ENFANTS EN PRISON !

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Le premier établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) devrait rentrer
en fonction en Juin 2007 à Meyzieu. Comme nous pensons que l’enfermement
ne résout rien : posons les problèmes autrement ! et parlons-en !

Soirée projection débat le mardi 22 mai à 20h à la Maison des passages
44, rue St Georges (Lyon 5e), avec des extraits du film
« Têtes aux murs » de Bénédicte Liénard.

Autre rassemblement : mercredi 23 mai à 15h
place du Pont
(Lyon 7e) avec table de presse.

Le retour des prisons pour mineurs.

En 2007 et 2008, le gouvernement prévoit l’inauguration de 7 Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM). Ces prisons enfermeront des mineurs de 13 à 18 ans et fourniront 420 nouvelles places d’incarcération qui s’ajouteront aux 850 déjà existantes des quartiers pour mineurs. Et comme le montre l’histoire des constructions de prisons, les nouvelles places ne désengorgent pas les anciens établissements, mais permettent d’enfermer toujours plus de gens.
Le coût d’un EPM est de 12 millions d ’euros pour 60 places, garçons et filles de 13 à 18 ans ; et le coût total du programme : 90 millions d’euros, avec de beaux bénéfices pour l’entreprise de construction de trois d’entre eux : Léon Grosse. Ces établissements s’inscrivent dans des modes de surveillance et de contrôle toujours plus poussés : mur d’enceinte de 7 mètres de haut, greffe (tribunal interne), « l’emploi du temps des détenus sera volontairement dense ». Le ministère de la Justice demande aux architectes de penser un dispositif qui permette « le regard constant d’un adulte sur les mineurs et qui facilite les vues les plus larges possibles ».

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Prison pour mineurs de Meyzieu, dans le quartier du Mathiolan

Enfermer pour éduquer ?

L’enfermement des mineurs, depuis ses débuts, a toujours été assorti d’une visée éducative. Mais quelle éducation ? Les seules valeurs que l’on peut imaginer être transmises en prison sont celles qui y président : la brutalité, la discipline, la punition, la soumission.

Dans les EPM, l’ État fusionne les secteurs « éducatif » et carcéral par l’enrôlement des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dans les prisons ; jusqu’alors il s’agissait de deux secteurs bien distincts, les éducateurs ayant le moins possible à intervenir en prison. De la même manière, l’éducation nationale s’intègre à l’administration pénitentiaire puisque des postes d’enseignants sont mis à disposition, à raison de 20H par semaine.

Comment pouvons-nous nous réjouir de la création d’une école dans une prison ? Rappelez-vous, enfant, comme vous avez pu vous sentir coincé-e dans une salle de classe, à regarder désespérément par la fenêtre comme si vous pouviez la traverser et vous retrouver à l’air libre… et imaginez-la avec des barreaux. Imaginez le couloir, la cantine, la salle de sport, la cour, votre chambre avec des barreaux. Imaginez-vous, coupé-e de tous vos liens.On trouve là à son apogée l’éducatif comme prétexte à un durcissement répressif. Les EPM sont des prisons, pas plus dorées que n’importe quelle autre. C’est bien sur l’enfermement que repose tout le dispositif. Et c’est ce qui constitue le caractère inacceptable à la base, de ces établissements. Vous avez dit réinsertion ? Une peine, assortie d’un fichage – aujourd’hui à vie grâce aux prélèvements ADN – ne sera pas sans conséquences sur ce qui est appelé une « réinsertion sociale » (recherche d’emploi, de logement).

Notre présent est amnésique !

En 1993, les premiers Contrats Locaux de Sécurité (CLS) sont créés, ayant comme objectif de coordonner les actions de la justice, la police, la municipalité et les institutions éducatives après avoir établi un diagnostic de la « délinquance locale ». Puis, sous « l’autorité » des procureurs de la République sont créés les Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance (GLTD).Ces groupes affinent le contrôle sur les territoires où, selon eux, le niveau d’insécurité mettrait en péril la « cohésion sociale ».

Au début des années 2000, les technologies de discipline alliant l’éducatif, le médical (via la psychologie et la psychiatrie) et le carcéral se renforcent avec la création de nouveaux établissements. Les premiers Centres Éducatifs Renforcés (CER) ouvrent en 1998, on en dénombre 57 en 2002 quand sont créés les Centres Éducatifs Fermés (CEF) avec comme objectif : un CEF par département. Toujours en 2002, le ministère de la Justice programme la construction de nouvelles prisons dont 7 Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM). Les mineur-e-s sont depuis longtemps incarcéré-e-s dans les quartiers qui leurs sont « réservés » dans les taules, mais avec ces EPM, c’est la première fois dans toute l’histoire moderne que l’État associe le terme « prison » à la gestion des mineurs et leur enfermement. Cela participe au processus de banalisation des prisons.

Ces formes d’ enfermement des mineurs qui reviennent en force aujourd’hui étaient devenues plus rares depuis 30 ans, des luttes avaient été menées pour démontrer que l’enfermement ne faisaient que démolir moralement les mineurs qui les subissaient. La dernière « maison de correction » ouverte en 1970, et fortement contestée, avait coûté une fortune. Elle fut fermée quelques années plus tard. Des jeunes s’en sont évadés en courant des risques des plus grands de jour comme de nuit, alors que tout avait été fait pour que ce soit impossible. Et ils avaient de justes raisons de vouloir fuir l’avenir qu’on leur préparait : 80 % des jeunes se retrouvaient en prison , presque immédiatement après leur sortie.

Qui est-ce qu’on enferme ?

« Les mineurs de 1945 n’ont rien à voir avec les géants noirs des banlieues d’aujourd’hui »

(N. Sarkozy, conseil des ministres, 28 juin 2006)

Le pire dans cette phrase ce n’est pas qu’elle reflète l’opinion raciste de Sarkozy, c’est plutôt que l’on voit très bien ce qu’il veut dire :
pour définir un mineur délinquant, le meilleur critère n’est pas de savoir quel acte il a commis, mais la couleur de la peau et les zones d’habitation. Le vrai crime c’est d’être noir et banlieusard (y’a qu’à voir le nombre hallucinant de contrôles d’identité au faciès). Ce sont toujours les mêmes qu’on enferme ! D’ailleurs, les lois dites de « la prévention de la délinquance » vont dans le même sens afin de repérer le plus tôt possible le futur délinquant grâce à la collaboration active des profs. Là où les bien pensants républicains voient une responsabilité individuelle, Sarkozy sous-entend involontairement que le facteur déterminant à l’incarcération est une situation sociale.
La volonté est claire : surveiller et contenir toute une partie de la population reléguée géographiquement, socialement et économiquement.

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fugue en si mineur
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Pourquoi occuper le chantier d’une prison ?

Non à l’ enrôlement dans les prisons, non à toutes les prisons !

P.-S.

Quelques écrits :
Oï, j’ai mâle !

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  • Le 23 mai 2008 à 15:11

    A priori, je suis une femme qui n’a pas été éduquée correctement par ses parents puisque j’ai 30 ans et je ne sais pas non plus éduquer les miens, si je n’ai pas reçue ma dose de correction !
    Je tenais juste à signaler que tout les délinquants n’ont pas eu forcement une mauvaise éducation, qu’ils pu avoir une éducation saine et constructive...J’ai l’impression que pour beaucoup de personnes le délinquant mineur de base, vit dans une hlm, que ses parents ne sont pas francais, qu’il est dehors toute la journée, qu’il porte un survetement et une casquette de marque de sport...Sachez que tout le long de ma scolarité ceux et celles qui etaient les plus à même de faire des aneries etaient des fils et filles de bonnes familles.
    Ces petiots ont fait une ou des erreurs, mais pourquoi les repprocher à la famille, et aussi ne pas laisser la deuxième chance le droit à l’erreur !

  • Le 24 mai 2007 à 13:20, par Gilles

    Non, la prison n’est pas la solution, l’EPM peut-être pas...
    Dénoncé c’est bien, mais quelle proposition...?
    La première cause de délinquance juvénile est la démission des parents face à l’éducation (milieu riche ou pauvre...), et cela commence dès la petite enfance. Je pourrais vous donner des tas d’exemples... mais le laxisme des politiques menées depuis 40 ans pose la question du comment un parent qui n’a pas été éduqué peut éduqué ses enfants à son tour ? Et qui pense aux victimes de ces délinquants ? Est-ce une solution que de laisser ces délinquants sans repères dominer la société (càd nous) sans réagir ?
    Votre site incite à la révolte et je le trouve intérressant, mais pourquoi n’avoir pas la même révolte pour denoncer les agissements de tous les délinquants et faire parler les victimes ? de ce qu’elles ont subie ? de ce qu’est leur vie aujourd’hui ?
    Contre pouvoir, oui, expression, oui, mais ne pas parler des victimes de délinquance alors que vous ne dénoncer que les victimes de violences policières, c’est oublier le respect de chacun, et au droit à la liberté pour tous...
    Cordialement

  • Le 24 mai 2007 à 01:25, par luc

    luc,
    Bonjour, cette logique d’enfermement est absurde. La prison pour mineurs sont seulement construite pour défendre l’orde capitaliste. Je ne perçoit ma volonté de combat de cette logique d’enfermement dans ce cadre anti capitaliste et révolutionnaire. J’ai participé à la bataille contre le CEF de Valence géré par la sauvegarde de l’enfance. L’isolement dans lequel on a été maintenu pendant toute la lutte, débats ouverts
    15000 tracts distribués, manifs, fêtes,(..) les éducateurs à proximité de la lutte détournaient le regard pour ne pas s’engager. Toute une génération des années 70 , avec des actions radicales a fait fermer les maisons de correction. Maintenant les CEF existent et on continue dans l’horreur carcérale, le flicage se perpétue .
    L’ouverture des prisons des mineurs sont l’occasion pour toute la bonne conscience (citoyenniste) pour applaudir. ILs sont enfermés ( ces chères petites têtes )dans des lieux propres,hygienistes avec un personnel qualifié : instituteurs, éducateurs de la PJJ et quelques matons psychologues. Cette prison ne peut pas fonctionner sans ce personnel ( qui n’est pas obligatoirement convaincu de la mission).Des perspectives de tchache avec ces gens là avant que ça s’ouvre (Meyzieux).
    luc militant anticarcéral ( différent des abolitionistes)

  • Le 22 mai 2007 à 21:58, par Van...

    Permets moi de sourire chère Catherine, non de Toi, moins encore de tes propos emplis de mansuétude, douceur et compréhension, mais me l’autorises tu, d’une certaine naïveté quant aux jeunes gens qui vont séjourner en cet endroit.
    L’enfermement des mineurs, ne concerne évidemment pas le primo délinquant, auquel une simple admonestation verbale tient le plus souvent lieu de réprimande, dont la plupart du temps il n’a que faire.
    Par contre le multi récidiviste, le criminel au sens pénal du terme, ou le cadre juridique de la détention provisoire s’appliquant à des faits graves, peuvent seuls conduire en détention.
    Jusqu’alors les mineurs partageaient les rudes conditions dévolues à l’univers carcéral du tout venant.
    Cet endroit leur permettra d’échapper à une promiscuité nauséabonde, tant humainement que pénalement.
    Quant aux familles, pour lesquelles les conditions d’un suivi décent de leur progéniture n’aurait pas été conçues, libre à Toi de pleurer leur désarroi.
    Pour ce qui me concerne, ma première pensée les concernant, évoquerait plus leur responsablité engagée, leur désengagement affectif et éducatif, et la responsabilité sociétale concernant leur propre éducation, voire rééducation, selon les cas envisagés.
    Car la commission d’actes graves par une certaine population juvénile relève à mon sens plus de la carence du cadre familiale, que de la responsabilité propre du mineur.
    Un chantier demeure donc, celui du traitement des déshérences familiales, et du recadrage nécessaire de ces dernières, préalable à toute forme de réintégration sociale.
    Amicalement tienne.

  • Le 22 mai 2007 à 00:09

    C’est vrai qu’en terme de « prévention », le refus d’aujourd’hui ressemble plus à de la constatation... on n’était pas nombreux l’an dernier à « s’agiter »...

    C’est triste ce réveil soudain... ma foi.

    Le futur directeur de l’EPM de Meyzieu a été recruté par voie d’offre d’emploi par l’ANPE du 7e arrondissement... il y a déjà quelques mois !

    - voir aussi un papier de la LDH de Toulon... (pour info)

  • Le 21 mai 2007 à 23:24

    Ici il est question de prison pour mineurs pas de centres d’éducations fermés (CEF) ou CER... On gradue comme il faut !!! Il s’agit d’enfermement.

    Depuis la révolution française, une multitudes « d’expériences » de rééducation ont été menées concernant les mineurs... jusqu’au milieu des années 70 où... l’on peut lire :

    [NDLR : en 1974 ] Un rapport du président du tribunal pour enfants de Paris au garde des sceaux conclut : « Les établissements fermés sont des échecs et des dépotoirs. (...) L’action éducative nécessite pour les plus jeunes du temps, des zones de libertés, elle n’est pas conciliable avec le milieu fermé. » Quatre ans plus tard, le ministre de la justice, Alain Peyrefitte, préoccupé par l’augmentation de la détention provisoire des mineurs et la récidive qu’elle génère, met fin à l’expérience des Csoes dans les prisons.

    - voir un article du Monde Diplomatique sur la question...

    « Enfermer », quel projet politique !!!

    Quelle ambition !!!

    Toto

  • Le 21 mai 2007 à 19:57

    TRès bien de lutter contre cet EPM, mais vous étiez ou quand les sabotages du chantiers ont eut lieu ? vous étiez ou quand il y a eut la manif anti EPM ?vous étiez ou lors des projections/débats ?

    Pour vous rafraichir la mémoire (je vous laisse aprécier les dates) :

    * Débat ICI

    * images de la manif du 17 juin 2006, non non vous ne revez pas on etait une toute petite poignée, mais très motivée heureusement malgré une fin de manif sous des torrents d’eau

    * l’appel de cette manif c’est ICI

    On ne lutte pas quand tout est plié mais lorsque c’est en train de se faire, grosse nuance.
    Pourkoi se réveillez si tardivement ? Voulez vous une prison finalement plus humaine ? désolé mais il me semble qu’il est trop tard pour dire « non à toutes les prisons » fallait s’y employé quand il était encore tant pour empécher sa construction.
    Sabotage for ever !!!

  • Le 18 mai 2007 à 13:21, par catherine ,

    l’amour d’un parent de mineur délinquant n’a pas sa place : en effet, à Meyzieu, pas d’espace parents/enfants laissé aux associations ;dans les prisons pour majeurs à Lyon comme ailleurs existent des lieux ( hors les murs) où les associations peuvent rencontrer les familles, les aider dans leurs démarches administratives ou personneles avec le parent incarcéré ;à Meyzieu, rien n’est prévu, c’est comme si les relations des mineurs avec leurs parents ne sont pas considérées comme importantes pour une meilleure réinsertion ;

  • Le 15 avril 2007 à 11:43, par raco

    Juste que je pense que votre vision est un peu simpliste. Je ne connais pas encore bien ces établissements, il est vrai. Cependant, je vous recommande la lecture de l’ouvrage « Centre éducatifs renforcés », témoignages nombreux d’éducateurs, psychologues etc, qui travaillent auprès de ces jeunes dans ces centres, qui, il faut le rappeler, sont une alternative à la prison ! quand même.... alors que proposez-vous à la place de cela ; je ne dis pas - et moi même j’ai du mal avec l’incarcération pour avoir lu Foucault, etc. - que ces centres sont l’idéal, mais je pense que s’ils peuvent éviter l’incarcération sans suivi, c’est bien pour les enfants. non ? la question reste ouverte, mais peut-être faudrait-il en savoir un peu plus sur ces nouveaux établissements...
    merci

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