là maintenant on ne rigole plus. On a face à nous une bonne droite réac, voir fasciste tout du moins fascisante et comme on dit « dans une barricade il n’y a que deux cotés ».

Alors choisis ton camp camarade !

Dernière petite chose... J’ai une amie qui habite rue Burdeau et qui s’est pris un pavé sur le toit de sa voiture. Un peu blasée (forcément) mais COMPLETEMENT SOLIDAIRE !!! Comme quoi il y a encore un peu d’espoir.

C’est ça qu’est bien dans les pentes... C’est que c’est super et qu’on a beaucoup voté Ségo !

Je ne crois pas à UNE méthode mais à une convergence de plein de méthodes différentes.
Un dernier truc : si pour chaque action non-violente dogmatique il y avait un flux de courriels ou de réactions comme ça ce serait tout simplement incroyable.

Alors arrêtons, les uns et les autres, de jouer les moralistes et respectons TOUTES les techniques, ce qui n’empêche pas de critiquer, de se poser des questions...


Et en plus, on croit quoi ?

Que la révolution va se faire comme ci, ou comme ça, lorsque nous serons
assez nombreux, lorsque nous serons prêts. Voilà un grand mythe qu’il est
bien difficile d’écorcher.

En attendant la révolution, il y a des gens qui se révoltent, lorsqu’une
goutte a fait déborder un vase. Une révolte est toujours légitime et a
rarement les moyens de s’offrir le luxe d’être ’intelligente’ (au fait
c’est quoi l’intelligence ?). Lorsqu’elle est suffisamment partagée, elle
peut s’offrir le luxe d’être organisée. Mais là on parle d’exceptions et
de situations exceptionnelles.

On se plaint que les jeunes cassent, brûlent dans leur propre quartiers
populaires...

Un peu de souvenirs historiques sont nécessaires :

- Pendant les révoltes paysannes, c’est-à-dire les jacqueries du 14e au 19e
siècle, les paysans brûlaient leurs propres terres, quitte à s’affamer eux
même (ils n’avaient plus rien à perdre), afin de ne plus soutenir l’armée
et la noblesse avec leurs propres vivres.

- Pendant les grandes luttes ouvrières du 19e siècle et début du 20e,
les ouvriers sabotaient leurs propres outils de travail.

- Quant aux communards, je n’ai pas souvenir qu’ils aient mis le feu aux
châteaux de la Loire, mais plutôt qu’ils ont monté des barricades dans
leurs propres rues.

Comme quoi, ’la racaille’, ’la canaille’, ’le sauvageons’, pour reprendre
des termes nauséabonds, ces jeunes qui ne sont pas des ’soldats de la
révolution’ (ou bien ses manars), n’a rien inventé. Elle se révolte tout
simplement, et avec ses moyens.

Cela fend le coeur lorsque des gens ’très biens’, de ’gauche’ ou pas, y
compris quelques uns parmi nos propres camarades, et même certains libertaires, dénient un
sens politique à ces actions, à ces révoltes, pendant l’automne 2005,
pendant le CPE ou bien suite aux élections.

D’ailleurs, si des ’petits cons’ (n’y voyez pas un jugement péjoratif,
mais de l’ironie) se révoltent bêtement, cela n’est-il pas aussi dû à la
passivité d’une population bêlement moutonnière, une population apeurée,
soumise, mais qui trop souvent râle bêlement, et pas forcément contre ses
pires ennemis (la police, l’état, les bourgeois) ... ?

Notes

[1Une solidarité s’organise pour aider aux frais de réparations de la vitrine, semble-t-il. Qui peut nous informer ? Merci.

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