Brèves du bistrot nº10 : Fuck le 17 !

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Voici un article tiré du dixième numéro des Brèves du bistrot. Il est à retrouver ici en entier en version pdf et sera diffusé physiquement au bistrot de la caisse ce jeudi 7 novembre.

Fuck le 17 !

Emmanuel Macron a récemment appelé de ses vœux une « société de vigilance », expression bien nauséabonde que nous allons essayer ici d’analyser.

Dans son excellent ouvrage Se défendre, E. Dorlin explore la ligne de partage historique existante entre les corps « dignes d’être défendus » et ceux, des subalternes, désarmés par le pouvoir ou laissés sans défense. Parmi les groupes dont l’autodéfense est acceptée, se constitue vers la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis des groupes de voisins visant à pallier les manques de la justice traditionnelle. Ce sont des bandes d’hommes blancs qui agissent masqués et pratiquent leur propre justice, à savoir qu’ils se passent de tout procès, qu’ils décident eux même qui est coupable ou non et qu’ils appliquent la peine qu’ils souhaitent, pendaison ou coups de fouet en public généralement. Ces personnes sont décrites comme des héros de la nation américaine qui progressivement deviennent des défenseurs d’une prétendue pureté raciale originelle en opposition aux afro-américains. Ils viennent ainsi au secours de ceux qui sont toujours innocents, les Blancs, et punissent les toujours déjà coupables, les Noirs ; ces hommes se nomment les vigilants.

Plus de cents ans après, en France, se multiplient des « communautés » (sic !) de voisins vigilants dans tout le pays. La conception y est bien différente dans le sens où il n’existe aucun rapport de concurrence avec les forces de l’ordre étatiques. Le geste vigilant est devenu citoyen et non plus justicier. Ça évite de se retrouver face à des arabes pendus aux pylônes électriques en sortant de chez soi, mais ça contribue à une ambiance mi dégueulasse mi inquiétante : celle d’une sorte d’union sacrée entre « bons citoyens » et police ou gendarmerie, face à des personnes jugées menaçantes pour les propriétés privées. Si aux Etats-Unis les vigilants dépassaient les fonctions régaliennes pour appliquer leur conception raciste de la justice, en France les nouveaux vigilants collaborent et agissent en supplétifs de la police. La plateforme voisin vigilant, qui revendique plus de 250 000 inscriptions, se borne en principe à signaler des individus prêts à commettre des infractions, laissant à la discrétion de chacun la définition de ce qui constitue une menace, déclinaison sur un même thème du concept d’« association en vue de commettre des violences » si chère à la justice depuis le mouvement gilet jaune.

L’appelle à la vigilance lancé par Emmanuel Macron franchit une nouvelle étape. Il s’agit non plus ici de réagir face à de prétendus délits mais plutôt d’être proactif dans la délation, que chacun face le travail d’enquête, à la recherche de « signaux faibles de radicalisation » et de contribuer ainsi au grand élan national contre l’islamisme. On ne défend plus sa maison mais la République dans son ensemble ; une barbe un peu trop longue, une conversion à l’islam ou même un intérêt pour l’actualité au Proche-Orient sont les premiers éléments sur lesquels se focaliser pour repérer les futurs agresseur de la nation française.

Ces mots du président sont d’autant plus craingnos qu’ils surfent sur un pic d’islamophobie caractérisé entre autre par l’heure d’émission quotidienne offerte à Zemmour, l’agression verbale d’un sénateur RN à l’encontre d’une femme voilée, ou encore la double tentative de meurtre raciste et l’incendie d’une mosquée d’un ancien du FN à Bayonne.
Souhaitant probablement concurrencer l’extrême droite sur son terrain en même temps qu’évacuer de la scène médiatique tous les sujets « sociaux », le président et sa clique jouent sur le terrain de la surenchère raciste.

Une grande marche contre l’islamophobie aura lieu à Paris le 10 novembre.

P.-S.

A retrouver ce mois ci dans le journal : des nouvelles des révoltes dans le monde et un texte sur les collages dénonçant la responsabilité de la police et du gouvernement dans les féminicides.
Lire les Brèves du bistrot nº10 en pdf :

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