Le Costa Rica est un pays d’Amérique Centrale, entre Nicaragua et Panamá... 5 millions d’habitants dont moins de 2% est indigène... Le Costa Rica est considéré par ses voisins comme la « Suisse » d’Amérique Centrale, au même titre que l’Uruguay en Amérique du Sud... De petites enclaves où la démocratie a réussi à s’implanter de façon stable en politique, et où le néolibéralisme a continué de s’enraciner comme unique voie de développement...
Le Costa Rica contient à lui seul 4% des espèces encore vivantes sur le globe, sans parler de sa flore... Le précédent gouvernement avait réussi à faire passer une série de décrets sur la protection de l’environnement et la sauvegarde de la biodiversité du pays qui ferait pâlir d’envie les écologistes les plus radicaux de nos contrées. Mais force est de constater que le modèle démocratique ne fonctionne pas, pas plus là-bas qu’ici, ne serait ce que pour appliquer les lois que le même système promulgue...
Ce dimanche 7 octobre 2007, les Costaricains sont appelés à voter pour ou contre le TLC (Traité de Libre Commerce d’Amérique Centrale, ou CAFTA en anglais). Il s’agit en réalité du sixième traité commercial avec les USA. Si les 5 premiers ont permis de transformer le pays entier en une des plus jolies arrière cour des USA, celui-ci a pour but de ratifier tout ce qui n’a pu l’être jusqu’ici : brevets sur le vivant, cessation totale des taxes à l’importation et l’exportation, légalisation des exportations d’organes humains (0% d’importation proposé !) et j’en passe et des meilleures...
Depuis cinq mois, à travers tout le pays mais surtout dans sa capitale, San José (1,5 millions d’habitants), se sont développés des comités de quartiers pour promouvoir le NON au référendum. Les comités de quartiers ont adopté l’horizontalité de manière naturelle pour mener à bien leurs décisions. Les réunions hebdomadaires ont permis une prise de conscience très large de la population. Cette mobilisation a culminé lors de la manifestation du 30 septembre dernier où près d’un demi-million de Costaricains se sont rassemblés dans le centre de la capitale. À noter l’autoproduction généralisée de la propagande du Non, affiches, stickers, pochoirs, tee-shirts, banderoles et drapeaux, tous sérigraphiés ou faits main ; le tout financé par les fêtes de quartier pour le Non organisées par leurs habitants au long de ces derniers mois...
Les partisans du Oui font fortement penser aux nôtres, lors du référendum pour le Traité Constitutionnel Européen. La grande majorité de la classe politique, l’ensemble des médias et de la presse papier, à l’exception de la radio et de la chaîne de télévision de l’Université du Costa Rica (UCR), la classe patronale et entreprenariale dans sa quasi totalité forment ce petit groupe intéressé dans la vente ou l’achat des ressources du pays et de ce qui reste de ses institutions publiques.
Vendre le Oui, en occultant des pans entiers du TLC version 6.0 ou à force de mensonges, comme l’argument fallacieux de dire aux Costaricains que le TLC ouvre la voie aux exportations vers les USA (un marché de plus de 300 millions de clients potentiels !) quand les objectifs principaux du traité sont l’ouverture du marché des télécommunications du pays (actuellement national et le moins cher de tout le continent), la privatisation de l’ensemble des services publics et des entreprises nationales, et d’en finir avec ce qui reste d’autonomie alimentaire dans le pays [1].
Vendre le Oui par la peur
Le désormais ex-vice-Président Kevin Casas et le député Fernando Sànchez ont pondu un Mémorandum au Président de la République Oscar Arias [2] sur comment mener la campagne du Oui.
Dans ce Mémorandum [3], il est question de "stimuler la peur", faire comprendre au maires, particulièrement aux 59 du Parti de Libération Nationale au pouvoir, qu’il doivent faire du chiffre dans leurs cantons en faveur du Oui, sans quoi ils peuvent oublier tout espoir d’ascension politique comme maires ou députés.
Créer des flash publicitaires mettant en scène des gens en situation précaires qui pourraient perdre leur emploi ou l’on déjà perdu comme conséquence de la non approbation du TLC.
Diffuser l’idée autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, que le Non est du à l’ingérence étrangère "communiste", inventant des liens avec Fidel Castro, Daniel Ortega et Hugo Chàvez (Cuba, Nicaragua, Venezuela).
Une fuite a permis la mise au jour de ce texte et a provoqué la démission du vice-président. Qu’en est il du président ? Lors d’une longue interview télévisée avec la Claire Chazal locale, Pilar Cisneros, partisane du Oui, l’interrogeant sur ce Mémorandum, il s’est permis de lui répondre qu’en réalité il n’avait pas porté beaucoup d’attention au document, qu’il avait effacé ce mail parce que « ...vous savez, il y a tellement à lire pour un président lorsqu’il ouvre sa boite à courriels... »
Plus tard dans la même interview, Pilar Cisneros, déjà sortie de ses gonds, lui demande quel est le plan B si le TLC n’est pas accepté par la population ; Oscar Arias, futur ex-président feignant l’assurance mais avec les mains tremblantes, lui répond qu’il n’y a pas de Plan B, parce que le Oui va gagner... Combien de points négatifs aura coûté cette interview au président ? Beaucoup, mais de cet entretien reste l’âcre certitude d’une fort possible fraude électorale...
La République Banane n’est pas ici, elle voudrait être maintenue par l’oligarchie locale et les mercenaires transnationaux du premier monde (l’Europe aussi a placé des billes dans ce TLC) au détriment d’un peuple conscient de ses droits face à l’exploitation et au pillage qu’ils subissent au nom du Libre Marché et de la prospérité de l’Europe et des États-Unis. La banane est ailleurs, actuellement, nous pouvons la trouver au Mexique, où le peuple méxicain doit supporter un président illégitime, en place grâce à une fraude électorale éhontée, présentée par nos médias complices comme le résultat d’un mauvais jeu démocratique ou d’une piètre conscience politique de ces peuples, quand il s’agit définitivement du résultat des ingérences du premier monde sur le sous-développé... ou sur-exploité ?
Un dernier élément de réflexion ; Juan José Trejos leader du "NO al TLC", ou comment un mouvement spontané, de base, populaire, se trouve représenté et donc limité par la figure de son représentant, créée au final de toutes pièces par ceux qui demandent un interlocuteur valable, les grands médias... Se présentera t’il aux prochaines élections ? Une chose est sure : la démocratie dans son état actuel a besoin de figures fortes pour se perpétuer. [4]
Non le Costa Rica n’est pas Puerto Rico, n’en déplaise aux capitaux du premier monde, et les Ticas [5] ont décidé d’arrêter la vente du pays... Dans les comités de quartiers, que le Oui ou le Non l’emporte, on s’interroge déjà sur qu’est ce qu’on fait après le TLC... Le plus important de cette aventure est sans doute l’opportunité saisie par les Costaricains et les Costaricaines de reprendre le débat volé sur l’avenir de leur richissime pays, la prise de conscience naissante que la politique nous appartient, et commence en bas de chez soi, en discutant avec ses voisins.
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