Pourquoi « Jura Libertaire » ? J’imagine que l’audience du blog, bien référencé, va très au-delà du Jura !
Le Jura Libertaire : Avant d’être un blog, « Le Jura Libertaire » était un bulletin sur papier qui voulait refléter l’activité anarchiste locale. Mais c’est un média ouvert. Le Jura Libertaire est internationaliste, forcément. Localement et très largement, il peut servir de contact et de lien. La quasi totalité des échos qui nous reviennent sont enthousiastes et témoignent de son utilité. Malgré cela, il pourrait être meilleur avec une équipe plus étoffée. Quoi qu’il en soit, on reçoit les remarques et les contributions avec intérêt, d’où qu’elles viennent.
Comment fonctionne Le Jura Libertaire ? Les informations que vous donnez, parfois en plusieurs langues, sont toujours en prise directe avec l’actualité des luttes. Votre blog est par exemple une source précieuse pour suivre ce qui se passe en Grèce. D’où viennent les infos et les excellentes photos et vidéos qui les accompagnent ? Bravo par exemple pour l’article Urbanisme et lettres modernes publié le 31 décembre.
La plupart des choses que l’on publie ont été recueillies ailleurs sur la Toile. Mais on reçoit aussi de plus en plus certaines informations directement par courriel comme, par exemple, le manifeste grec Why Ravage ?, texte que l’on a d’ailleurs traduit en français… avant que d’autres n’en donnent une version grecque. On met aussi en consultation des textes qui n’y étaient pas. La rubrique Debordiana rassemble les textes de critique théorique. Cette année, on a mis en ligne les chapitres du livre Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations qui était en librairie mais pas disponible sur Internet ou alors seulement dans d’autres langues, alors même que c’est le premier livre à lire sur la crise révolutionnaire de mai-juin 1968…
Le blog se décline en rubriques. Nous trouvons Solidarité, Carcéral, Éducation, International, Athéisme, Police, Presse, Racisme, Histoire, Chômage, Femme, Environnement… et L’insurrection qui vient. Une rubrique directement inspirée par le titre d’un livre qui titille notre sinistre de l’Intérieur. En relayant en prime les Échos de la Taïga, journal des comités de soutien aux inculpé-e-s du 11 novembre, ne risquez-vous pas de provoquer de graves insomnies chez la famille Big Brother, les pôvres ?
D’abord, et quand bien même on aurait cette ambition, on ne sera jamais aussi extrémistes que ce monde. Ceci dit, nous sommes dans l’« espace public » et sur Internet. Nous sommes donc concrètement soumis à la censure sociale, au contrôle de nos ennemis comme à l’inquisition flicassière. Mais nos libertés ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas. Mieux, elles s’éprouvent en combattant. Avant d’avoir peur de Big Brother, les enfants jouent aux gendarmes et aux voleurs… Et lorsqu’il leur arrive de se faire prendre, ils se rendent compte qu’en face, c’est plutôt le Père Ubu que Big Brother. Quant à l’insurrection qui vient ici et là, et partout, elle n’a pas besoin de nous. Elle se débrouille même plutôt très bien toute seule ! C’est en menant avec colère la guerre de la liberté que les prolétaires se font stratèges, pas autrement.
Sans sectarisme, Le Jura Libertaire offre des liens vers toutes les composantes du mouvement libertaire français (FA, CGA, OLS, CNT…), mais aussi vers de nombreux groupes espagnols, allemands, argentins, polonais, tchèques, anglais, québécois…, vers des librairies, des éditions, des radios libres, des sites alternatifs et antiautoritaires… Une vraie tour de Babel qui montre la belle diversité de la famille anar. Tout ceci prouve au moins que les libertaires n’ont pas raté la révolution de l’Internet. Pour gagner d’autres types de révolutions, ne pensez-vous pas que l’unité des libertaires va être de plus en plus indispensable sur le terrain ?
Dépasser constamment les querelles de « chapelles » est assez essentiel de notre point de vue. S’organiser est important, mais, au-delà, bien des expériences échappent aux étiquettes, et le fétichisme des sigles ne doit pas faire oublier qui sont nos vrais ennemis de classe. La révolution ne fait pas la morale : devant une grève sauvage, un slogan sur un mur, un film de Pierre Carles, un appel à la solidarité, une chanson de René Binamé, un acte de sabotage ou l’initiative d’une alternative sociale, il n’y a pas à choisir. La police travaille. Il revient aux révolutionnaires d’œuvrer dans l’autre sens, par tous les moyens existants et à inventer. L’action peut être coordonnée, ou pas : on peut très bien se reconnaître dans les gestes de camarades qui sont au loin, sans forcément les connaître. Et cette subversion multiforme est sans doute plus dangereuse pour tous les Pouvoirs qu’une unité inatteignable du « mouvement libertaire ». De toute façon, la révolution n’attend pas. Il faut être dans la mêlée, voilà tout.
Le Jura Libertaire nous a offert un feuilleton étonnant cet été. Votre chaude altercation avec les maoïstes avait un côté rétro surréaliste. C’était bien tordant. Ils se sont calmés les adeptes du Petit livre rouge ?
Ça a fait rire beaucoup de monde, effectivement. Ces maoïstes-là — car il y en a d’autres, délirant sur d’autres dogmes — nous ont attaqué suite à la reprise d’une interview de Jean-Claude Michéa. En gros, selon leurs catégories à eux, les anarchistes sont des fascistes ; et à la fois le Jura Libertaire serait en fait du côté de l’Autonomie, ce qui n’a rien à voir avec l’Anarchisme ; ou bien plutôt de l’Anarcho-syndicalisme, qui est la source de tous les maux du peuple ouvrier… Bref, on se trouve ici face à l’essence de la connerie et de la calomnie staliniennes dans une incarnation assez pure… À tel point que ces soit-disant « révolutionnaires » n’ont rien trouvé à redire quand ils se sont vus taxés — comme ils le méritent — de curés et de flics ! L’échange avec ces tigres de papier et de pixels s’est donc conclu par une Poésie antimaoïste tout à fait de circonstance…
J’ai relevé une originalité parmi les rubriques du Jura Libertaire. Calées entre des articles sur l’arnaque de Tarnac, le massacre de Gaza, les luttes lycéennes ou les émeutes grecques se glissent de nombreuses vidéos musicales de Nina Hagen à Bob Dylan, en passant par Jethro Tull, The Pogues, Gnawa Diffusion, Georges Brassens, Claude Nougaro… C’est parce que la musique adoucit les mœurs ?
On pourrait dire aussi que « la lutte des classes a une bande son ». Au départ, il s’agissait d’agrémenter les textes historiques ou d’actualité avec des chants de lutte. Il faut dire aussi que Le Jura Libertaire est l’avatar d’une expérience de local autogéré où la musique « diy » avait toute sa place… Depuis cet été, le blog offre un morceau de zik chaque jour et c’est assez vital en fait…
Mon œil avisé a également repéré des petites incrustations animées très décalées sur certains articles a priori sérieux. On y voit deux charmantes pin-up en bikini qui se déhanchent sur un twist sans doute endiablé. Ça ne pose pas trop de problèmes avec nos amies anarcha-féministes ?
« Là où on ne danse pas, ce n’est pas ma révolution », avait coutume de dire la grand-mère de Jean-Jacques Goldman, Emma Goldman. Le Jura Libertaire reprend aussi sans commentaire certains articles de journaux grand public. C’est un choix qui nous distingue des chartes d’Indymedia par exemple. On fait le pari que nos lecteurs et nos lectrices sauront lire entre les lignes. Car la réalité est toujours plus subtile que les gros sabots militants, heureusement.
Entre chien et chat, je vous laisse le mot de la fin. Carte noire au Jura Libertaire. Bonne année à vous sur Internet et dans les luttes.
Merci Paco. Face aux chiens de l’oppression, vive la camaraderie, vive la solidarité et vive l’action directe ! Agissons par nous-mêmes — et restons insaisissables !
Pour tourner le dos à l’info de la « presse policière-bourgeoise »,
allez vite sur Le Jura Libertaire […]
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