« Franchement, nous avons importé l’antisémitisme avec le grand nombre de migrants que nous avons accueilli ces dix dernières années. » Friedrich Merz, chancelier allemand le 6 juin 2025, dans une conférence de presse.
Si l’on cesse de voir dans chaque réaction allemande à la politique israélienne une forme de culpabilité pour l’Holocauste mais plutôt une réécriture de l’histoire allemande, on comprend mieux ce qu’il se trame outre-Rhin.
L’Allemagne se positionne comme étant la plus à même de comprendre l’antisémitisme parce qu’elle est responsable de l’Holocauste. Pourtant, dans le champ politique allemand actuel, il est inimaginable de penser que l’antisémitisme serait « un problème allemand ». Il est plus aisé d’utiliser des étrangers comme boucs émissaires.
Ajoutons à tout cela la redéfinition de l’antisémitisme au fait de s’opposer à la politique isréalienne et on se retrouve avec un gouvernement allemand qui trouve acceptable de poursuivre en justice Juifs comme non-Juifs au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Suivant cette logique, l’événement de soutien le plus banal à Palestine ou à Gaza devient une crise existentielle pour l’Etat allemand.
L’Allemagne a réprimé séverement les libertés civiles pour garantir qu’aucune nuance n’existe dans le discours public sur la question. Le gouvernement a rabaissé l’Holocauste lui-même en montrant qu’il pouvait être utilisé pour museler l’oposition à un génocide en cours.
La complicité allemande au génocide des Palestiniens par Israël n’a rien à voir avec la culpabilité de l’Holocauste. Elle a par contre tout à voir avec le fait de maintenir un récit national leur permettant de se tirer de leur rôle dans l’Holocauste. Il faudrait que cela ne soit plus un problème lié à l’Allemagne.
En actant qu’il faut absolument être un soutien de la politique d’Israël pour être absout de l’Holocauste, on considère que l’Holocauste n’est plus un problème allemand et que l’on peut réparer les crimes contre l’Humanité commis en Europe en soutenant un Etat du Moyen-Orient commettant un génocide.
C’est, du reste, une position antisémite en soi. Si l’on peut effacer l’Holocauste en soutenant Israël, alors est-ce que les Juifs européens qui ont été assassinés étaient vraiment européens ? Ou étaient-ils pour toujours des étrangers, attendant l’avénement d’un Etat juif au Moyen-Orient créé spécialement pour eux ?
On ne peut pas pas y aller par quatre chemins. Si l’Holocauste est mal parce qu’un génocide est toujours mal en soi, alors soutenir le génocide perpétré par Israël est injustifiable. Si l’Holocauste est mal parce qu’il permet à l’Allemagne de déplacer leur problème d’antisémitisme sur les « étrangers », c’est plutôt pratique pour son gouvernement et son récit national.
De cette manière, l’Holocauste n’est plus tout à fait lié à ses racines antisémites et colonialistes européennes. C’est gagnant-gagnant pour l’Etat allemand : il peut se décharger de son rôle dans l’antisémitisme historique et contemporain sur une population d’ « étranger » disposant d’un capital très faible dans la politique allemande.
En procédant de la sorte, le gouvernement allemand peut à la fois diaboliser la figure de l’Autre - une vieille tradition allemande - tout en sous-estimant voire effaçant complètement la montée bien réelle de l’extrême-droite néo-nazie ou fasciste, dont certains groupes incluent des acteurs pro-isréaliens qui envient à Israël leur Etat suprémaciste et souhaiteraient le répliquer chez eux.
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