Contre la précarité à l’université, organisons-nous !

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la précarité tue

Communiqué du collectif des doctorant·e·s et non-titulaires de Lyon 2 en soutien au mouvement étudiant contre la précarité et appelant à la mobilisation des personnels de l’université.

Nous, enseignant-e-s précaires et non-titulaires, souhaitons en premier lieu exprimer notre soutien et notre solidarité à l’égard de l’étudiant qui, en raison de son extrême précarité, s’est immolé devant le CROUS de la Madeleine à Lyon, ainsi qu’à sa famille, à ses proches, à ses ami·e·s. Nous apportons aussi tout notre soutien à l’organisation Solidaires étudiant·e·s, qui s’est montrée très mobilisée et a remarquablement fait face à la situation ces derniers jours, au niveau local comme au niveau national. De plus, nous affichons clairement notre soutien à la lutte étudiante qui nous touche autant en temps que précaire qu’en tant que personnel mobilisé.

Si cet événement tragique a suscité à la fois la tristesse et l’indignation d’une grande partie du corps social, comme en témoignent les nombreuses expressions de solidarité et le succès des rassemblements du mardi 12 novembre 2019, les pouvoirs publics ont tardé à se positionner.

Face à cette crise politique d’ampleur nationale, le silence du gouvernement a été assourdissant.

N’ayant que tardivement et partiellement adressé ses pensées à l’étudiant hospitalisé et à ses proches, le gouvernement s’est pourtant manifesté très rapidement pour condamner de simples dégradations matérielles et perturbations de la vie quotidienne. La portée politique revendiquée du geste a été volontairement éludée par les élu·e·s. En conséquence, aucune mesure n’est prise à ce jour par ces derniers pour lutter efficacement contre le problème fondamental qu’est la précarité étudiante.

Localement, les réactions de la présidence de Lyon 2, à la fois tardives, inadaptées et irresponsables, s’inscrivent dans la lignée des réponses gouvernementales. Dans un premier temps, la présidence n’a pas su affirmer publiquement son soutien aux proches de l’étudiant hospitalisé. Ensuite, en refusant de banaliser les heures de cours lors du rassemblement organisé par Solidaires étudiant·e·s, la présidence a été sourde à la volonté de se réunir collectivement pour soutenir le camarade et construire un cadre collectif.

Par la suite, ce drame s’est progressivement publicisé, l’équipe présidentielle a fait preuve d’une absence totale de transparence et de dialogue avec les organisations représentatives des personnels et des étudiant·e·s les plus mobilisés, et ce alors même que cet étudiant est connu et reconnu pour son implication au sein des instances de l’établissement.

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Le traitement individualisant de la crise actuelle, seule réponse interne à des enjeux collectifs et professionnels, s’inscrit dans une perspective de psychologisation et de médicalisation d’un problème fondamentalement social, économique, et donc politique. Cette manière de procéder, similaire aux réponses apportées par le gouvernement, s’inscrit dans un traitement néo-libéral de la question sociale, préférant la responsabilisation des individus à l’élaboration d’une réponse collective d’un problème public.

L’aide ponctuelle que représente une cellule de soutien psychologique, si elle nous semble nécessaire, ne saurait masquer la « double peine » à laquelle se trouvent confronté·e·s les étudiant·e·s au quotidien. Plus susceptibles de souffrir de la précarité, elles et ils sont également privé·e·s des moyens financiers de recourir à des services de santé mentale. Présenter la psychologisation comme une solution aux difficultés sociales est donc le comble du cynisme.

Nous souhaitons dans le présent communiqué condamner l’importante répression policière qui touche le mouvement étudiant, à Lyon 2 comme dans d’autres lieux de rassemblement. Ainsi, à Lyon 2, la présidence de l’université a fait le choix de renforcer la présence des personnels de sécurité et a autorisé plusieurs interventions policières, mercredi et jeudi, ayant donné lieu à une présence des CRS mais également de la brigade anti-criminalité sur le campus.

Ainsi mardi après-midi, les personnels de l’université ont été évacués du campus des quais sous couvert de soi-disant motivations sécuritaires, alors qu’aucun élément n’accrédite à ce jour la réalité d’une mise en danger quelconque des personnels et des étudiant·e·s de l’université. Mercredi 13 novembre 2019, au début de l’occupation du campus PDA par les étudiant·e·s mobilisé·e·s, trois policiers ont pu pénétrer sur le campus avec l’aval de l’équipe présidentielle et ont pu photographier celleux-ci. Dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 novembre, deux interventions policières ont eu lieu au sein du campus, avec présence des CRS et de la BAC.

Enfin, suite au dispositif sécuritaire mis en place dans la journée du 14 novembre 2019 sur le campus BDR, une étudiante a été interpellée par la police après avoir été malmenée lors du contrôle de son identité. Cette approche sécuritaire, au centre des interventions policières de ces dernières années, constitue plus que jamais une réponse inappropriée à la situation, témoignant clairement d’une volonté de criminaliser le mouvement social.

Est-il acceptable, dans ce contexte, d’arriver sur un campus qui voit la présence du personnel de sécurité particulièrement renforcée ? Cette réponse institutionnelle nous semble à la fois inadéquate et disproportionnée, et questionne le rôle de l’Université et de ses personnels : doit-on répondre à la précarité étudiante en l’entérinant par des moyens répressifs et autoritaires, ou doit-on au contraire nous mobiliser en faveur d’une véritable lutte pour la réduction des inégalités et plus de justice sociale ?

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L’heure n’est plus à la seule dénonciation de la précarisation des étudiant·e·s, à celle d’une amélioration des conditions des vacataires et autres précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, au manque d’encadrement, d’infrastructures et d’autres moyens pour mener à bien notre mission auprès des étudiant·e·s au quotidien. Elle est à une prise de position collective face à la situation actuelle et aux perspectives noires/ manque de perspectives qu’elle dessine pour tout·e·s.

Pourtant en première ligne pour accueillir les étudiant·e·s, les équipes pédagogiques et administratives sont peu équipées, formées et informées pour répondre aux besoins de chacun.e, alors qu’à ce jour, aucun espace large et incluant n’a été proposé au personnel. Alors qu’il nous ait expressément demandé d’accueillir les étudiant·e·s et d’identifier et de prendre en charge les profils les plus vulnérabilisés par cette crise, nous nous sentons à la fois démuni·e·s et instrumentalisé·e·s.

Face à cette situation, seule la mobilisation étudiante a su proposer des espaces d’échange et de concertation autour de la précarisation de la vie étudiante et de la dégradation des conditions de travail et d’études dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche. Etudiant·e·s, enseignant·e·s, personnels BIATSS, nous sommes tou.te.s concerné·e·s. En tant que membres du personnel, c’est aussi le seul espace d’échange et de soutien réel que nous avons trouvé pour nous réunir entre nous et échanger avec les étudiant·e·s.

En ce sens, nous appelons tout·e·s nos collègues, titulaires et non-titulaires, à se joindre aux revendications du mouvement étudiant. Pour nous, enseignant·e·s non-titulaires, cette convergence des luttes fait d’autant plus sens : étudiant·e·s en vertu de notre condition de doctorant·e·s, membres du personnel du fait de notre exercice de vacations administratives ou de charges de cours, nous sommes à la fois concerné·e·s par la précarité étudiante et par la dégradation des conditions de travail dans la fonction publique.

Ainsi nous appelons l’ensemble des personnels de l’Université à soutenir les revendications de l’assemblée générale étudiante, à participer aux mobilisations contre la précarité et à exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la manière dont l’équipe présidentielle de l’université et le Ministère de l’ESR gèrent la crise actuelle.

Nous appelons donc nos collègues à se joindre aux manifestations étudiantes du 26 novembre 2019.

Enfin, afin de construire ensemble des espaces d’échanges et de débats entre membres du personnel de l’Université, pour faire face ensemble à cet événement dramatique et aux problèmes sociaux qu’il met en lumière, nous appelons à l’organisation d’une Assemblée Générale des personnels de l’Université Lumière Lyon 2 le jeudi 21 novembre 2019 à 12h sur le campus Porte des Alpes.

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